EMC Médecine buccale : Hygiène des actes d'implantologie au bloc opératoire
15 janvier 2020
Par Monique R
Bloc opératoire d'implantologie: hygiène, asepsie et traçabilité
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Auteurs
M. Samama, P. Goudot, P. Sabin, P. Astagneau, J. Bouaoud
M. Samama
Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, AP-HP, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75013 Paris, France
P. Goudot
Chef de service, Professeur des Universités, praticien hospitalier Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, AP-HP, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75013 Paris, France Faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, Sorbonne Universités, 75005 Paris, France
P. Sabin
Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, Centre hospitalier universitaire de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen, France
P. Astagneau
C-CLIN, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, AP-HP, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75013 Paris, France Faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, Sorbonne Universités, 75005 Paris, France
J. Bouaoud
Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, AP-HP, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75013 Paris, France Faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, Sorbonne Universités, 75005 Paris, France
Plan
Introduction
Traitement du matériel chirurgical et biomédical
Salle d'intervention : organisation et préparation préopératoire
Architecture des locaux
Circulation du patient et de l'instrumentation
Équipement spécifique
Préparation de la salle d'intervention
Préparation et mise en place des différents acteurs
Préparation et mise en place du patient
Préparation et mise en place du praticien et assistants opératoires
Lavage chirurgical des mains
Intervention. Temps opératoires
Check-list
Installation du matériel chirurgical
Organisation des plans de travail
Organisation peropératoire
Réglage du moteur
Asepsie endobuccale
Badigeon
Champage stérile
Temps périopératoire
Procédures postopératoires
Nettoyage de la salle de soins
Gestion des déchets
Traçabilité
Compte-rendu opératoire
Conclusion
Déclaration de liens d'intérêts
Introduction
L'ensemble des conditions environnementales nécessaires à la réalisation des actes d'implantologie orale sous anesthésie locorégionale, hors du bloc opératoire, est développé dans un document intitulé « Conditions de réalisation des actes d'implantologie orale : environnement technique »1.
Ce document de référence a été réalisé en 2008 par la Haute Autorité de santé (HAS) à la demande de la Fédération de stomatologie et chirurgie maxillofaciale (FSCMF). Il est accessible sous cet intitulé sur le site internet de la HAS.
Traitement du matériel chirurgical et biomédical
Le niveau de traitement des dispositifs médicaux est déterminé prioritairement en fonction du risque infectieux potentiel lié à l'indication de ces dispositifs. La classification de Spaulding en est la référence2. Cette classification impose le choix des méthodes de stérilisation ou de désinfection après un soin pour chaque malade et pour chaque dispositif médical. Cette classification distingue trois types de catégorie sanitaire.
Catégorie critique : usage unique ou stérilisation des dispositifs médicaux à usage multiple. Cette catégorie concerne tout matériel ou dispositif médical qui, au cours de son utilisation, pénètre dans des tissus ou cavités stériles (après effraction muqueuse ou osseuse), ou dans le système vasculaire du malade. Ces instruments sont classés comme à haut risque de transmission d'infection, et sont à usage unique ou stérilisés après chaque usage. Il peut s'agir des forets de forage, du bistouri, etc. (Figure 1 ).
Figure 1. Exemple de dispositif médical à usage unique nécessitant une stérilisation à chaque usage. Noter la bague jaune de sécurité sanitaire garantissant l'absence d'utilisation antérieure du dispositif.
Catégorie semi-critique : désinfection de niveau intermédiaire. Cette catégorie concerne certains instruments en contact avec la muqueuse buccale et la salive. Ils sont classés comme présentant des risques médians et doivent être désinfectés par une désinfection que l'on qualifie de niveau intermédiaire. Cette désinfection fait appel à un désinfectant ou un procédé bactéricide, fongicide, virucide et mycobactéricide ou tuberculocide. Il est également possible d'appliquer un niveau de traitement supérieur comme pour ceux de la catégorie critique : stérilisation ou usage unique. Il peut s'agir des cartouches d'anesthésie, des miroirs ou écarteurs photos, du film ou capteur radiographique, etc.
Catégorie non critique : désinfection de bas niveau. Les dispositifs sans contact direct avec le patient (notamment sa cavité buccale) ou en contact avec la peau saine du patient sont classés comme non critiques car le risque infectieux direct est faible mais la contamination de ce matériel peut faciliter la transmission croisée. Ils relèvent d'une désinfection que l'on qualifie de bas niveau, et qui a une action bactéricide et fongicide. Un produit détergent-désinfectant peut être utilisé dans ce cas. Il peut s'agir du chariot de bloc, du moteur, d'un appareil photo, etc.
Les procédures de stérilisation et de désinfection nécessitent, pour être efficaces, des opérations préliminaires que sont le démontage, la prédésinfection, le rinçage, le nettoyage et le conditionnement. Ces étapes sont impératives. Le choix des produits prédésinfectants et désinfectants est également important 3.
Toutes les manipulations pour les phases de prédésinfection et de nettoyage nécessitent le port de gants résistants (adaptés au risque chimique). Il faut également porter lunettes et masque contre le risque de projection.
Salle d'intervention : organisation et préparation préopératoire
Architecture des locaux
Les locaux doivent comporter trois types de zones en fonction du risque potentiel de contamination :
les zones administratives : accueil, bureau, attente patients, salle de repos ;
les zones potentiellement « contaminées » : zone de traitement de matériel, zone de stockage des déchets, zone pour le matériel de ménage, sanitaires ;
les zones dites « protégées » : zone d'examen et de soins, et en particulier la salle d'intervention, zone de conditionnement, de stérilisation, et de stockage du matériel stérile et des médicaments.
La salle d'intervention peut être soit spécifique à ce type d'intervention, et permettre une meilleure planification des interventions et un confort accru d'organisation, soit adaptée si le cabinet répond aux critères définis en termes d'ergonomie et d'asepsie : absence de moquette, voilage, végétation, matériaux d'empreinte inutile avoisinant.
D'après la HAS 1, les sites d'interventions en implantologie orale peuvent être le bloc opératoire, une salle d'intervention spécifique ou bien une salle d'intervention adaptée.
Bloc opératoire
Il est réservé aux interventions chirurgicales importantes nécessitant une anesthésie générale. Cette structure est indépendante. On y effectue entre autres les ostéotomies maxillomandibulaires, les greffes osseuses autologues avec prélèvements intraoraux multiples ou extraoraux pour des reconstructions osseuses de grande envergure (Figure 2 ).
Figure 2. Bloc opératoire de chirurgie maxillofaciale et stomatologie. La salle d'opération doit être vaste et bien éclairée, avec une table d'opération en position centrale, fixe et stable. Le patient y est installé, et les zones d'appui corporel reposent sur des coussins de protection antiescarres en gel ou silicone médical. Mis à part cette table, l'ensemble du matériel doit être facilement déplaçable (de préférence sur roulettes) pour faciliter le nettoyage.
Salle d'intervention spécifique
Elle est réservée à la pose d'implant dentaire unique et/ou multiple, aux chirurgies préimplantaires de moyenne importance (greffe apposition autologue sur un site, soulevé de sinus).
Salle d'intervention adaptée
Elle fait référence au cabinet dentaire qui va être préparé afin de pouvoir réaliser l'acte chirurgical. Elle doit être préparée avant l'arrivée du patient. Afin de diminuer le risque de contamination bactérienne, il paraît important de diminuer le temps d'intervention. Les interventions réalisées au sein de la salle d'intervention adaptée sont les mêmes que celles réalisées dans la salle d'intervention spécifique.
Circulation du patient et de l'instrumentation
Le patient doit suivre un circuit simple et précis depuis son entrée jusqu'à sa sortie 4. Les instruments stériles sont stockés à proximité de la salle d'intervention. En fin d'intervention, le circuit des instruments souillés doit être court. La salle de traitement doit donc être proche de la salle d'intervention 4.
La tendance actuelle est le simple circuit avec application stricte des règles d'hygiène par tout le personnel dans le concept de la « marche en avant » ou « asepsie progressive » : une zone opératoire, une zone stérile, une zone propre et une zone d'élimination.
Équipement spécifique
Toute salle d'intervention doit être équipée spécifiquement en vue du déroulement des procédures [5, 6].
Table d'intervention. Fauteuil
Le patient est installé soit sur une table d'intervention pour un bloc opératoire, soit dans un fauteuil dentaire dans une salle de soins. Dans les deux cas, il est nécessaire que le poste soit fonctionnel et ergonomique. Ils doivent être revêtus de surfaces lisses, sans joints, résistantes aux traitements désinfectants. Il est possible de recouvrir le fauteuil de housses à usage unique. Les commandes doivent être larges, stables et regroupées électriquement au pied afin de ne pas avoir à les manipuler avec les mains pendant l'intervention (Figure 3 ).
Figure 3. Salle d'intervention spécifique de chirurgie maxillofaciale et stomatologie. Le fauteuil où est installé le patient est à revêtement lisse et occupe une position centrale. Les systèmes d'éclairage (scialytique) sont fixés au plafond et ont des bras facilitant leur mobilité. Les sièges opérateurs ainsi que l'ensemble des tables et dispositifs de cette salle sont sur roulettes, ergonomiques, fonctionnels, ce qui facilite le nettoyage de cette salle.
Siège opérateur
Le siège de l'opérateur doit aussi être fonctionnel et ergonomique. Un système de commande au pied est préférable ; dans le cas contraire, il est nécessaire de régler le siège avant l'intervention ou de recouvrir le levier de commande d'une housse stérile.
Moteur et chariot porte-moteur
Un chariot est nécessaire pour supporter le moteur d'implantologie. Ce chariot doit également posséder une potence pour suspendre la poche de sérum ou d'eau stérile (Figure 4 ).
Figure 4. Moteur d'implantologie et chariot porte-moteur. Le moteur est muni d'une potence et d'une pédale pour une commande au pied.
Table « pont » transthoracique
Ce type de table est nécessaire afin d'avoir une gestuelle optimale pendant l'intervention. Elle doit être réglable en hauteur afin de la positionner idéalement (cette table est visualisable sur la Figure 2).
Dispositif d'aspiration
Le système le plus adapté en implantologie est constitué d'une pompe à vide avec un ou deux bocaux destinés à recevoir des poches de collecte à usage unique incinérables. La sortie d'air de la pompe à vide doit être équipée d'un filtre bactériologique (Figure 5 ).
Figure 5. Dispositif d'aspiration. Le système est sur roulettes pour faciliter son déplacement et le nettoyage. Il est relié à une prise murale permettant le vide. Les deux bocaux contiennent des poches de collecte à usage unique.
Bac à déchets et poubelle
Le bac à déchets permet d'évacuer au fur et à mesure de l'intervention les déchets à risque infectieux (DASRI) comme les matériels souillés tels que les compresses, fils de suture.
Il faut prévoir un conteneur spécial pour les objets piquants, tranchants, coupants, tels que les lames de bistouri, aiguilles (Figure 6 ).
Figure 6. Bac à déchets à risque infectieux (DASRI). Il s'agit d'un conteneur spécial pour objets piquants, tranchants, coupants. Ce dernier doit être daté lors de son ouverture et doit également porter un numéro spécifique d'identification permettant sa traçabilité.
La poubelle permet de jeter l'ensemble des emballages lors de la mise en place des dispositifs. Une poubelle à commande au pied est préférable (Figure 7 ).
Figure 7. Poubelle ouverte sur roulette. Le sac jaune est prévu pour l'ensemble des déchets à risque infectieux (DASRI), le sac noir est prévu pour les autres déchets.
Murs et sol de la salle d'intervention
Les murs sont recouverts de peinture ou d'un revêtement lisse. Un revêtement complet du sol idéalement en plastique stratifié avec des plinthes arrondies doit être préféré. Il permet un nettoyage facile et complet de la salle en postopératoire, et permet d'éviter l'accumulation de poussière dans les coins.
Stockage
Un lieu de stockage doit être aménagé afin de recevoir et classer à l'abri de l'humidité les instruments emballés et stérilisés. Ce lieu ne doit contenir aucun carton.
Préparation de la salle d'intervention
Traitement de l'eau
Différents types d'eau sont nécessaires selon les utilisations 7 : une eau filtrée pour le lavage chirurgical des mains, une eau stérile pour l'irrigation chirurgicale, des eaux techniques pour les différents appareils (autoclaves, machines à laver) et une eau potable pour les autres utilisations (Figure 8 ).
Figure 8. Eau filtrée pour lavage chirurgical des mains. Le filtre doit être daté (date de première utilisation et date prévue de péremption) et identifié par un numéro de série afin de faciliter la traçabilité ainsi que son changement.
Traitement de l'air
Un traitement spécifique de l'air n'est pas nécessaire pour réaliser la chirurgie implantaire, mais la maîtrise des trois paramètres suivants, renouvellement d'air, désinfection des surfaces et circulation des intervenants, permet de contrôler l'air de la salle d'intervention 8.
Traitement des sols et des surfaces
Avant tout traitement du sol et des surfaces de la salle, il est impératif de retirer tous les objets non utiles à la chirurgie implantaire. Tout ce qui ne peut être retiré doit être isolé à l'aide de champs stériles. Il faut également éviter de stocker matériels et produits chimiques dans cette salle 7.
Nettoyage et bionettoyage
Le but du nettoyage est de présenter un état de propreté visible à l'œil nu ou propreté macroscopique [4, 6].
Le bionettoyage vise à réduire la contamination des surfaces et des sols. Il se réalise un seul temps en employant un produit détergent-désinfectant 9 (Figure 9 ).
Figure 9. Chariot de nettoyage et bionettoyage. Ce chariot sur roulettes comporte un produit détergent-désinfectant avec un seau, ainsi que des produits désinfectants à pulvériser pour la désinfection des surfaces. Les lingettes et gants prévus à cet effet sont également disponibles sur ce chariot.
Désinfection
La désinfection des surfaces (meubles, murs, sols), préalablement nettoyées se réalise par pulvérisation de produits désinfectants agissant par contact et présentant un effet rémanent. Elle vise à supprimer les microorganismes et à obtenir une propreté microscopique.
La désinfection doit toujours se faire en respectant un ordre logique dans le déroulement des opérations [10, 11, 12]. Il faut commencer par les locaux les moins contaminés, puis aller du propre vers le sale et de haut en bas, et enfin il faut toujours nettoyer avant de désinfecter.
L'opération ne doit pas comporter l'essuyage de la surface après pulvérisation. La pulvérisation du produit dans l'air est sans intérêt. Seule compte l'existence d'un film sur les surfaces à traiter. Cette opération a pour effet d'abaisser de façon constante la contamination d'un local directement pour les surfaces et indirectement dans l'air.
Préparation et mise en place des différents acteurs
Le risque infectieux est principalement d'origine locale. L'ensemble des traitements d'assainissement de la cavité buccale doit être réalisé avant l'intervention lors de séances distinctes. Ces traitements incluent l'éducation à l'hygiène orale, mais également le soin des lésions carieuses, endodontiques et parodontales.
Préparation et mise en place du patient
Le protocole de préparation d'un patient avant une chirurgie implantaire comporte cinq étapes :
la désinfection buccale avec un bain de bouche à base d'iode ou de biguanide ;
l'habillage avec une blouse non stérile, des surchaussures et une charlotte (Figure 10 ) ;
l'installation du patient dans la salle d'intervention ;
l'antisepsie cutanée avec un antiseptique alcoolique ;
le drapage du patient avec des champs de type chirurgical et stérile.
Figure 10. Chariot d'habillage du patient. Dans le cadre de la préparation à l'intervention, le patient dispose de charlotte (en haut), blouse non stérile (au milieu) et surchaussures (en bas). Noter que ce chariot, comme l'ensemble des dispositifs est sur roulettes, facilitant son déplacement et surtout le nettoyage de la salle.
Préparation et mise en place du praticien et assistants opératoires
Le protocole de préparation du praticien et des assistants opératoires avant une chirurgie implantaire comporte quatre étapes [6, 13, 14] :
le port d'une tenue spécifique non stérile comportant une tunique et un pantalon de soins ; le port de sabots, d'un masque chirurgical, d'une charlotte ou cagoule et de lunettes ou loupes ;
le lavage chirurgical des mains ou le traitement de désinfection chirurgicale par friction ;
la mise en place d'une blouse ou casaque stérile, et de gants chirurgicaux.
Les aides opératoires doivent être qualifiés : assistante dentaire, infirmières de bloc opératoire diplômées d'état, externes et internes des hôpitaux. Les aides-soignants, secrétaires, prothésistes dentaires ne sont pas habilités à assister aux interventions chirurgicales.
Lavage chirurgical des mains
Objectif
La réalisation d'une désinfection des mains de niveau chirurgical fait partie des mesures validées de prévention des infections nosocomiales [4, 14, 15, 16].
Procédure
Tous les bijoux, bagues (y compris alliance), bracelets ou montres doivent être retirés. Les ongles doivent être courts et propres, sans vernis. L'opérateur et les aides doivent porter des manches courtes ou relever celles-ci au-dessus des coudes.
Par la suite, trois temps sont observés : lavage au savon doux, puis première friction avec la solution hydroalcoolique et enfin deuxième friction avec la même solution.
Technique
Pour la première désinfection du matin, un lavage est recommandé. Il peut se faire au vestiaire. Un délai de plusieurs minutes (en moyenne dix) entre ce lavage et les temps de friction est impératif pour une activité et une tolérance maximale. Entre deux interventions, le lavage est laissé au choix de l'opérateur. Si un lavage est nécessaire (mains poudrées, liquides biologiques ou pour le confort), il est recommandé de se laver les mains au moment de l'ablation des gants et de faire la friction immédiatement avant de s'habiller.
Étape préliminaire de lavage des mains et des avant-bras
On commence par se mouiller les mains. On applique le savon doux (un seul coup de pompe) afin de se savonner les mains, en insistant sur les ongles, les espaces interdigitaux, le tranchant des mains, les poignets et les avant-bras. On veille à brosser les ongles uniquement lors du premier lavage de la journée. Afin de ne pas entraîner de blessure et d'irritation, il est inutile de brosser les mains et avant-bras. Le temps total de savonnage est d'une minute. À la fin de ce temps, on se rince les mains abondamment pendant une minute. Le séchage des mains et les avant-bras est réalisé avec un essuie-main en papier non stérile (Figure 11 ).
Figure 11. Auge chirurgicale pour lavage des mains. Les eaux filtrées sont distribuées au chirurgien à l'aide d'un robinet à commande à distance (évitant tout contact). Le savon doux, les brosses de lavage, le papier d'essuyage, la solution hydroalcoolique, sont disposés pour une utilisation facilitée. Une poubelle sur roulettes accueillant les papiers et la brosse de lavage est également disponible. Les notices de rappel du protocole de lavage sont également affichées.
Deuxième étape : friction
Le produit pur est mis dans le creux de la main une fois celle-ci parfaitement sèche. On étale très largement le produit sur les mains et on masse (face interne, face externe, les poignets et les avant-bras jusqu'aux coudes inclus) en insistant sur les ongles et espaces interdigitaux. Puis on frotte les mains jusqu'à séchage complet de la solution (en reprendre si nécessaire pour respecter le temps de contact).
Troisième étape : deuxième friction
L'application est répétée une seconde fois, en frictionnant seulement jusqu'au milieu de l'avant-bras. Le contact avec le produit doit durer au moins deux fois une minute. La réalisation de deux frictions est recommandée, plutôt que d'une seule de durée égale au total des deux frictions, afin d'éviter les fautes d'asepsie de l'opérateur qui retoucherait en fin de friction une zone non désinfectée. Il est d'usage d'attendre que les mains soient bien sèches pour enfiler les gants.
Mise en place des gants stériles
Certains auteurs ont montré que le taux de succès implantaire n'est pas affecté par l'absence de blouses stériles et de champs stériles 17.
La mise en place de deux paires de gants permet de diminuer le risque d'accident d'exposition au sang. En effet, les interventions de chirurgie orale et maxillofaciale sont à haut risque de perforation des gants 18. Il a été prouvé que le double gantage constitue pour les chirurgiens une méthode efficace de réduction du risque de contact avec les fluides biologiques. Une étude démontre que les chirurgiens portant une seule paire de gants présentaient un taux de contamination de 51 % contre 7 % pour ceux ayant recours au double gantage 19.
Intervention. Temps opératoires
Check-list
L'établissement d'une feuille de route ou check-list a permis de diminuer considérablement les erreurs médicales [20, 21]. Un certain nombre de points doivent être vérifiés : l'identité du patient ; l'absence de contre-indication ou d'allergie (latex, antibiotique, etc.) ; la nécessité d'une antibioprophylaxie ; l'intitulé et le côté de l'intervention ; le contrôle et le fonctionnement des instruments et moteurs destinés à la chirurgie ; la date de péremption des emballages et dispositifs implantables ainsi que leurs bonnes tailles (la constitution d'un stock d'implants et de piliers de cicatrisation permet de prévenir tout imprévu). Enfin, la concordance des clichés radiologiques avec la situation clinique et l'identité du patient est vérifiée.
Infosup 1. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Check-list sécurité du patient au bloc opératoire éditée par la Haute Autorité de santé.
Installation du matériel chirurgical
Il est important de réunir dans la salle d'intervention l'ensemble du matériel nécessaire à la chirurgie [4, 6, 14]. Le praticien et les assistants sont en tenue de bloc et portent des gants chirurgicaux.
L'assistant circulant passe tous les produits et matériel emballés à l'assistant opératoire.
Il faut ensuite isoler à l'aide de gaines, housses ou films stériles l'unit, les tuyaux d'irrigation et d'aspiration, les cordons du micromoteur, les poignées du scialytique et les éléments satellites comme le crachoir, l'ordinateur, etc. Des champs stériles sont placés sur les plans de travail, sur la table pont et sur tout ce qui pourrait être source de contamination pendant l'intervention (unit, tube radio, etc.).
Organisation des plans de travail
Une table de chirurgie [6, 22], recouverte d'un champ stérile, est préparée par l'assistant en tenue aseptique. Cette table reçoit l'instrumentation stérile indispensable à l'intervention : boîte de chirurgie, trousse spécifique à l'intervention, canules d'aspiration stériles à usage unique et champ de tête. Le tout est recouvert d'un champ stérile qui sert de champ de corps pour le patient.
Une autre table est également préparée dans cette zone ; elle comporte les instruments stériles dans leur emballage fermé qui peuvent être utiles au cours de l'intervention. Cette table comporte également les implants et matériaux ; leurs emballages sont ouverts au dernier moment.
Une troisième table est mise en place afin de supporter le moteur chirurgical qui est désinfecté et posé sur un champ stérile, et qui reçoit le micromoteur et les cordons stériles.
Des gaines stériles sont placées sur le système d'aspiration et sur la poignée du scialytique si ces dernières ne peuvent supporter une stérilisation par autoclave. L'ensemble des champs et emballages stériles ne sont enlevés qu'au début de l'intervention après installation du patient afin d'éviter tout contact septique.
Organisation peropératoire
Afin de faciliter la préparation du matériel et de n'oublier aucun instrument, il est nécessaire de rédiger une liste complète du matériel nécessaire. La formation et la compétence des différents intervenants est un facteur-clé dans la diminution du temps d'intervention.
Réglage du moteur
Le moteur d'implantologie est dédié à cette activité. Le générateur active le micromoteur et régule la vitesse, la puissance, l'irrigation et l'éclairage (LED) en regard du site implantaire.
La vitesse de rotation (nombre de tours/min) est adaptée au diamètre des forets utilisés et à la densité osseuse.
Le sens de rotation doit être contrôlé. En général, un signal sonore permet de prévenir l'opérateur du sens antihoraire de rotation. Le torque d'insertion (force de serrage) doit être défini en fonction de la préparation osseuse réalisée avec les forets et/ou tarauds d'implantologie avant la pose de l'implant dentaire.
L'irrigation peut être coupée manuellement ou à l'aide de la pédale prévue à cet effet.
La plupart du temps, une irrigation externe suffit à la bonne préparation du site implantaire. Celle-ci est montée sur le contre-angle d'implantologie par l'intermédiaire d'une bague prévue à cet effet. Une irrigation interne peut compléter le montage. Elle est surtout utilisée en cas de chirurgie guidée afin de refroidir la préparation osseuse non accessible en raison du volume du dispositif.
Asepsie endobuccale
Avant son entrée au bloc opératoire, le patient réalise un bain de bouche antiseptique avec une solution iodée ou à la chlorhexidine en cas d'allergie.
Badigeon
À l'aide d'une pince longue et d'une compresse tissée ou non tissée trempée dans un bain de solution iodée dermique (en absence d'allergie), l'opérateur ou l'aide applique le badigeon en péribuccal, sur le nez, les ailes narinaires, le contour des yeux et jusqu'en cervical. Il faut badigeonner de manière centrifuge, en partant du site opératoire vers les régions plus éloignées. Il faut bien penser à rincer les yeux du patient à l'aide de sérum physiologique stérile afin d'éviter toute kératite d'exposition aux produits désinfectants (Figure 12 ).
Figure 12. Set de badigeon stérile composé d'un plateau stérile, d'une pince longue porte-tampon, de plusieurs tampons de gaze non tissée et d'une cupule stérile destinée à recevoir la solution iodée.
Champage stérile
Des champs stériles doivent recouvrir le patient ainsi que la table opératoire. Les champs en U sont adaptés à ce type d'intervention. Ils permettent d'avoir l'ensemble du visage du patient dans le champ opératoire en excluant le front, les cheveux et la région cervicale. Ainsi, le contact visuel n'est jamais rompu avec le patient, permettant de diminuer l'anxiété de ce dernier. Lorsque l'intervention a lieu sous anesthésie locale, ce type de champage permet de diagnostiquer le plus précocement possible un éventuel malaise vagal.
Temps périopératoire
La durée d'intervention comprend à la fois la réception du patient, l'installation du matériel et du patient, l'acte chirurgical, les radiographies de contrôle postopératoires, les conseils postopératoires, ainsi que le temps de nettoyage de la salle et le rangement des instruments. Le jour de l'intervention, le praticien doit bloquer une plage horaire plus ou moins importante avant et après l'intervention afin de pouvoir effectuer l'acte dans des conditions optimales, et assurer la suite des interventions et consultations prévues pour la journée. La durée de l'acte chirurgical à proprement parler dépend de la nature du geste et de l'expérience de l'opérateur.
Procédures postopératoires
Nettoyage de la salle de soins
Le nettoyage de la salle de soins doit être réalisé avant chaque nouvelle intervention 12. Il est réalisé en suivant les dix étapes suivantes :
réaliser une hygiène des mains ;
mettre des gants à usage unique non stériles ;
après le départ du patient évacuer le linge opératoire dans des sacs appropriés (si réutilisable), les déchets d'activité de soins à risque infectieux (DASRI) et les ordures ménagères dans des emballages fermés hermétiquement dans la salle vers le conteneur de stockage intermédiaire, le matériel médicochirurgical souillé dans des bacs de prédésinfection munis de couvercle. À noter que l'ensemble de la trousse de chirurgie est vidée de son matériel qu'il ait été utilisé ou non ;
retrait des gants ;
réaliser une nouvelle hygiène des mains ;
mettre de nouveaux de gants résistants (adaptés au risque chimique) ;
réaliser un nettoyage-désinfection par essuyage humide ;
réaliser l'entretien du sol : pour les interventions sans souillure, il est effectué au minimum un balayage humide. Pour toutes les autres interventions, en présence de souillures (sang ou matières organiques), l'entretien du sol est réalisé par balayage humide, puis par lavage manuel à l'aide d'un produit détergent-désinfectant, ou par la vapeur ;
retrait des gants et hygiène des mains ;
reconditionner la salle une fois le sol complètement sec.
Gestion des déchets
Afin d'être traités dans des filières d'élimination spécifique, les déchets doivent être triés dès leur production 15. Ainsi, dans la salle de soins, on doit retrouver comme emballages intermédiaires une poubelle réservée aux déchets ménagers (emballages, papiers), une poubelle pour les DASRI, c'est-à-dire les déchets mous et tout matériel ayant été en contact avec le patient (protège-salive, bavettes), et enfin on doit retrouver également une boîte à objets piquants, coupants, tranchants (OPCT).
Traçabilité
La traçabilité des procédures visant à réduire le risque infectieux a pour objectif de pouvoir retrouver, à tout moment, l'historique, l'utilisation ou la localisation d'une entité au moyen d'identifications enregistrées, à l'instar de la traçabilité d'une prothèse ou d'un implant, qui permet de localiser ce dispositif médical à tout instant et en particulier de le relier à un patient.
La traçabilité concerne l'enregistrement de toutes les mesures de lutte contre les infections permettant à tout moment d'apporter la preuve du bon déroulement des opérations et à l'analyse éventuelle des dysfonctionnements. Ces enregistrements portent sur les moyens humains, techniques, matériels et les procédures mises en œuvre, colligés sur support papier ou informatique.
Il est recommandé de mettre en œuvre la traçabilité sur les points suivants 23 : l'ordonnancement du programme opératoire ; la fiche d'identification du risque de transmission de la maladie de Creutzfeldt Jacob et autres maladies à prions ; l'antibioprophylaxie ; la préparation cutanée de l'opéré ; l'identification des intervenants ; les éléments constitutifs de l'index de risque National Nosocomial Infection Surveillance (NNIS) ; les matériaux et dispositifs médicaux utilisés ; les procédures de nettoyage ; la chronologie des événements ; un double de l'ordonnance postopératoire (Figure 13 ).
Figure 13. Dispositif médical dans ces multiples emballages après stérilisation. Les étiquettes autocollantes sur ces emballages permettent l'identification du matériel et sa traçabilité. La date de stérilisation ainsi que celle de péremption sont également notées. Ces étiquettes doivent être enregistrées dans le registre de traçabilité du matériel.
Infosup 2 S’ouvre dans une nouvelle fenêtre. Fiche d'identification du risque de transmission de la maladie de Creutzfeldt Jacob et autres maladies à prions.
Infosup 3. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre Fiche de suivi postinterventionnel.
Compte-rendu opératoire
Comme pour toute intervention chirurgicale, un compte-rendu opératoire doit être édité en fin d'intervention. Un exemplaire est remis au patient. Ce compte-rendu doit être daté et signé par l'opérateur. Il doit comprendre la date, le nom de l'opérateur, de son aide ainsi que de l'anesthésiste en cas d'anesthésie générale, le déroulé exact de l'intervention, et enfin les étiquettes de traçabilité des implants et/ou des biomatériaux utilisés pendant l'intervention.Un passeport implantaire est également remis au patient. Celui-ci est considéré comme la carte d'identité de l'implant. Il peut renseigner le patient et le praticien sur la nature exacte du ou des implants posés en cas de changement de praticien.
Conclusion
La pratique de l'implantologie requiert un environnement technique adapté. Bien que des études aient retrouvé des taux de succès comparables entre des implants mis en place dans des conditions d'asepsie stricte et dans des conditions de chirurgie propre 24, le praticien doit veiller aux différents paramètres pouvant compromettre l'asepsie de l'intervention : le traitement du matériel biomédical et chirurgical, l'architecture des locaux, la préparation des différents acteurs, les temps opératoires et les procédures postopératoires.
Points essentiels
Repris de Hygiène au cabinet médical, La Revue du praticien , vol. 67, septembre 2017.
L'hygiène au cabinet médical repose à la fois sur des mesures barrières à appliquer lors des soins (hygiène des mains, masque, etc.) pour tout patient, et sur un contrôle rigoureux de l'environnement et de l'élimination des déchets de soins.
Les frictions avec des gels hydro-alcooliques sont la technique de référence pour une hygiène des mains rigoureuse. Elles doivent être effectuées avant et après chaque examen du patient au cabinet comme au domicile. La technique d'hygiène des mains et son temps de réalisation (30 secondes) doivent être connus de tous les praticiens.
Le port du masque est indiqué pour le patient et/ou pour le praticien dans des indications précises, et pour tout patient ayant des signes d'atteinte respiratoire. Le choix du type de masque (chirurgical pour le patient ou chirurgical ou FFP2 pour le praticien) dépend de la situation clinique. Il est également indiqué lorsque le praticien a lui-même des signes d'atteinte respiratoire pour protéger son patient.
Le port de gants ainsi que les autres équipements individuels de protection (blouse, tablier, lunettes, etc.) sont indiqués en cas de risque d'exposition à des liquides biologiques, par exemple lors de gestes invasifs (ponctions, injections, sondage, etc.). Les gants ne dispensent pas d'une hygiène des mains.
L'utilisation des matériels de sécurité pour l'utilisation des objets piquants, coupants ou tranchants et leur récupération après utilisation (collecteurs spécifiques) permettent de réduire pour les praticiens le risque d'accidents exposant au sang.
La vaccination annuelle des praticiens par le vaccin contre la grippe saisonnière est recommandée.
L'élimination des déchets d'activité de soins obéit à une réglementation rigoureuse qui doit être connue de tous les praticiens libéraux exerçant en cabinet.
Les mesures de contrôle de l'environnement sont importantes, reposant à la fois sur l'entretien des locaux et la maîtrise de l'eau et de la ventilation. Elles doivent s'adapter aux contraintes architecturales de chaque cabinet tout en respectant un cahier des charges dans les zones de soins, de circulation et d'attente.
Les praticiens doivent connaître la possibilité de signaler au centre régional de référence (CPIAS) ou à l'agence régionale de santé des infections associées aux soins inhabituelles ou graves.
Une information claire et intelligible concernant l'hygiène et la vaccination doit être faite auprès des patients consultant par tous les moyens de communication disponibles au cabinet (affiche, écran vidéo, etc.).
Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs n'ont pas transmis de déclaration de liens d'intérêts en relation avec cet article.Pour citation, ne pas utiliser la référence ci-dessus de cet article, mais la référence de la version originale publiée dans EMC - Chirurgie orale et maxillo-faciale 2018;13(2):1-9 [22-605-A-10].
Références
© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.Toute référence à cet article doit porter la mention : M. Samama, P. Goudot, P. Sabin, P. Astagneau, J. Bouaoud. Bloc opératoire d'implantologie : hygiène, asepsie et traçabilité. EMC - Médecine buccale 2018;13(4):1-9 [Article 28-730-A-10].Vous venez de lire un article du traité EMC Médecine buccale.
Médecine buccale Des bases à la pratique en odontologie et stomatologie