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Secret médical et mauvais traitements

France | 6 octobre 2020

Par Anne-Claire N

Secret médical et mauvais traitements

Secret médical et mauvais traitements

Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Pédiatrie médico-légale(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Secret médical et mauvais traitements

S. Cantéro, M. Balençon

PLAN DU CHAPITRE

Le principe : le médecin est tenu au secret dont il est dépositaire Les exceptions : le médecin peut ou doit révéler le secret en cas de maltraitance Conclusion

Pédiatrie médico-légale

Pédiatrie médico-légale

Points clés

  • Le médecin est tenu au secret dont il est dépositaire (art. 226-13 du Code pénal). Il s'agit d'un devoir lié à son statut.

  • Le législateur, en créant un délit de violation du secret professionnel (art. 226-13 du Code pénal), entend ainsi protéger le patient et la profession.

  • En fonction de son statut et de ses fonctions, il peut, voire doit se délier du secret professionnel s'il suspecte une situation de danger pour un mineur dans le cadre de sa pratique.

  • Tout médecin suspectant une situation de danger chez un mineur peut être face à un choix quant à la possibilité de la signaler. Il doit avoir désormais à l'esprit que le risque est plus grand pour lui de se taire que de dénoncer dans les conditions prévues par la loi.

« Je suis ton père ». L'un des films les plus populaires du cinéma américain repose sur un secret. Comme beaucoup d'autres succès littéraires ou cinématographiques à vrai dire : Harry Potter et sa chambre, Bilbo et son anneau, Da Vinci et son code, etc. Et il n'est pas ou presque une affaire criminelle médiatique qui ne recèle un secret : Jean-Claude Roman, le docteur Petiot, etc. Assurément, le secret fascine. Le secret fascine mais il répugne aussi. « On nous cache tout, on nous dit rien » chantait Jacques Dutronc. Nourrissant les interprétations complotistes, entretenant le soupçon, facilitant les fausses révélations ou les dénonciations mensongères, masquant les activités illégales, le secret est malaimé. Véritable balancier, le citoyen oscille de la fascination au dégoût. Pourquoi une telle ambivalence ? C'est que le secret est au centre de l'enjeu démocratique. Le secret est lié au pouvoir, au pouvoir et au savoir. Et ce, dès l'origine, dans l'invention du mot même : se (action de séparer), cretus (action de trier, de discerner). « Je tairai ce qui n'a pas besoin d'être divulgué » commande Hippocrate aux médecins dans leur prestation de serment. Le secret est un pouvoir, celui qui sait peut décider de se taire, peut trier en ce qu'il va révéler et ce qu'il garde pour lui. Dans une société démocratique, celle que connaît la France, dans une société fondée sur le pouvoir venant du peuple, de l'élection, tout le savoir doit être donné au peuple. Le pouvoir démocratique est fondé sur la transparence, sur la parfaite connaissance du citoyen. Pour lui, pas de secret possible, on ne peut rien lui cacher. Et pourtant, des secrets, il y en a plein la démocratie, il y en a plein la République : secret défense, valise diplomatique, secret professionnel, secret des sources, brevets, secret des affaires, secret de l'instruction, secret du délibéré, vote à bulletin secret, etc. Pourquoi le maintien d'un tel phénomène dans un monde qui voudrait être toujours plus transparent ? C'est que le secret professionnel et le secret institutionnel sont des outils très utiles, très efficaces pour l'exercice subtil et équilibré du pouvoir dans une société moderne. Secret professionnel et secret institutionnel sont des outils juridiques au service de l'État de droit démocratique : ils protègent à la fois l'individu, le professionnel et l'institution. Comme les autres secrets professionnels, le secret médical n'échappe pas à cette réalité.

Le principe : le médecin est tenu au secret dont il est dépositaire

C'est un devoir professionnel et non un droit. La loi pénale érige en délit, pour le punir d'emprisonnement et/ou d'amende, le fait par le médecin de violer son secret professionnel. L'article 226-13 du Code pénal qui prévoit que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende » est applicable aux médecins. À tous les médecins, doit-on ajouter, quelles que soient leurs conditions d'exercice, hospitalière, libérale, salariée, etc. Le législateur, en créant ce délit de violation du secret professionnel, entend ainsi protéger le patient et la profession. C'est parce que le patient sait que les secrets – qu'il va confier à son médecin ou que celui-ci va découvrir en exerçant son métier – seront gardés qu'il peut avoir confiance et peut se livrer au praticien sans réserve, sans crainte. La Cour de cassation a pu préciser « ce que la loi a voulu garantir, c'est la sécurité des confidences qu'un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l'état ou la profession, dans l'intérêt général et d'ordre public, fait d'elle un confident nécessaire »30. L'information à caractère secret qui est ainsi protégée par le droit est tout ce qui touche à la vie privée, à l'intimité, à l'intérieur du corps et de l'esprit : le corps et ses données (santé, handicap, maladie, malformation, grossesse, accouchement, IVG, stérilité, etc.), la vie conjugale, sentimentale et familiale (liens familiaux, orientation sexuelle, etc.), les opinions et convictions, croyances (politiques, religieuses, philosophiques, avec aussi les relations avec d'autres personnes lorsqu'elles sont fondées sur ces opinions et convictions...), les loisirs, l'adresse (permanente et temporaire, tout ce qui indique le lieu de résidence de prêt ou de loin), les revenus, train de vie et patrimoine, etc. Le secret médical dépasse donc très largement les données médicales, sort de l'objet même de la relation médecin-patient, pour s'étendre à tous les éléments que le patient est dans l'obligation de livrer pour être soigné ou aidé et qui relèvent de sa vie privée. L'information à caractère secret ne se réduit pas non plus à la confidence faite par le patient au médecin. C'est tout ce que le médecin entend, voit et comprend, du seul fait de la relation de soins et de l'exercice de son art. Retenons donc à ce stade le principe : le médecin doit garder le silence sur les secrets de son patient, sinon il commet un délit. Mais, comme toujours dans notre culture juridique toute française, si l'on pose un principe, c'est pour mieux multiplier ses exceptions. Parmi elles, pour ce qui nous concerne dans le cadre de cet ouvrage, il y a, et c'est heureux, la maltraitance d'un enfant ou d'un adolescent.

30 Extrait d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation prononcé le 19 novembre 1985. Cette formulation est reprise, peu ou prou dans les mêmes termes, par l'ensemble des juridictions, comme par la cour d'appel de Paris qui, dans un arrêt du 27 mai 1997, a écrit que « le délit de violation du secret professionnel est institué non seulement dans l'intérêt général, pour assurer la confiance qui s'impose dans l'exercice de certaines professions, mais également dans l'intérêt des particuliers, pour garantir la sécurité des confidences que ceux-ci sont dans la nécessité de faire à certaines personnes du fait de leur état ou de leur profession ».

Les exceptions : le médecin peut ou doit révéler le secret en cas de maltraitance

L'article 226-14 du Code pénal introduit immédiatement les exceptions au principe de l'interdiction de la violation du secret professionnel. Dans son premier alinéa, il indique « l'article 226-13 n'est pas applicable lorsque la loi impose ou autorise la révélation du secret ». Cette précision est en réalité inutile puisqu'elle est une simple répétition de l'alinéa 1 de l'article 122-4 du Code pénal qui dit qu'il n'y a pas de responsabilité pénale lorsque la personne qui commet un fait pourtant constitutif d'une infraction pénale est autorisée à le faire par la loi. Par exemple, le sapeur-pompier qui détruit une porte pour entrer dans un appartement en flamme, commet un délit de destruction volontaire de bien31, mais est autorisé à le faire en raison de ses obligations professionnelles et de son statut légal. De même le médecin urgentiste qui pratique une trachéotomie commet un délit de violences volontaires avec usage d'une arme32, mais est autorisé à le faire par la loi, notamment l'obligation pénale de porter secours à personne en péril de l'article 223-6 du Code pénal. L'article 226-14 poursuit par deux autres exceptions, qu'il introduit par l'adverbe connecteur logique « en outre », qui intéressent le médecin dans l'exercice de son métier33.

La première exception est générale et concerne tous les professionnels tenus au secret lorsqu'ils apprennent que des privations ou des sévices de toute nature ont été commis sur un mineur. C'est donc l'hypothèse des faits commis, avérés, constitutifs ou non d'infractions pénales, mais qu'on peut qualifier de privations ou de sévices. Le professionnel qui acquiert la connaissance de ces faits et qui les révèle, les dénonce, en informe, les signale, les déclare, sous quelque forme que ce soit, par écrit ou oralement, par appel téléphonique, par visio-conférence, fax, e-mail, etc., aux autorités judiciaires (le procureur de la République et ses collaborateurs), aux autorités médicales (le médecin inspecteur de l'Agence régionale de santé) ou aux autorités administratives (le préfet ou le président du Conseil départemental), ce professionnel peut le faire sans encourir de sanction pour le délit de non-respect de son secret. Il n'encourra de plus aucune condamnation sur les plans civil et disciplinaire. Le médecin qui prend l'initiative de révéler ces sévices et privations peut se tromper d'interlocuteur. On ne pourra pas le lui reprocher. En effet, s'il adresse son signalement au juge des enfants ou au juge aux affaires familiales, ou au directeur départemental de la Protection judiciaire de la jeunesse ou à la direction de son CHU ou à son chef de service, on ne lui reprochera pas de s'être trompé d'autorités car, en définitive, l'information sera communiquée à la personne compétente : le procureur de la République territorialement compétent. Bien sûr, le plus efficace, le plus utile, sera de signaler directement au procureur de la République de son ressort. C'est le conseil pratique qu'il faut retenir : puisque les faits de mauvais traitements à enfant seront portés à la connaissance du procureur de la République qui en sera inévitablement saisi, on évitera la perte de temps et d'énergie en signalant prioritairement à ce magistrat. La deuxième exception est particulière aux médecins et aux professionnels de santé. Il ne s'agit plus de connaissance de faits commis. Il s'agit de constater des faits, par lui-même, et de les interpréter comme étant possiblement des sévices ou des privations de nature physique ou psychique. Ces éléments qu'il découvre lui permettent de présumer que des violences de toute nature, physique, psychique ou sexuelle, ont été commises sur un mineur. Ainsi, peu importe que les violences soient effectives ou non, peu importe qu'elles ne restent que des présomptions, des hypothèses, et que le temps finisse par montrer qu'elles n'ont pas existé. Le médecin doit se comporter vis à vis des violences sur mineurs comme face aux autres diagnostics dont il est coutumier dans la sphère médicale : s'il présume l'existence de violences, il doit pouvoir se rapprocher des autorités compétentes pour que des mesures soient prises concernant le mineur supposé être victime.

31 Article 322-1 du Code pénal. 32 Article 222-13 du Code pénal. 33 Pour plus de clarté, voici le texte même de l'article 226-14 : « L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable : - 1° À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ; - 2° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être, mentionnée au deuxième alinéa de l'article L226-3 du Code de l'action sociale et des familles, les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ; - 3° Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une. - Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi. »

Le médecin peut donc les dénoncer au procureur de la République ou à la CRIP34 sans risquer de se voir reprocher une violation du secret médical. Et ce, sans même l'accord du patient mineur. Ce qui signifie deux autres réalités indiscutables. La première : l'accord des parents n'est pas une condition, n'a pas à être demandé, seul l'accord du mineur est envisagé par la loi pénale. Ce n'est pas une question d'autorité parentale, c'est une question de protection de la personne et de l'ordre public. Puisque la loi dit que l'accord du mineur n'est pas nécessaire, elle suggère que cet accord doit être recherché mais son absence n'interdit pas au médecin de dénoncer les faits au procureur près son tribunal judiciaire ou à la CRIP de son Conseil départemental. La seconde : le médecin peut même passer outre le refus expressément exprimé par son patient mineur. Tout comme l'accord du patient ne délie pas le médecin du secret médical, le refus du patient n'interdit pas au médecin la dénonciation lorsque les conditions de l'article 226-14 du Code pénal sont réunies. À ce stade, le lecteur apprend qu'il ne peut être condamné, pénalement, civilement et disciplinairement, pour violation du secret médical lorsqu'il se trouve finalement en présence de maltraitance sur un mineur avérée ou présumée. Mais il faut aller au-delà. Parce qu'il existe des situations où il n'a pas le choix. C'est l'article 434-3 du Code pénal qui va lui imposer la dénonciation35. Cette disposition incrimine la non-dénonciation aux autorités judiciaires et administratives des mauvais traitements sur les mineurs et les personnes vulnérables, en prévoyant une circonstance aggravante lorsqu'il s'agit d'un mineur de moins de 15 ans. L'article 434-3 du Code pénal précise que, « sauf lorsque la loi en dispose autrement », le professionnel tenu au secret ne commet pas cette infraction de non-dénonciation. Il est excepté des dispositions de cet article. Ce qui signifie que le médecin tenu au secret peut décider de se taire, de conserver le secret... sauf ! Sauf lorsque « la loi en dispose autrement ». Il y a donc des cas où la loi va en disposer autrement, où le médecin n'a pas le choix, des cas où s'il décide de garder le silence, alors même qu'il est tenu au secret médical, il commet le délit de non-dénonciation. Il faut rechercher activement et sérieusement ces situations où la loi en dispose autrement. Il y en a deux.

  • La première situation est la plus évidente. C'est la situation où le médecin est un fonctionnaire mais aussi lorsque, dans certaines circonstances, il est assimilé à un fonctionnaire. L'article 40 du Code de procédure pénale, dans son deuxième alinéa, impose à tout fonctionnaire d'aviser le procureur de la République de tout crime ou délit dont il a connaissance36. Cette obligation de dénoncer pèse donc sur tous les médecins praticiens hospitaliers et universitaires, les médecins du travail dès lors qu'il exerce dans le cadre de la fonction publique hospitalière ou la fonction publique d'État ou territoriale, les médecins de l'Éducation nationale, les médecins militaires, les médecins référents protection de l’enfance, les médecins territoriaux coordonnateurs enfance-jeunesse-famille ou de protection maternelle ou infantile, les médecins inspecteurs de santé publique, etc. Tous les médecins ayant le statut d'une fonction publique sont donc tenus de dénoncer les crimes et délits commis sur les mineurs. Mais ce n'est pas tout. Cette qualité de fonctionnaire est très virale, elle peut s'attraper aisément et rapidement pour les professions de santé. En effet, la jurisprudence administrative étend la qualité de fonctionnaire à tout professionnel qui concourt à la fonction publique même de façon occasionnelle. C'est ainsi que le médecin libéral ou le médecin salarié privé sera assimilé à un fonctionnaire lorsqu'il exerce en tant que vacataire, stagiaire, temporaire, etc., dans un hôpital ou une administration publics. Ce qui signifie par exemple qu'un médecin généraliste libéral qui exerce des vacations dans un établissement de soins public et qui, dans le cadre de cet exercice, découvre un crime ou un délit sur un mineur, est tenu de les dénoncer au procureur de la République. S'il ne le fait pas, il commet le délit prévu par l'article 434-3 du Code pénal. Et l'argument en défense qui consisterait à se réfugier derrière le secret professionnel sera totalement inopérant.

  • La deuxième situation est moins identifiée par les professionnels mais tout aussi impérative. Il s'agit de la situation où le médecin agit sur mandat judiciaire. Lorsqu'un médecin est sollicité par un magistrat pour effectuer un examen ou une expertise, quel que soit son statut, il est obligé de dénoncer les crimes et délits commis sur un mineur qu'il découvre dans le cadre de son mandat. C'est ce que l'on doit déduire d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 octobre 1997 qui n'a jamais été remis en cause depuis et qui avait concerné les agents de l'Aide sociale à l'enfance agissant sous mandat du juge des enfants dans le cadre de l'assistance éducative de l'article 375 du Code civil. Les juridictions pénales reprochent aux mandataires de ne pas dénoncer aux magistrats mandants les crimes et délits commis sur des mineurs dont ils ont connaissance.

34 Cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger qui, normalement, devrait exister dans chaque Conseil départemental. Il arrive que l'on trouve des dénominations ou des organisations différentes d'une administration départementale à une autre. Il appartient à chaque professionnel de se renseigner et d'identifier cette cellule au sein de sa propre collectivité territoriale. 35 « Le fait pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n'ont pas cessé est puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. - Lorsque le défaut d'information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. - Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13. » 36 Article 40 du CPP : - « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1. - Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

Conclusion

Voici quelques suggestions pour guider le choix de garder ou de révéler le secret lorsque l'option est ouverte au médecin placé devant une situation de maltraitance à enfant. À ce stade, nous comprenons que le principe est qu'il faut garder le secret professionnel. Une première exception, simple, naît lorsque le médecin, fonctionnaire, assimilé fonctionnaire ou mandaté par un magistrat, se trouve face à une maltraitance avérée ou supposée constitutive d'un crime ou d'un délit : il a alors l'obligation de dénoncer. Une seconde exception, plus complexe, naît lorsque le médecin, ni fonctionnaire ni assimilé fonctionnaire ni mandaté par un magistrat, est en présence d'une maltraitance avérée ou supposée : il a le choix. Il peut garder le silence sans se voir reprocher la non-dénonciation de mauvais traitements sur mineur. Ou alors, il peut révéler les faits sans se voir reprocher la violation du secret médical. Il est placé face à ses responsabilités, à sa conscience. Cependant, il faut bien se rendre compte qu'aujourd'hui, en matière de mauvais traitement sur mineur, le risque pénal pour tout professionnel est bien plus important à se taire qu'à parler. Il y a une tendance de fond où le professionnel qui découvre une maltraitance sur mineurs risque bien plus à ne rien dire qu'à dénoncer. Plusieurs indices étayent cette analyse. On peut observer une évolution des mentalités et du regard social porté sur la maltraitance des mineurs. Prenons l'exemple de la fessée. Longtemps considérée comme un moyen éducatif plus ou moins toléré, plus ou moins admis culturellement, décrite comme le « droit de correction manuelle », elle a peu à peu été perçue collectivement comme une violence volontaire pénalement répréhensible, des poursuites pénales ayant été engagées donnant lieu à des condamnations dans certaines situations en application de l'article 222-13 du Code pénal. Tirant les leçons de cette évolution, le législateur vient de modifier les textes du Code civil sur la célébration du mariage pour indiquer aux parents que « l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques37 ». Même si elle reste indépendante et doit se méfier des émotions contingentes, l'institution judiciaire, qui rend la justice au nom du peuple français, suit inévitablement l'évolution des mentalités et des attentes sociales. La combinaison et les influences réciproques des trois sources du droit que sont le texte, la doctrine (l'université qui explique le texte) et la jurisprudence (qui applique le texte), assure une réelle plasticité du droit. Il y a des indices d'une réelle réticence à ce que les mauvais traitements soient tus, restent dans le secret. Peu à peu, le secret professionnel dans cette matière est vu davantage comme un élément pouvant protéger les agresseurs et de moins en moins comme un principe assurant l'exercice serein de la profession ou garantissant l'appel inconditionnel aux soins par ceux qui en ont besoin. Tout se passe comme si, dans des affaires de maltraitances qui choquent, qui indignent, parce que des faits ont été tus, alors même que la loi laissait au dépositaire de l'information à caractère secret l'option de la révéler ou de la garder, il y avait une tendance des professionnels de la justice à interpréter la situation de fait comme devant échapper à l'application combinée des articles 226-13 et 223-14 du Code pénal (par la diminution du champ des informations soumises au secret ou de celui des situations professionnelles créant cette obligation au secret, ou encore par l'extension du domaine de l'alinéa 3 de l'article 434-3 du Code pénal), ou à tenter d'appliquer l'article 223-6 du Code pénal38. Il n'est pas rare désormais de voir des plaintes pour « non-empêchement de crimes » ou « non-assistance à personne en péril » suivies d'enquêtes pénales de ces chefs lorsqu'un professionnel tenu au secret n'a pas dénoncé des mauvais traitements qui se sont reproduits après qu'il en a eu connaissance. Jusqu'ici, l'institution judiciaire applique avec rigueur le texte en exigeant que soit caractérisé le caractère certain du péril, du crime ou du délit contre l'intégrité corporelle et écarte l'application de ce texte... Mais jusqu'à quand ? Tout médecin qui fait face à une situation de maltraitance sur mineurs et qui est placé dans la situation où il a le choix de garder le secret ou de le divulguer, doit avoir désormais à l'esprit que le risque est plus grand pour lui à se taire qu'à dénoncer.

37 Article 371-1 du Code civil. 38 Article 223-6 du Code pénal : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le crime ou le délit contre l'intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans. »

Stéphane Cantéro, magistrat, substitut du procureur général, cour d'appel de Rennes, Rennes. Martine Balençon, pédiatre-médecin légiste, Cellule d'accueil spécialisé de l'enfance en danger - CHU Rennes - UMJ Mineurs, AP-HP Hôtel-Dieu Paris, expert près la cour d'appel de Rennes.

© 2020, Elsevier Masson SAS

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