Troubles du sommeil : efficacité des psychothérapies

Les psychothérapies pour traiter les troubles du sommeil

Dans cet ouvrage très pédagogique, I. Poirot et A. Brion, psychiatres, mettent l’accent sur l’intérêt et l’efficacité des psychothérapies dans la prise en charge des troubles du sommeil. Entretien.

Quelle place occupent les psychothérapies dans la prise en charge des troubles du sommeil ?

L’intérêt des psychothérapies dans la prise en charge des troubles du sommeil est encore peu connu. Dans l’insomnie chronique, elles sont pourtant recommandées en première intention par les sociétés savantes. L’insomnie peut s’installer sans contexte psychologique évident mais elle coexiste aussi fréquemment avec d’autres troubles du sommeil (syndrome d’apnées obstructives du sommeil, syndrome d’impatience des membres inférieurs…), un grand nombre de problèmes somatiques (douleurs, troubles endocriniens…) et de maladies, notamment psychiatriques. Les recommandations actuelles préconisent de traiter l’insomnie par les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), quelle que soit par ailleurs la prise en charge de la maladie comorbide. Paradoxalement, ces approches sont peu disponibles du fait d’un manque de formation des personnels de santé, ce qui engendre un excès de prescriptions médicamenteuses au long cours, lesquelles devraient être réservées aux situations d’urgence et au court terme. Les psychothérapies occupent également une place non négligeable dans le suivi des troubles du sommeil qui impactent de façon notable la qualité de vie, comme les hypersomnies idiopathiques ou la narcolepsie, ou lorsque ces troubles requièrent des traitements contraignants dont l’observance dépend de la qualité de l’alliance thérapeutique.

Sur quels mécanismes du sommeil s’appuient les différents programmes psychothérapeutiques ?

Pour être efficaces, ces psychothérapies doivent intégrer des règles physiologiques et chronobiologiques propres au sommeil, ainsi que les aspects psychologiques associés ou identifiés comme jouant un rôle dans l’origine de la pathologie ou son entretien. Les techniques comportementales s’appuient sur les deux principaux mécanismes de régulations de l’éveil et du sommeil : celui de l’homéostasie (l’organisme tend vers une recherche d’équilibre entre une bonne qualité d’éveil en journée et un temps de sommeil permettant une récupération énergétique, physiologique et émotionnelle), et celui de la régulation circadienne qui grâce à une horloge interne permet une alternance éveil/sommeil calée sur les rythmes jour/nuit. Pour chaque personne, le sommeil est par ailleurs associé à un fonctionnement psychique, plus ou moins anxieux ou réactif aux situations de stress qui peut entraîner une hypervigilance. Quand elle est présente et interfère sur le sommeil, cette hypervigilance est ciblée par les approches recommandées dans la gestion de stress et l’anxiété comme la relaxation ou le biofeedback.

Quelles sont les pratiques actuellement validées et pour quels types de troubles ?

Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont validées dans l’insomnie chronique et se déclinent de plusieurs façons, en privilégiant les aspects comportementaux dont l’efficacité est largement démontrée, ou en ciblant les aspects psychologiques avec des programmes de thérapies cognitives. Dans le cadre des parasomnies (1), le traitement des cauchemars récurrents idiopathiques ou associés au trouble de stress post traumatique fait l’objet d’une recommandation qui privilégie l’approche psychothérapeutique par la technique de Répétition d’imagerie mentale (RIM) (2). D’autres pratiques sont encore peu évaluées. La méditation de pleine conscience ou l’hypnothérapie, qui font ainsi actuellement l’objet d’études, peuvent compléter les TCC ou le traitement médicamenteux.

Comment est structuré cet ouvrage et à qui est-il destiné ?

Cet ouvrage propose un travail en interface entre la médecine du sommeil et la psychologie ou la psychopathologie qui s’y attache. Il s’adresse à tous les acteurs de la médecine (médecins de toutes spécialités, étudiants, infirmiers) familiarisés ou non avec la médecine du sommeil et qui souhaitent élargir leur compétence thérapeutique. La première partie de ce livre traite de la physiologie du sommeil, de chronobiologie et des grandes catégories nosographiques en cours pour les troubles du sommeil. Ensuite, une part importante de l’ouvrage est consacrée à l’insomnie, qui est de loin le trouble du sommeil le plus fréquent et très souvent comorbide à d’autres troubles ou plaintes. Son traitement constitue ainsi un socle qu’il est indispensable de bien maîtriser pour l’ensemble des pathologies qui peuvent lui être associées. Il est présenté en deuxième partie, à côté de notions importantes à considérer dans la pratique des psychothérapies, comme l’analyse fonctionnelle d’un trouble ou l’importance de l’alliance thérapeutique. Les TCC sont les principales références psychothérapeutiques car elles représentent les pratiques les plus évaluées dans les troubles du sommeil. La troisième partie présente des cas cliniques concrets et des stratégies thérapeutiques.

(1) Les parasomnies sont des troubles indésirables survenant au cours du sommeil : somnambulisme, cauchemars, terreurs nocturnes… (2) Restructuration cognitive destinée à remplacer le cauchemar par un rêve au contenu neutre ou agréable qui s’incorpore à l’activité mentale du sommeil.

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