L'édito de Julien : les patients mythos
France | 12 juin 2019
Par Yohann J.
Julien est un jeune IDE (diplomé en 2017) qui s’exprime chaque mois sur le monde de la santé
Tout le monde l’admettra : un patient qui ment, c’est pénible.
Manque d'authenticité, simulation, les qualificatifs hâtifs ne manquent pas. Quelle horreur, nous sommes là pour les aider avec empathie et bienveillance, et eux se mettent à simuler.
Dès qu’une équipe décèle l’once d’un mytho, les voilà marqués du fer rouge du péché. Moi aussi, ça me gonflait : mais pourquoi ne me dit-il pas la vérité ? Moi qui suis là pour le soigner ?
Soyons honnêtes un instant : qui n’a jamais menti ?
J’irais même jusqu’à dire, qui ne s’est jamais menti à soi-même ? Qui n’a jamais aménagé sa réalité pour pouvoir dormir un peu plus tranquillement le soir ? Allons plus loin : qui n’a jamais dit “mais non, c’est une petite aiguille”, ou “ça ? C’est une sonde vésicale, mais vous verrez, ça fait pas mal”. Et puis, entre nous : qui raconte absolument tout les détails de sa vie à un professionnel de santé ? Oui mais quand même, ceux qui simulent.
N’avons-nous jamais simulé ? N’avons-nous jamais fait une mine faussement heureuse quand tata Suzanne nous offre un cadeau dégueulasse pour notre anniversaire ? N’avons-nous jamais rigolé à des blagues pourries pour faire plaisir ? N’avons-nous jamais fait semblant ?
Oui, mais c’est pas pareil.
Probablement que nos mensonges sont plus légers puisque que les situations ne portent pas atteinte à notre santé, mais que ferions-nous à leur place ?
Tenez, regardez le terme mythomane que j’emploie moi-même ici, c’est à la base un terme médical, mais qui s’est transformé au fil du temps en insulte, alimentant par là-même la psychophobie de ceux qui ne peuvent s'empêcher de mentir.
Le mensonge est, dans notre civilisation, ancré comme un péché moral. Mais le mensonge est aussi une tentative de survie, un moyen de mettre à distance un problème insupportable. Le patient qui souffre d’une addiction n’arrivera peut-être pas à l’admettre tout de suite. Parfois même, le mensonge est pathologique à un point qu’on ne pourrait imaginer. Peut-être devrions-nous juste les croire. Ou peut-être devrions-nous juste nous souvenir que nous aussi, à notre manière, nous sommes tous des petits menteurs.
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Julien
31 ans, IDE - Master II en gestion et management Créateur du site www.thérapeutiqueactive.wordpress.com S’ouvre dans une nouvelle fenêtre - Twitter @Martinez_J_ S’ouvre dans une nouvelle fenêtre "Toujours là pour t’agaçer, mais jamais pour penser à ta place"
Tout le monde l’admettra : un patient qui ment, c’est pénible.
Manque d'authenticité, simulation, les qualificatifs hâtifs ne manquent pas. Quelle horreur, nous sommes là pour les aider avec empathie et bienveillance, et eux se mettent à simuler.
Dès qu’une équipe décèle l’once d’un mytho, les voilà marqués du fer rouge du péché. Moi aussi, ça me gonflait : mais pourquoi ne me dit-il pas la vérité ? Moi qui suis là pour le soigner ?
Soyons honnêtes un instant : qui n’a jamais menti ?
J’irais même jusqu’à dire, qui ne s’est jamais menti à soi-même ? Qui n’a jamais aménagé sa réalité pour pouvoir dormir un peu plus tranquillement le soir ? Allons plus loin : qui n’a jamais dit “mais non, c’est une petite aiguille”, ou “ça ? C’est une sonde vésicale, mais vous verrez, ça fait pas mal”. Et puis, entre nous : qui raconte absolument tout les détails de sa vie à un professionnel de santé ?
Oui mais quand même, ceux qui simulent.
N’avons-nous jamais simulé ? N’avons-nous jamais fait une mine faussement heureuse quand tata Suzanne nous offre un cadeau dégueulasse pour notre anniversaire ?
N’avons-nous jamais rigolé à des blagues pourries pour faire plaisir ? N’avons-nous jamais fait semblant ?
Oui, mais c’est pas pareil.
Probablement que nos mensonges sont plus légers puisque que les situations ne portent pas atteinte à notre santé, mais que ferions-nous à leur place ?
Tenez, regardez le terme mythomane que j’emploie moi-même ici, c’est à la base un terme médical, mais qui s’est transformé au fil du temps en insulte, alimentant par là-même la psychophobie de ceux qui ne peuvent s'empêcher de mentir.
Le mensonge est, dans notre civilisation, ancré comme un péché moral. Mais le mensonge est aussi une tentative de survie, un moyen de mettre à distance un problème insupportable. Le patient qui souffre d’une addiction n’arrivera peut-être pas à l’admettre tout de suite. Parfois même, le mensonge est pathologique à un point qu’on ne pourrait imaginer.
Peut-être devrions-nous juste les croire. Ou peut-être devrions-nous juste nous souvenir que nous aussi, à notre manière, nous sommes tous des petits menteurs.
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