Le rétablissement en santé mentale : Jean-François Pelletier

Nous vous invitons à découvrir l'ouvrage Se rétablir en santé mentale(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre) à travers l'interview de son auteur, Jean-François Pelletier, paru dans la revue santé mentale du mois de mars 2021.(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Table des matières

1. Définition dialogale du rétablissement : respects de nos traumas

2. Méthode heuristique : l'empathie relationnelle

3. Pair-aidance interventionnelle : rigueur de l'espoir

4. Cadre de recherche participative : introspection holistique

5. Cadre de pratique participative : multiples chemins de l'honnêteté

6. Résultats narratifs : responsabilité des pairs

7. Résultats classificatoires : culture d'ouverture

8. Résultats croisés dynamiques : dicté par soi et par altruisme

9. Résultats appariés : écoute respectueuse

10. Discussion : force de l'engagement.

Comment les gens se rétablissent ?

Jean-François Pelletier, Pr de psychiatrie à l’Université de Montréal et mentorat pour pairs aidants en santé mentale, affirme dans cet ouvrage fondateur, la place de la pair aidance comme stratégie de communication et de transmission de l’espoir du rétablissement.

Pouvez-vous nous préciser votre conception du rétablissement ?

Le rétablissement est un processus personnel, unique à chacun. Dans cet ouvrage, je propose d’explorer comment les personnes souffrant de troubles psychiques « se » rétablissent, et non comment « les rétablir ». En tant que soignant, il s’agit de comprendre comment leur être utile pour qu’ils puissent eux-mêmes se (re)définir au-delà de, et même grâce à, la souffrance émotionnelle. Il n’est donc question ni d’éduquer ces personnes, ni de les traiter, mais d’apprendre d’elles et avec elles les meilleures façons de communiquer, voire de délibérément transmettre le rétablissement, par « contagion » entre deux sujets se situant à proximité sur un même plan affectif. Un médecin peut guérir une maladie et en traiter les symptômes, mais par définition, seule la personne elle-même peut « se » rétablir, retrouver un nouvel équilibre et s’y maintenir. Par ailleurs, le rétablissement n’est pas le contraire de la maladie, mais peut-être même plutôt le contraire de la guérison, surtout si celle-ci n’est qu’une suppression de la maladie attribuable à une intervention curative visant à l’éradiquer. Le contraire du rétablissement, c’est le languissement, et non la maladie. C’est donc plutôt le mot épanouissement qui pourrait s’apparenter au rétablissement, et selon les jours, on peut très bien se considérer comme une personne épanouie même si on vit avec une ou plusieurs maladies. Ce n’est pas du tout incompatible, au contraire !

Comment avez-vous construit cet ouvrage ?

Ce livre n’est pas un outil d’intervention didactique puisqu’il s’agit d’apprendre des usagers et non de leur faire la leçon. Il est structuré en 10 chapitres, qui déclinent 10 principes directeurs du rétablissement : espoir, autodétermination, chemins multiples, holistique, soutien des pairs, relations sociales, rôle de la culture, prises en charge des traumatismes, rôle des proches, respect. Il ne propose donc pas une présentation disciplinaire formelle de ce concept, mais plutôt une définition dialogale et dynamique. Ces dix principes sont issus d’un exercice consultatif élargi, auquel ont pris part des usagers des services de santé mentale, des professionnels et d’autres acteurs. Ils ont été nombreux à souligner la logique d’entraînement d’un principe à un autre, même si l’ordre varie d’un sujet à l’autre au gré des périodes de sa vie.

Pour déployer les dix principes directeurs du rétablissement, vous suggérez de mettre en œuvre dix attitudes ?

Ces grands principes sont associés aux 10 attitudes CanMeds (Canadian Medical Education Directives for Specialits), un cadre pédagogique créé dans les années 1990 par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, pour promouvoir le développement de compétences humaines chez les médecins en formation. Au fil des ans, il a été adapté et utilisé à l’échelle internationale, incluant par exemple en France l’université de Bretagne Occidentale. Dans leur pratique, les médecins investissent sept rôles (ou groupes thématiques de compétences) : Expert médical (le rôle pivot), Communicateur, Collaborateur, Promoteur de la santé, Gestionnaire/Leader, Érudit et Professionnel. Chaque compétence est constituée d’éléments indépendants et peut être subdivisée pour favoriser l’enseignement, l’apprentissage, l’observation, l’interaction et l’évaluation. Communes à chaque rôle et complémentaires à ces compétences doivent se déployer des attitudes : altruisme, écoute, empathie, engagement, honnêteté/intégrité, introspection/humilité, ouverture d’esprit, respect, rigueur, et sens des responsabilités. Les étudiants en santé peuvent ainsi être évalués par rapport à l’acquisition et au déploiement de leurs compétences. Pour les pairs-aidants, qui sont des experts du rétablissement, il s’agit plutôt de mettre en œuvre les attitudes CanMeds, dans leurs interactions avec les autres professionnels ou les patients, entre eux et par rapport à eux-mêmes. Étant elles-mêmes des personnes rétablies, les pairs-aidants peuvent communiquer horizontalement l’espoir du rétablissement, en invoquant une expérience commune avec les pairs-aidés. Cette communication, dont le premier temps est celui d’une écoute chaleureuse par un usager de la psychiatrie, permet d’établir une réciprocité qui servira de socle à la compréhension de soi en interaction avec autrui. Ce qui permet de se rétablir s’appuie donc sur cette théorie communicationnelle du rétablissement par la pair-aidance, où la personne est elle-même en même temps l’objet et le sujet de l’action.

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  À lire : Se rétablir en santé mentale. Fondements et pratiques du rétablissement par la pair-aidance. J.-F. Pelletier. Paris, Elsevier Masson, coll. Médecine et psychothérapie, 2021.

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