Passer au contenu principal

Votre navigateur n’est malheureusement pas entièrement pris en charge. Si vous avez la possibilité de le faire, veuillez passer à une version plus récente ou utiliser Mozilla Firefox, Microsoft Edge, Google Chrome, ou Safari 14 ou plus récent. Si vous n’y parvenez pas et que vous avez besoin d’aide, veuillez nous faire part de vos commentaires.

Nous vous serions reconnaissants de nous faire part de vos commentaires sur cette nouvelle expérience.Faites-nous part de votre opinion(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Elsevier
Publier avec nous
Connect

Le point sur la rougeole

19 janvier 2021

Par Anne Claire Nonnotte

Elsevier

Nous vous proposons de découvrir un article de la revue Option Bio(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Le point sur la rougeole

Carole Émile : Biologiste, rédactrice scientifique

Les infections virales sont d’actualité. En France, nous observons, depuis quelques années, une résurgence de la rougeole, due à la grande contagiosité de ce virus et au défaut de vaccination. En effet, la couverture vaccinale (première dose) contre la rougeole est de 90 %, légèrement insuffisante pour éradiquer l’infection, car le contrôle de la circulation du virus nécessiterait un taux d’immunisation d’au moins 95 %. Résurgence donc, mais pas de phénomène d’échappement. L’occasion, toutefois, de faire le point sur cette maladie.

Le virus de la rougeole est un Morbillivirus, appartenant à la famille des Paramyxoviridae. Il est essentiellement lymphotrope, se liant aux lymphocytes via le récepteur Slam (signaling lymphocyte activation molecule), et épithéliotrope, s’attachant aux cellules epitheliales respiratoires via le récepteur nectine-4.

Lors de l’nfection, le virus de la rougeole créée une immunodépression transitoire aiguë, avec perte du répertoire et, après la guérison, il n’ a pas de véritable retour à l’état antérieur. Le virus a en outre, une activité oncolytique naturelle.

Clinique

La contamination se fait par voie respiratoire, au niveau oropharyngé, via une dose infectante très faible, puis le virus infecte le système lymphoïde. L’incubation est cliniquement silencieuse ; les premiers symptômes comportent une fièvre de plus de 38,5 °C, une asthénie, et des signes oculo-respiratoires de type toux, conjonctivite, rhinite ; ils apparaissent lors de la phase d’invasion, et le virus se réplique alors dans l’oropharynx, de manière très active. L’éruption, de type érythématopapuleuse avec érythème généralisé, apparaît aux alentours de J14 (entre J7 et J18 après l’exposition au virus) [1].

La transmission interhumaine est directe, par voie aérienne, et indirecte, manuportée. Les patients sont contagieux environ cinq jours avant et cinq jours après l’éruption.

Les principales complications sont pulmonaires (pneumonie, syndrome de détresse respiratoire aiguë), une otite, une diarrhée, et neurologiques : encéphalite post-infectieuse, au décours de l’infection, encéphalite à inclusions, quelques semaines à quelques mois après la primo-infection, survenant le plus souvent chez des patients immunodéprimés, et panencéphalite sclérosante subaiguë (Pess), pouvant survenir des années plus tard (4 à 14 ans), d’autant plus fréquente que la rougeole est survenue tôt, avant l’âge d’un an, ce qui représente la majorité des cas observés actuellement.

Évolution du virus

Le virus de la rougeole est un virus enveloppé à ARN simple brin, de polarité négative ; c’est un virus linéaire, non segmenté, qui ne connaît pas de réarrangements. Toutefois, 24 génotypes ont été décrits, mais les génotypes circulants se raréfient et seuls quatre génotypes circulaient en 2018, avec une expansion du génotype 8. Il n’existe qu’un seul sérotype, ce qui a facilité le développement des tests sérologiques.

Le vaccin

Il a été inscrit au calendrier vaccinal en France en 1983, sous la forme d’une dose, mais des échecs primaires ont été observés dans environ 15 % des cas ; une seconde dose a été introduite depuis 1996, initialement entre 11 et 13 ans, puis entre 3 et 6 ans, ce qui a fait régresser le taux d’échec primaire à 2-3 %. Les sujets ayant reçu une dose de vaccin peuvent avoir sécrété des IgG ; ils sont immunisés, mais non protégés [2].

Elsevier

Après vaccination, les anticorps apparaissent en 12 à 15 jours avec un pic entre 21 et 28 jours. Les IgM sont transitoires dans le sang et les IgG persistent pendant plusieurs années. L’immunisation conférée semble protectrice à vie. De rares échecs vaccinaux secondaires, tardifs, ont été décrits, avec un tableau de réinfection correspondant à une rougeole atténuée. Ces formes atténuées sont a priori, non transmissibles chez les sujets immunocompétents.

In fine, la réponse au vaccin est hétérogène et les résultats des tests sérologiques Elisa utilisés actuellement sont un piètre reflet de la protection conférée. Seul le taux d’anticorps neutralisants, mesurés par séroneutralisation sur culture cellulaire, permet d’estimer la protection. Il convient donc de ne pas sur-interpréter un résultat de sérologie par technique de type Elisa : attention aux conclusions hâtives de type « sujet protégé ».

Les personnes certainement protégées contre la rougeole sont celles qui ont fait une rougeole « sauvage », en ont guéri et sont immunocompétentes (la survenue de complications reste néanmoins possible) ; chez les patients immunodéprimés, l’incertitude quant à la protection conférée subsiste.

Chez la femme enceinte, il est à noter que les anticorps maternels transmis par voie transplacentaire protègent l’enfant jusqu’à l’âge de 6-9 mois [1].

Depuis le 1er janvier 2018, le calendrier vaccinal français rend la vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole obligatoire à 12 mois pour la première dose, et entre 16 et 18 mois pour la deuxième [3], notamment afin d’obtenir une couverture vaccinale de 95 % à deux ans contre la rougeole, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et permettre une protection individuelle ainsi qu’une immunité de groupe.

Diagnostic biologique

Le temps du prélèvement est très important (Figure 1).

Le diagnostic biologique de la rougeole est direct (recherche d’ARN viral sur prélèvements de liquide salivaire, prélèvements nasal/nasopharyngés, sang total ou urines) ou indirect (détection des anticorps dans le sérum par technique sérologique).

En milieu communautaire, la recherche des anticorps sur prélèvements sanguins par technique de type Elisa est actuellement l’approche diagnostique recommandée (car la plus accessible) et la technique de référence pour le diagnostic de rougeole : la présence d’IgM et IgG signe l’infection (en dehors d’une vaccination anti-rougeole récente) [1]. Attention toutefois au moment du prélèvement : l’absence d’IgG et d’IgM sur un échantillon prélevé lors des trois premiers jours de l’éruption ne permet pas d’éliminer le diagnostic ; un second prélèvement peut être effectué environ huit jours plus tard, en cas de négativité. La présence d’IgG seules en début d’éruption atteste d’une rougeole antérieure ou d’un antécédent de vaccination, même incomplète.

En milieu hospitalier, le diagnostic biologique s’effectue sur prélèvement nasal ou naso-pharyngé, transmis en milieu de transport virologique, pour recherche de l’ARN viral qui, s’il est détecté, signe l’infection virale en cours. Dans la salive ou le naso-pharynx, il est présent pendant les phases d’invasion et éruptive. L’ARN peut également être recherché dans le sang (la virémie est précoce et transitoire) ou dans les urines, où elle peut être prolongée de quelques jours (Figure 1).

Elsevier

En ville, les prélèvements salivaires sont réalisés à l’aide de kits de type Oracol®, distribués par les agences régionales de santé (ARS) aux médecins généralistes et envoyés par voie postale au Centre national de référence (CNR) des virus de la rougeole, rubéole et des oreillons [2].

Ces prélèvements permettent la recherche de l’ARN viral par Reverse Transcriptase-Polymerase Chain Reaction (RT-PCR) en temps réel, et des anticorps en cas de recherche d’ARN négative (les IgM salivaires sont détectées dans la salive à peu près en même temps que dans le sang) ; mais il convient de prendre en compte le risque de faux négatifs si le transport à température ambiante vers le CNR a duré plus de 72 heures. Les résultats des examens effectués au CNR sont transmis aussitôt au médecin ou au biologiste prescripteurs, qui, dans le cadre de la « déclaration obligatoire », doivent les transmettre à leur ARS locale.

La recherche des anticorps IgG et IgM, pour le diagnostic d’une infection récente, ainsi que celle de l’ARN viral sont inscrites à la Nomenclature des actes de biologie médicale. Suite à la décision parue au Journal officiel du 18 février 2019, la recherche de rougeole par RT-PCR est remboursée en présence de signes cliniques de rougeole, dans les premiers jours de la phase éruptive, et hors foyer épidémique actif [4].

En cas d’éruption post-vaccinale, une RT-PCR spécifique de la souche vaccinale (génotype A) peut être réalisée au CNR, pour le diagnostic différentiel avec une éventuelle infection de rougeole à virus sauvage.

Le diagnostic de réinfection est évoqué chez un patient ayant reçu deux doses de vaccin, cliniquement suspect. Ce tableau de rougeole atténuée est plus souvent observé chez des adultes « jeunes » dont la vaccination remonte à deux ou trois décennies. Ces personnes font une rougeole non compliquée et sécrètent des IgG spécifiques ; les IgM concomittantes peuvent être présentes ou non ; la détection de l’ARN est brève. Le diagnostic différentiel se pose avec d’autres virus responsables de fièvre éruptive : Human Herpes Virus 6 (exanthème subit), rubéole, parvovirus.

Enfin, la Direction générale de la Santé a diffusé en 2018 une instruction définissant la conduite à tenir autour d’un ou de plusieurs cas de rougeole [5] et insiste sur la nécessité de confirmation biologique des cas, notamment dans les situations de cas isolés.

Conclusion

La rougeole représente un modèle de succès vaccinal, mais nous observons des résurgences liées à un défaut de vaccination. Plus que jamais, une information juste et éclairée pour promouvoir les vaccinations doit être diffusée en France, dans le respect des recommandations des sociétés savantes. Les biologistes, doivent y prendre part, dans le cadre de leur prestation de conseils.

Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Source

après une communication d’Astrid Vabret, lors des Biomed-J, Paris, 6 mars 2020.

© 2020  Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Je découvre la revue(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Découvrez l'ensemble des articles dans cette spécialité

A lire aussi : Virus et environnement : les hépatites A et E article extrait de la même revue

Référence

[1] HAS. Test d’amplification des acides nucléiques pour le diagnostic biologique de la rougeole. Rapport, juin 2019. [2] Centre national de référence des virus de la rougeole, rubéole et des oreillons. service-129.html [3] calendrier_vaccinal_29juin20.pdf [4] Nomenclature des actes de biologie médicale (NABM). [5] Instruction n° DGS/SP/SP1/2018/205 du 28 septembre 2018 relative à la conduite à tenir autour d’un ou plusieurs cas de rougeole.