Mindfulness Les différentes étapes de la méditation
France | 8 septembre 2020
Par Anne-Claire Nonnotte
Nous vous proposons de découvrir unextrait de l'ouvrage Pratiquer la Mindfulness basée sur la Compassion et l'Insight (MBCI) en 34 fiches S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Les différentes étapes de la méditation
Dr Francis Gheysen Pr Pascal Delamillieure
1re étape : se poser dans la posture
Dans la méditation, il est dit que notre posture refl ète notre intention et notre état d’esprit. Si nous pouvons développer une posture correcte, alors calmer et dompter l’esprit deviendra plus facile. Nous nous sentirons suffisamment stables et confortables dans notre corps pour maintenir une posture de méditation pendant une plus longue durée. Il y a de nombreuses façons de s’asseoir pour méditer. Nous pouvons choisir de pratiquer la méditation assis sur une chaise ou sur le sol. Si vous choisissez une chaise, essayez-en une qui a un dossier relativement droit et qui vous permette de placer vos pieds à plats sur le sol. Essayez de vous asseoir un peu à distance du dossier de la chaise, de manière à ce que votre dos se soutienne de lui-même ( figure 9.1 ). Cela peut s’avérer utile de placer un petit coussin dans le bas, entre vous et le dossier de la chaise pour obtenir néanmoins un peu d’appui. Si vos pieds ne touchent pas le sol, vous pouvez les reposer sur quelque chose, comme une couverture pliée ou un coussin.
Il est très important d’avoir les deux genoux à terre, pour donner un support suffisant, pas plus haut que les fesses, et que les cuisses soient inclinées vers le sol. Cette posture permettra un meilleur maintien de votre dos et les trois points de contact (le fessier et les deux genoux) vous donneront beaucoup de stabilité. Dans la position du lotus, chaque pied repose sur la cuisse opposée, la plante du pied tournée vers le haut (si vous ressentez de la douleur dans les chevilles, arrêtez là et trouvez une posture plus facile). Dans la position du demi-lotus, un pied est sur la cuisse opposée avec la plante vers le haut, pendant que l’autre repose par terre comme dans la position en tailleur ( figure 9.2 ).
Si vous n’arrivez pas tout à fait à toucher le sol des deux genoux, vous pouvez mettre un petit coussin ou une couverture pliée sous un genou pour vous donner de la stabilité. Si l’un des genoux, ou les deux, sont à plus de 2 ou 3 cm du sol, essayez une autre méthode : mettez-vous sur une chaise, à califourchon sur des coussins, ou sur un tabouret de méditation. La chose la plus importante est de trouver un maintien confortable et qui permet également un état d’esprit éveillé et alerte. Écoutez votre corps. L’inconfort est une distraction pendant la méditation et c’est aussi la façon qu’a votre corps de vous dire que quelque chose ne va pas. Nous ne voulons pas somnoler ou tomber endormis. Jon Kabat-Zinn a l’habitude de parler d’ assise avec un sens de dignité. Ceci nous rappelle encore l’importance de ce que nous faisons, apprendre à revenir à nousmêmes et à être le témoin de nous-mêmes entièrement, comme si c’était la première fois. Ainsi nous nous asseyons, en étant conscients que ce que nous faisons est important pour nous, la vie, et l’univers entier. Ainsi nous trouvons un maintien qui refl ète ceci, avec le dos droit mais non rigide. Le maître zen Shunryu Suzuki disait que nous devrions nous asseoir comme si nous soutenions le ciel avec notre tête. D’autres enseignants nous rappellent de nous asseoir comme si nous étions une montagne majestueuse. Nous pouvons vraiment essayer de sentir la splendeur et la stabilité de la montagne dans notre maintien. Nous sentons notre connexion à la terre qui nous soutient pendant que nous nous asseyons : c’est comme être « suspendu entre ciel et terre ». Ainsi, notre dos est droit, et nous pouvons nous rendre compte de la légère courbe naturelle dans la région lombaire. Nous ne sommes ni courbés en avant, ni avec le bas du dos trop creusé. Notre colonne vertébrale est ainsi détendue. Nos épaules sont détendues, légèrement en arrière et baissées, aidant la poitrine à rester ouverte, et la respiration à être naturelle, à ne pas être gênée. Notre tête est équilibrée sans effort sur la colonne vertébrale, le menton légèrement rentré. La nuque est détendue. La tête, le cou et les épaules sont ainsi verticalement alignés. Nous pouvons imaginer un fi l d’or au-dessus de notre tête, nous soulevant légèrement. Notre visage est détendu, le front lisse, les yeux, la mâchoire, la langue détendue et touchant légèrement l’arrière des dents. Au lieu de maintenir les yeux fermés, nous pouvons abaisser doucement le regard à environ 1 mètre de distance sur le sol (angle de 45 degrés = vers le bout du nez), sans regarder quelque chose de précis. Les yeux sont simplement « posés » sur un point et le regard ne se trouble pas. La main gauche est posée sur celle de droite, les paumes vers le haut ( zen ) ou inversement ( tradition tibétaine ), les pouces exercent une légère pression (« tenir une fourmi entre les pouces sans l’écraser et sans la laisser s’échapper ») l’un sur l’autre et forment une ligne droite. Cette position des mains est appelée mudra . Si nous perdons notre posture, cela indique qu’il est très probable que notre esprit ait vagabondé. Nous avons perdu le contact avec l’instant présent. La correction de notre posture rapportera l’esprit dans le corps.
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2e étape : laisser reposer l’esprit
L’agitation mentale
Au début, le mental est agité et a de la diffi culté à se calmer. L’esprit se montre inconstant et vagabonde sans cesse. Si nous voulons essayer de nous détendre ou simplement nous mettre à l’aise, nous pouvons essayer de mettre notre corps au repos et de ne plus bouger, mais notre esprit n’en fera pas autant. Dès que nous commençons à tourner notre attention vers notre corps, notre esprit s’engage dans des pensées et vagabonde de l’une à l’autre, d’un thème à l’autre, d’une émotion à l’autre. Cela ne sera pas forcément perçu comme étant un problème si les pensées et les émotions qui traversent notre esprit sont agréables et harmonieuses, mais dans les faits, cela ne sera bien souvent pas le cas. Beaucoup semblent disposer d’un catalogue inépuisable de pensées automatiques négatives et d’émotions désagréables émanant de l’inconscient. Quand leur attention n’est pas fi xée sur quelque chose, ces contenus psychiques deviennent immédiatement conscients et orientent l’attention sur ces thèmes négatifs. Parfois même, ces derniers sont activés par des événements de vie qui nous perturbent. Dans ce cas, l’on peut se sentir irrémédiablement attiré par ces pensées négatives, même si on ne le souhaite pas. Quand cela se produit, nous découvrons réellement ce qu’est le mental instable et changeant. Notre esprit est tellement habitué à suivre ses méandres que même lorsque nous ne voulons pas penser quelque chose, il dirige nos pensées et entraîne de ce fait une souff rance importante. Nous pouvons alors découvrir que nous ne contrôlons pas comme nous le voudrions nos pensées. De manière plus prosaïque, l’agitation mentale peut rendre diffi cile le fait de se concentrer, d’étudier, de travailler quand le sujet n’est pas très intéressant. Nous commençons à nous concentrer, y arrivons un peu, puis découvrons que notre esprit dérive vers d’autres pensées que celles qui concernaient la tâche dans laquelle nous commencions à nous impliquer. En bref, l’esprit vagabonde continuellement d’une pensée à l’autre, tel un papillon. Le premier pas à faire est de reconnaître l’existence du caractère instable et changeant de notre esprit.
Laisser reposer l’esprit
Nous percevons maintenant que le caractère instable et changeant de notre mental est en grande partie lié à la force de l’habitude, mais nous commençons à comprendre aussi que nous pouvons envisager d’y remédier. Notre esprit dispose naturellement d’une tendance à se calmer, de la même manière que l’eau se calme, si on cesse de l’agiter. Notre tendance à nous engager constamment dans nos pensées entretient le caractère instable et changeant de notre esprit. Si nous décidons de faire quelque chose par rapport à cet engagement permanent dans nos pensées, la capacité de l’esprit à se calmer se manifestera d’elle-même. Malheureusement, à peine ce point intégré, la plupart des gens ont tendance à en tirer la pire des conclusions : « Je dois me débarrasser de mes pensées et avoir l’esprit vide ». Cela n’est pas souhaitable, car notre tendance à nous engager dans nos pensées est profondément enracinée dans notre esprit. Si nous essayons d’arrêter de penser ou d’avoir l’esprit vide, nous pourrons peut-être arriver un moment à supprimer la production des pensées de notre esprit, mais au risque de se tromper et de s’illusionner soi-même. Ceci risque de créer une tension et une rigidifi cation inutiles et parasites au sein de notre esprit. Il est préférable de s’attaquer directement au problème, qui est notre tendance à nous engager constamment dans nos pensées. L’énergie suit l’attention (être attentif à une pensée en accentue l’importance et lui confère une énergie, une intensité qu’elle n’avait pas forcément avant qu’on lui prête attention). En d’autres termes, quand nous nous concentrons sur nos pensées et nos émotions, et devenons impliqués émotionnellement par ces dernières, nous leur insuffl ons de l’énergie à notre insu. Ceci crée un cercle vicieux, augmentant la tendance à nous engager dans nos pensées et à y être impliqués émotionnellement. Cela explique pourquoi cette tendance est aussi profondément ancrée en nous. Utiliser ce support va nous permettre de désengager notre attention des pensées qui continuent à surgir dans notre esprit et par le fait même, diminuer l’intensité et l’énergie véhiculées par ces dernières.
3e étape : s’enraciner ou s’ancrer
Bien que nous ayons pu fixer le niveau d’agitation de notre mental et trouver une posture constituant un support, il persiste une tendance assez forte à s’éloigner de ce temps et de ce lieu. Nous ajoutons donc un élément complémentaire : l’enracinement. Cette étape descend notre conscience plus complètement dans le corps. Nous pouvons préparer cette étape en utilisant la pratique du balayage/scan corporel. Nous pouvons très facilement perdre conscience de notre corps à travers le flux rapide de la vie que nous menons. Enraciner notre conscience dans le corps permet de reconnaître la globalité de qui nous sommes. Nous sommes des êtres incarnés, n’étant pas simplement une tête occupée suspendue sur un corps inerte. Nous abordons cette étape de manière très simple en notant les points de contact et pression entre notre corps et le plancher sur lequel nous reposons, et en prenant conscience du fait que notre corps est porté inconditionnellement par la terre sur laquelle nous reposons. Nous devenons alors conscients des différentes sensations se déplaçant à travers nous, soit en balayant le corps avec notre attention (comme dans le balayage corporel), soit en laissant les sensations diriger notre attention pendant qu’elles surgissent. Nous notons comment la conscience de la sensation maintient notre attention dans le moment présent. En s’attendant à des sensations corporelles, nous notons comment notre mental repose dans le corps et comment notre mental est maintenu dans la perception du corps. Nous percevons alors l’espace entourant notre corps, notant comment le corps existe dans l’espace et est entouré par lui. Ainsi nous nous exerçons à rendre l’attention flexible, la déplaçant du détail de notre expérience sensorielle au sens plus large de l’espace dans lequel nous existons. Ainsi, une fois que vous avez scanné votre corps ou permis à votre attention d’être ouverte aux sensations particulières, vous pouvez percevoir votre corps dans sa globalité, comme si vous teniez votre corps entier dans le champ de votre conscience. De temps à autre, arrêtez de vous focaliser sur le corps et prenez conscience de l’espace autour vous. Permettez-vous d’éprouver comment le corps existe dans l’espace et est entouré par l’espace. Il y a quelque chose d’assez libérateur et expansif dans la prise de conscience de l’espace ; ainsi, si votre esprit est tendu, vous pouvez passer le temps nécessaire sur cette étape.
4e étape : poser l’attention sur un support
Lorsque nous sommes au repos, nous pouvons remarquer que les pensées, les sentiments et les émotions continuent à surgir et que nous ne sommes pas en mesure de cesser de nous impliquer avec ce flot continu d’activité mentale. Quand cela se produit, nous avons tendance à nous laisser piéger dans nos pensées et ceci nous entraîne vers la distraction. Quand nous sommes distraits, nous perdons l’état de pleine conscience ou présence aimante (pleine conscience et distraction apparaissent antithétiques). Nous avons défi ni la pleine conscience comme le fait de savoir ce qui est en train de se passer au moment où cela se passe. Quand nous sommes distraits et perdus dans nos pensées, nous perdons le contact avec ce moment bien spécifi que qui est celui où la vie se déroule, et nous perdons la présence. Nous ne sommes plus au contact de ce qui est en train de se passer au moment où cela se passe. Il est probable qu’au début, notre état de pleine conscience sera si léger que nous serons entraînés dans la distraction sans même nous en apercevoir. Nous pouvons nous en rendre compte après 10 ou 15 minutes de dérive dans nos pensées et de rêverie diurne et nous demander comment nous en sommes arrivés là et ce qui s’est passé entre-temps. C’est comme cela que notre esprit fonctionne. Du fait de notre tendance permanente à nous laisser aller vers la distraction, nous avons besoin d’un support, un point de référence vers lequel nous pouvons tourner notre attention et vers lequel nous pouvons revenir si nous nous laissons distraire. Nous allons ainsi utiliser ce que nous appellerons un support de pleine conscience. Les supports de pleine conscience vont être constitués par les perceptions des différents sens. Il existe de ce fait plusieurs possibilités. Quand nous travaillons avec un support de pleine conscience, le plus important est de maintenir la qualité du repos quand nous tournons notre attention vers le support. Ainsi l’attention sur le support doit être légère, nous effleurons doucement le support avec notre attention. Nous restons ainsi connectés avec notre corps et le mode être. Le but n’est pas de s’agripper au support et de garder nos pensées à distance. Cette forme de contrôle excessif risquerait d’induire une tension dans notre mental et de perturber la perception de nos émotions. Il s’agit plutôt d’un processus qui consiste à effl eurer en douceur le support chaque fois que nous nous sentons engagés dans la distraction, tout en restant enracinés dans notre corps. Ainsi le support est-il toujours présent et nous savons que nous pouvons retourner vers lui à tout moment, cependant que notre conscience est bien enracinée dans notre corps.
5e étape : « être » au repos
Lorsque notre attention est bien enracinée dans la conscience du corps, nous pouvons abandonner toute envie d’avoir quelque chose à faire et simplement rester au repos. Il est utile à ce stade d’abandonner toute idée d’essayer de méditer, car ceci peut instiller dans l’esprit une sensation d’obligation. La métaphore suivante peut illustrer cette étape : tenir un galet dans sa main et permettre à ce galet simplement d’être là sans le serrer trop fort, mais en même temps qu’il soit suffi samment contenu pour ne pas le laisser tomber sur le sol. Nous le laissons simplement reposer là, au creux de notre main. De manière similaire, nous permettons à notre expérience mentale et émotionnelle d’être contenue dans notre corps dans le champ de notre conscience, nous sommes simplement assis sans avoir quelque chose de particulier à faire. Pendant cette phase de repos, nous pouvons commencer à entrevoir le fait que l’esprit a une tendance naturelle à se mettre au repos de la même manière que l’eau, quand elle n’est plus agitée. Et nous pouvons découvrir alors combien l’engagement permanent dans nos pensées vient perturber l’esprit. Nous pouvons découvrir aussi que toute expérience mentale ou émotionnelle dispose d’un espace autour d’elle. Rester au repos permet de reconnaître cet espace et de s’y tenir. Une autre métaphore intéressante est celle du vieil homme qui est assis au milieu d’un groupe d’enfants en train de jouer. Il les regarde gentiment et avec humour. Mais il ne s’implique pas dans leurs jeux. Les enfants sont comme nos pensées et nos émotions, ils s’agitent sans cesse. Nous n’essayons pas de les faire cesser ce qu’ils font ; au contraire, nous leur permettons de jouer et accroissons simplement l’espace dans lequel ils jouent. Nous faisons cela sans résister à ce qu’ils sont en train de faire. Nous leur donnons simplement la permission d’être ce qu’ils sont. Rester au repos va nous permettre de passer en mode être . D’ordinaire, notre vie est complètement cadenassée dans le mode faire et même lorsque nous arrêtons de faire des choses avec notre corps, notre esprit semble ne jamais s’arrêter. Par l’enracinement et le fait de rester au repos, nous pouvons apprendre ou réapprendre à passer en mode être, quoi qu’il puisse se passer dans notre expérience, ici et maintenant. De cette manière, nous pouvons découvrir que les diff érentes étapes de la méditation (se poser dans la posture, laisser reposer le mental, s’enraciner, poser l’attention sur un support et rester au repos) constituent les clés de voûte de la pratique de la pleine conscience.
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