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Le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique

7 mars 2023

Par Anne Claire Nonnotte

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Introduction

Le règlement européen 2017/745 [1] relatif aux dispositifs médicaux (DM) est applicable depuis le 26 mai 2021. Il prévoit dans son article 17 le retraitement des DM à usage unique (« single-use devices reprocessing » dans le texte original), et précise que cette pratique ne sera possible dans un État que si la législation du pays l'autorise. Le retraitement y est défini comme étant « le procédé dont fait l'objet un dispositif usagé pour en permettre une réutilisation sûre, y compris le nettoyage, la désinfection, la stérilisation et les procédures connexes, ainsi que l'essai du dispositif usagé et le rétablissement de ses caractéristiques techniques et fonctionnelles en matière de sécurité ». Cette définition est compatible avec la définition du dispositif médical à usage unique (DMUU), précisée dans la directive européenne de 2007 [2] et reprise dans le nouveau règlement (article 2, paragraphe 8) : «Tout dispositif destiné à être utilisé sur une personne physique au cours d'une procédure unique. »

À l'origine des dispositifs médicaux à usage unique retraités

Dans les années  1970-1980, le risque de transmission nosocomiale par la réutilisation de seringues contaminées a suscité un intérêt croissant pour la production de DM d'injection à usage unique. La découverte du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) a renforcé la pression en faveur de la production de DMUU. Par ailleurs, les avancées technologiques ont conduit à la production de DM plus élaborés et plus complexes, permettant le développement de techniques médicales et chirurgicales sophistiquées qui présentaient de plus en plus de risques infectieux. Ces dispositifs, fabriqués en matières plastiques, ne supportent pas les méthodes de stérilisation traditionnelles à haute température : ils sont étiquetés à usage unique par les fabricants, sans autre base scientifique. Mais l'augmentation des prix des DM et l'explosion de la quantité de déchets, emballages, plastiques et produits piquants divers ont remis en question ce principe du « toutjetable » ; les établissements de santé, dès les années 1990, ont fait des choix entre dispositifs réutilisables et DMUU, en fonction des contraintes financières, de leur organisation, de l'offre de produits sur le marché et de leurs besoins. Le concept de reprocessing fait son apparition dans certains pays européens : Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Slovaquie, Suède.

Réutilisation des dispositifs médicaux à usage unique

Historiquement, la réutilisation des DMUU s'est développée selon deux circuits différents :

  • la restérilisation, effectuée dans les établissements de santé avec les moyens classiques à disposition;

  • le retraitement, sous-traité à des entreprises externes, telles Stryker aux États-Unis ou Vanguard en Allemagne, avec des moyens spécifiquement dédiés à cette activité. Dans ce cadre, la réutilisation d'un DMUU est évaluée selon un cahier des charges qualité qui permet de définir le nombre maximal d'utilisations possibles pour maintenir une performance optimale. Vanguard, par exemple, assure le retraitement de DM en cardiologie, électrophysiologie, arthroscopie, ophtalmologie, endoscopie et urologie ; pour chaque DM, le procédé de retraitement est défini en fonction de la structure et des matériaux composant le DMUU via une phase de « rétro-ingénierie » (ou « reverse engineering »); les étapes critiques du procédé sont précisées sur la base de l'analyse des risques. Après retraitement, chaque DM est contrôlé individuellement, notamment au niveau de son intégrité et de ses performances techniques. Le DM est retiré de la circulation si la sécurité n'est plus garantie. Par un système de codage de chaque dispositif, le prestataire trace chaque étape du procédé et des contrôles et s'assure que le DM est livré à son propriétaire initial, l'hôpital ou l'utilisateur. Les entreprises de retraitement utilisent des modes de stérilisation industriels à basses températures, similaires à ceux du producteur d'origine.

Un cadre réglementaire national

La réglementation de l'Union européenne relative à la sécurité et aux performances des DM a été harmonisée dans les années 1990 avec trois directives, 90/385/CEE (Communauté économique européenne) relative aux dispositifs médicaux implantables actifs, 93/42/CEE relative aux DM, 98/79/CE (Communauté européenne) relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV) :

  • l'étiquetage des DMUU doit comporter une indication précisant que le dispositif est à usage unique (« 2 » barré);

  • pour les DM réutilisables, le fabricant doit fournir des informations relatives aux procédés appropriés pour pouvoir les réutiliser, y compris la méthode de stérilisation, ainsi que toute restriction sur le nombre de réutilisations.

La directive 2007/47/CE clarifie la notion d'usage unique, qui doit être uniforme dans l'ensemble de la Communauté européenne, et la notice d'utilisation doit comporter des informations sur les risques liés à la réutilisation. Pendant les dix années qui vont suivre, la Commission européenne analysera la problématique du retraitement des DMUU, en vue de statuer sur cette technique dans le cadre du nouveau règlement publié en 2017 et abrogeant les directives de 1990 et 1993. La consultation de groupes d'experts, une consultation publique et la saisine du Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux ou CSRSEN (en anglais « Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks » ou SCENIHR) ont abouti à la publication d'un rapport en 2010 [3]. La Commission européenne y note : «Pour faire face aux pressions financières croissantes, le retraitement de certains dispositifs médicaux, pourtant destinés à un usage unique, s'est parfois poursuivi, soit dans les hôpitaux, soit par l'intermédiaire de prestataires de services de retraitement. « Actuellement, le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique n'est pas réglementé dans l'Union européenne ; ce sont les différentes législations nationales qui régissent cette pratique dans toute l'Europe. Un petit nombre d'États membres l'autorisent et ont élaboré des lignes directrices, tandis que d'autres l'interdisent (comme la France) ou ne disposent pas de réglementation spécifique dans ce domaine. » En Allemagne, la loi MPG (Medizinproduktegesetz, loi sur les dispositifs médicaux introduisant la directive 93/42 CEE) est modifiée en 2002 pour donner un cadre à la réutilisation des instruments médicaux ; les recommandations du RKI (Robert Koch Institute), et celles du BfArM (Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux) définissent un niveau de classement en DM critiques, semi-critiques et non critiques (selon la classification de Spaulding), sans distinction entre les DM réutilisables et les DM dits à usage unique. Au Royaume-Uni, le MHRA (Medicines and Healthcare products Regulatory Agency) publie en 2016 un guide « Single-use medical devices: UK guidance on re-manufacturing », favorable à cette pratique. Ce guide définit le « reprocessing » pour les DM réutilisables, et le « remanufacturing » pour les DMUU. Le MHRA interdit le reprocessing des DMUU et autorise le remanufacturing par les fabricants, qui seuls disposent des moyens suffisants pour évaluer l'éligibilité d'un DM au retraitement. En Suisse, l'ordonnance sur les dispositifs médicaux du 17 octobre 2001 (ODim SR 812.213) est révisée le 1er avril 2010 : « […] on considère qu'un hôpital est un fabricant dès l'instant où il retraite et stérilise aux fins de réutilisation un produit à usage unique pour lequel le fabricant d'origine n'a pas prévu de restérilisation (art. 20a) ». Aux États-Unis, un tiers ou un hôpital chargé du retraitement doit se conformer aux mêmes exigences qui s'appliquent aux fabricants du matériel d'origine ; un avis favorable de la Food and Drug Administration est confirmé par le GAO (Government Accountability Office) en 2008, suite à l'analyse de l'éventuel lien de causalité entre dispositifs retraités et événements indésirables recensés [4]. Au Canada, certaines provinces ont interdit la réutilisation des DMUU critiques; d'autres ont établi que les hôpitaux doivent recourir à une entreprise de retraitement agréée. En Australie, une entreprise qui retraite un DMUU devient le fabricant du dispositif retraité et doit appliquer la procédure d'évaluation de la conformité correspondante au produit. Trois grands risques pour la sécurité des patients ont été mis en évidence par le CSRSEN, à savoir la subsistance d'une contamination, la persistance de produits chimiques employés au cours du processus de retraitement, et l'altération de la performance du dispositif en conséquence de son retraitement. L'exposition pendant le cycle de retraitement à des agents chimiques de nettoyage, des stérilisants chimiques, à une pression élevée, peut provoquer la corrosion et des modifications des matériaux du DM : les plastiques peuvent se ramollir, se fissurer ou devenir cassants; une défaillance mécanique peut apparaître après plusieurs cycles de retraitement et altérer sa performance. Certains des matériaux utilisés dans la fabrication des DM peuvent absorber ou adsorber certains produits chimiques, qui peuvent ensuite être progressivement relargués. Les résidus chimiques résultant du retraitement peuvent présenter un risque toxique lors de la réutilisation du dispositif. La subsistance d'une contamination peut être la conséquence d'un nettoyage, d'une désinfection et/ou d'une stérilisation inappropriés; le processus de nettoyage, par exemple, doit permettre d'accéder à toutes les parties du dispositif pour permettre une décontamination complète : les angles aigus, les bobines, les lumières longues ou étroites, des revêtements de surface spécialisés, etc., peuvent limiter son efficacité. Les endotoxines sont des produits de dégradation bactérienne à Gram négatif et peuvent être un problème important si l'appareil a une forte charge bactérienne après utilisation, qui ne peut pas être éliminée de manière adéquate par le nettoyage. L'élimination de la contamination par des prions est un problème spécifique, dans la mesure où seules des méthodes de nettoyage relativement agressives, incompatibles avec les matériaux fréquemment utilisés, peuvent garantir l'inactivation des prions. Les dispositifs susceptibles d'être contaminés sont pour cette raison écartés du retraitement dans les pays qui le pratiquent. La Commission européenne a analysé d'autres aspects du retraitement, tels que les questions d'ordre éthique, la responsabilité du professionnel de santé qui utilise un DMUU retraité, la responsabilité du retraiteur, de l'hôpital, mais aussi la rentabilité du procédé et les incidences environnementales, et enfin l'obligation de traçabilité.

Retraitement des dispositifs médicaux à usage unique en France

En France, plusieurs circulaires (circulaire DGS/DH/ DPHM/no 669 du 14 avril 1986 relative à l'interdiction de restériliser le matériel médico-chirurgical non réutilisable dit à « usage unique » ; circulaire DGS/SQ3, DGS/PH2 – DH/EM1 no 51 du 29 décembre 1994 relative à l'utilisation des dispositifs médicaux stériles à usage unique dans les établissements de santé publics et privés), complétées par la jurisprudence, ont interdit la réutilisation des DMUU, et deux décrets (15 mai 2006 et 30 août 2010) ont modifié le Code de la santé publique (article R6111-21) en ce sens. Plusieurs démarches ont été engagées auprès du ministère de la Santé, en vue de définir le cadre sécurisé dans lequel cette pratique pourrait être autorisée, ont eu lieu depuis 2018, à l'initiative d'un groupe de travail réunissant le Club des acheteurs de produits de santé (CLAPS) et des représentants des Hospices civils de Lyon, soutenu par les fédérations hospitalières, sans aboutir à ce jour. Dès 2018, trois États européens, la Belgique, la Suède et les Pays-Bas, ont transposé le règlement 2017/745 dans leur réglementation nationale avec la possibilité de retraitement des DMUU. Le Conseil national de la santé suédois note fin 2020, dans un rapport préparatoire : « Le retraitement selon un protocole validé peut être considéré comme sûr pour le patient et n'entraîne pas de risque plus élevé pour la sécurité des patients par rapport à une utilisation initiale de produits provenant d'un fabricant de l'appareil » [5]. Il mentionne également que la pratique du retraitement des DMUU en routine a permis aux établissements de santé de faire face aux ruptures d'approvisionnement en dispositifs médicaux pendant la pandémie. Plusieurs projets de réutilisation de DMUU et d'équipements de protection individuelle (EPI) ont eu lieu au début de la pandémie en France face à la pénurie de certains produits de santé, comme les travaux sur les masques FFP2 menés par un consortium intégrant le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le CHU de Grenoble. Malgré des résultats concluants (concernant la réduction de la charge virale et le maintien des performances techniques de filtration après stérilisation par différents agents stérilisants, oxyde d'éthylène, gaz plasma, etc.), la réutilisation n'a pu se mettre en place en France, faute d'un environnement réglementaire et logistique adapté. L'ordonnance n°2022-582 du 20 avril 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/745 modifie la 5e partie législative du code de la santé publique: Art L.5211-3-2- le retraitement des dispositifs usage unique mentionné à l'article 17 du règlement (UE)2017/745 du parlement européen et du conseil du 5 avril 2017, leur mise sur le marché et leur utilisation sont interdits.

Trois points essentiels en lien direct avec les DMUU ont été mis en avant pour faire évoluer la position française :

  • l'absence de risque accru dans les pays où cette pratique est reconnue par les agences de santé depuis plusieurs dizaines d'années;

  • les économies potentielles;

  • la diminution des déchets. Concernant les déchets, plusieurs textes réglementaires ont été publiés ou bien sont en préparation dans le cadre de la préservation de l'environnement :

  • en Europe, la directive (UE) 2019/904 du 5 juin 2019 de l'Union européenne, relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement;

  • en France, la loi no 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, et ses décrets d'application [6-8] concernent les hôpitaux et le système de santé en général, au niveau du tri des déchets et de la valorisation potentielle de produits usagés

Ils complètent les articles L541 & suivants du Code de l'environnement qui donnent la priorité à la prévention et à la réduction de la production de déchets via leur réutilisation. Le principe de la « responsabilité élargie du producteur » (REP) veut que le producteur d'un déchet soit responsable de sa collecte et de son traitement, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. Selon le décret no 2020-1455 du 27  novembre 2020, vingt et une nouvelles familles de produits sont concernées par la REP, dont quelques dispositifs médicaux : « Les dispositifs médicaux perforants utilisés par les patients en autotraitement et les utilisateurs des autotests mentionnés à l'article L3121-2-2 du même code, etc., les équipements électriques ou électroniques associés (EEE) ». Sont également concernés les médicaments et les textiles sanitaires à usage unique (du type lingettes). Cependant, pour le moment, la grande majorité des DM utilisés en établissement de santé reste en dehors de cette obligation. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le volume des déchets d'activités de soins à risque infectieux (DASRI) atteignait en 2011 700 000 tonnes, le coût du traitement allant de 1 400 € à 6 500 € TTC la tonne, auquel il faut ajouter les coûts d'enlèvement et de transport (soit 150 à 360 €/tonne). Réduire le volume de déchets des établissements de santé est un des objectifs du retraitement des DMUU. Aujourd'hui, ces déchets sont systématiquement détruits et le plus souvent incinérés. Concernant les économies potentielles, l'AMDR (Association of Medical Device Reprocessors) estime qu'en moyenne, le coût d'un DMUU retraité est de 60 % du prix du DM neuf et qu'il peut subir entre trois et 15 cycles de retraitement. Elle évalue en moyenne à 38 % la proportion de DMUU retraités. Le bilan dressé par l'Allemagne à la Commission européenne sur une seule famille de produits dans le cadre de la refonte du règlement européen confirme cet avantage : l'utilisation de cathéters d'ablation retraités plutôt que neufs pour un type précis de pathologies cardiovasculaires avait conduit à une économie supérieure à 23 millions d'euros par an [9]. Une étude publiée en juin 2016 a estimé le marché mondial du DMUU retraité à plus de 1 milliard de dollars en 2015 et l'évalue à 2,4 milliards de dollars en 2022, ciblant les DM cardiovasculaires, orthopédiques, de gastroentérologie, de chirurgie générale et laparoscopiques [10]. Les DMUU retraités appartiennent généralement à ces familles. Il n'est pas possible de fixer des règles pertinentes pour cibler les DMUU pouvant être retraités, mais deux éléments sont à souligner : on constate que des DMUU invasifs critiques, tels les cathéters d'électrophysiologie, d'ablation, utilisés au niveau central du système cardiovasculaire, sont retraités sans que soient signalés des incidents; certains DMUU ne sont plus retraités après quelques années, parce que les dispositifs ou les technologies ont évolué. Les spécifications communes pour le retraitement des DMUU publiées en 2020 [11], les contraintes supplémentaires dans le procédé de retraitement et une démarche de certification auprès d'un organisme notifié pourraient avoir un impact sur les coûts de retraitement. Une analyse préalable permettant d'évaluer la pertinence du retraitement d'un DMUU ciblé par rapport au prix du DM neuf est à envisager.

Le retraitement, le Règlement 2017/745 (UE) et le Règlement d'exécution 2020/1207 (UE)

L'article 17 du nouveau règlement concernant les dispositifs médicaux, «Dispositifs à usage unique et leur retraitement », comporte 10 alinéas, dont on peut retenir les suivants :

  • 2. L'entreprise qui procède au retraitement du DMUU devient le fabricant du dispositif retraité. Selon le règlement, le « fabricant » est une personne physique ou morale qui fabrique ou remet à neuf un dispositif ou fait concevoir, fabriquer ou remettre à neuf un dispositif, et commercialise ce dispositif sous son nom ou sous sa marque ; la « remise à neuf » désigne la restauration complète d'un dispositif déjà mis sur le marché ou mis en service, ou la fabrication d'un nouveau dispositif à partir de dispositifs usagés, de manière à le rendre conforme au présent règlement, ainsi que l'attribution d'une nouvelle durée de vie au dispositif remis à neuf. L'article 10 du règlement, « Obligations générales des fabricants », détaille les obligations du fabricant par rapport au règlement; ainsi, le paragraphe 6 prévoit : «Lorsque la conformité avec les exigences applicables est démontrée à l'issue de la procédure d'évaluation de la conformité applicable, les fabricants […] établissent une déclaration de conformité UE conformément à l'article 19 et apposent le marquage de conformité CE conformément à l'article 20. » Le fabricant est également considéré comme un producteur selon l'article 3, paragraphe 1, de la directive 85/374/CEE concernant la responsabilité des produits défectueux [12];

  • 3. Par dérogation au paragraphe 2, un État peut décider de ne pas appliquer aux établissements de santé qui retraitent les DMUU l'ensemble des règles relatives aux obligations des fabricants, sous certaines conditions : – la sécurité et les performances du dispositif retraité sont équivalentes à celles du dispositif d'origine, – les exigences de l'article 5 du règlement, concernant les dispositifs fabriqués et utilisés exclusivement dans les établissements de santé, sont appliquées, notamment l'impossibilité de transférer les dispositifs vers une autre entité juridique, – le retraitement est effectué conformément aux spécifications communes détaillées dans le règlement d'exécution d'août 2020 ;

  • 4. La même dérogation peut être appliquée au retraitement des DMUU par une entreprise de retraitement externe à la demande d'un établissement de santé, à condition que le dispositif retraité soit restitué dans sa totalité à cet établissement de santé ;

  • 5. La conformité avec les spécifications communes est certifiée par un organisme notifié ;

  • 8. Le nom et l'adresse du retraiteur et les autres informations pertinentes visées à l'annexe I, section 23 («Étiquetage et notice d'utilisation») du règlement sont indiqués sur l'étiquette et, le cas échéant, dans la notice d'utilisation du dispositif retraité. Le nom et l'adresse du fabricant du DMUU d'origine ne figurent plus sur l'étiquette, mais sont mentionnés dans la notice d'utilisation du dispositif retraité ;

  • 9. Un état peut introduire des dispositions nationales plus strictes;

  • 10. La Commission établit au plus tard le 27 mai 2024 un rapport sur l'exécution du présent article.

Le règlement d'exécution (UE) 2020/1207 [11] détaille les spécifications communes pour le retraitement des DMUU au sein d'un établissement de santé, ou dans une entreprise de retraitement externe, en application des paragraphes 3 et 4 de l'article 17 du règlement 2017/745 (établissement et entreprise ne sont pas soumis à toutes les obligations de fabricant selon le règlement 2017/745, article 10). Lorsqu'un établissement de santé demande à une entreprise externe d'assurer le retraitement des DMUU, les deux parties doivent conclure un contrat écrit (article 3) contenant les éléments tels l'attribution des tâches et des responsabilités aux deux parties, les exigences relatives au retraitement, la collecte d'informations sur les dispositifs retraités et l'échange d'informations entre l'établissement de santé et l'entreprise de retraitement externe. Le règlement précise les spécifications relatives aux personnels, aux locaux et aux équipements dans les établissements de retraitement (article 4). L'évaluation de l'aptitude du DMUU au retraitement tient compte des données des fabricants disponibles et mises à jour : composition des matériaux, matériaux relargables; caractéristiques techniques et géométriques; destination et utilisation normale du DMUU (afin d'évaluer la contamination microbiologique) (article 5). Les résultats des essais physiques, électriques, chimiques, biologiques et microbiologiques complètent ces données pour définir le processus de retraitement (article 7). Le « cycle de retraitement » inclut plusieurs étapes, et pour chacune d'elles, une procédure est écrite et validée : prétraitement au point d'utilisation, transport, préparation avant nettoyage ; nettoyage ; désinfection thermique ou chimique ; séchage ; inspection, maintenance, réparation et essais de fonctionnalité ; conditionnement; étiquetage, fourniture de la notice d'utilisation; stérilisation, stockage. Le système de gestion de la qualité permet de retrouver l'ensemble des données enregistrées, y compris celles concernant les incidents, la gestion des mesures correctives et préventives, les données de traçabilité. Les établissements de retraitement font réaliser au moins un audit externe annuel des activités de retraitement. Le rapport d'audit est mis à la disposition de l'organisme notifié compétent pour la certification de l'établissement, en vertu de l'article 17, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/745 et, sur demande, à la disposition de l'autorité compétente (article 22). Ils mettent en place un système de traçage permettant l'identification du dispositif à usage unique tout au long du cycle de retraitement et de la durée de vie du DMUU retraité. Ce système de traçage enregistre le nombre de cycles de retraitement auxquels le DMUU a été soumis; il garantit que le DMUU retraité revient à l'établissement de santé d'origine, et que les dispositifs retraités (identifiés par leur UDI-ID [Unique Device Identification] de base) peuvent être reliés au numéro de lot correct aux fins des mesures correctives de sécurité prises conformément à l'article 89 du règlement (UE) 2017/745.

Conclusion

L'application du nouveau règlement européen concernant les dispositifs médicaux est une opportunité de remettre en question les restrictions réglementaires à la pratique du retraitement des DMUU en France. Le retraitement des DMUU pourrait être autorisé dans un cadre strict, pour limiter les pratiques hasardeuses et non contrôlées; avec l'objectif de maîtriser les dépenses hospitalières des dispositifs médicaux, de façon indirecte en diminuant la quantité de déchets d'activités de soins à risque, et de façon directe en facilitant la mise en concurrence entre dispositifs neufs exclusifs et dispositifs retraités. Cette réduction des dépenses ainsi que la sécurité des patients devraient faire l'objet d'un suivi pour confirmer l'intérêt de la pratique du retraitement en France. Le règlement européen 2017/745 donne la possibilité à chaque pays de choisir un niveau d'exigences adapté à ses pratiques :

  • un premier niveau où le retraitement est réalisé dans l'hôpital, en application de l'article 17, paragraphe 3, du règlement DM : – un organisme notifié certifie la conformité des procédés de retraitement aux spécifications communes du règlement d'exécution, – les dispositifs retraités sont réutilisés dans l'établissement;

  • un deuxième niveau où le retraitement est sous-traité à une entreprise externe, en application de l'article 17, paragraphe 4, du règlement DM : – un organisme notifié certifie la conformité des procédés de retraitement aux spécifications communes du règlement d'exécution, – les dispositifs retraités sont réutilisés dans l'établissement de santé d'origine ;

  • un troisième niveau où le retraitement est réalisé par une entreprise de retraitement externe : – l'entreprise a un statut de fabricant au sens du règlement DM, en application de l'article 17, paragraphe 2, – les DM retraités sont conformes aux exigences essentielles du règlement DM, la conformité est certifiée par un organisme notifié.

Compte tenu de l'absence d'expérience dans ce domaine en France, les auteurs recommandent ce troisième niveau, car il concilie une sécurité élevée pour le patient et une prise de risques moindre pour l'hôpital.

Les auteurs

Dominique Goeury : pharmacien expert chez European Hospital and Healthcare Federation. Gilles Aulagner : professeur de pharmacie clinique, laboratoire MATEIS, UMR CNRS  5510, université Claude Bernard Lyon  1 ; membre et président honoraire de l'Académie nationale de pharmacie ; ancien président de l'ANEPC Olivier Claris : professeur des universités en pédiatrie, université Claude Bernard Lyon 1 ; praticien hospitalier, Hospices civils de Lyon. Frédérique Perlier : coordinatrice du groupe de travail sur le reprocessing de l'association inter-fédérations CLAPS.

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Références

[1] Règlement UE 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) no 178/2002 et le règlement (CE) no 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE). ELI : http://data.europa.eu/eli/reg/2017/745/oj

[2] Directive 2007/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 modifiant la directive 90/385/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux dispositifs médicaux implantables actifs, directive 93/42/CEE du Conseil concernant les dispositifs médicaux et directive 98/8/CE concernant la mise sur le marché des produits biocides. ELI : http:// data.europa.eu/eli/dir/2007/47/oj

[3] Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil : Rapport sur la problématique du retraitement des dispositifs médicaux dans l'Union européenne, établi en application de l'article 12 bis de la directive 93/42/CEE /* COM/2010/0443 */Bruxelles 28 aout 2010

[4] GAO. Reprocessed Single-Use Medical Devices: FDA Oversight Has Increased, and Available Information Does Not Indicate That Use Presents an Elevated Health Risk. GAO-08-147. Published: Jan 31, 2008. Publicly Released: Mar 03, 2008. https://www.gao.gov/assets/gao-08-147.pdf

[5] Prerequisites for reprocessing and reusing disposable medical devices in Sweden. Article number 2020-12-7158. Published www.socialstyrelsen.se, December 2020

[6] Décret no 2020-1455 du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs. ELI : https://www.legifrance.gouv. fr/eli/decret/2020/11/27/TREP2017161D/jo/texte

[7] Décret no 2020-1758 du 29 décembre 2020 portant diverses modifications des dispositions du Code de l'environnement relatives à la gestion des déchets. ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ decret/2020/12/29/TREP2026287D/jo/texte

[8] Décret no 2020-1828 du 31 décembre 2020 relatif à l'interdiction de certains produits en plastique à usage unique, autres que les DM. ELI  : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/12/31/ TREP2033419D/jo/texte

[9] Von Eiff, Wilfried, M.D., Report Confirms: Reprocessing Single-Use Devices Decreases Costs, Medical Data Institute, March 2011

[10] Reprocessed Medical Devices Market: Market Growth, Future Prospects and Competitive Analysis, 2016-2022, Credence Research Inc. ID de rapport : 57929

[11] Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. ELI : http://data.europa.eu/eli/dir/1985/374/oj

[12] Règlement d'exécution (UE) 2020/1207 de la Commission du 19 août 2020 portant modalités d'application du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les spécifications communes pour le retraitement des dispositifs à usage unique. ELI : http://data.europa.eu/eli/reg_impl/2020/1207/o