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Education thérapeutique : le patient partenaire

Paris | 4 décembre 2023

Xavier De La Tribonnière

Cette deuxième édition de notre livre sur l’Éducation Thérapeutique du Patient a été motivée par la rencontre d’un public de lecteurs de la première parution en 2016, et la nécessité d’actualiser et d’élargir notre propos à d’autres sujets non encore explorés. Ainsi en est-il du numérique, des patients partenaires, des nouveaux territoires, des spécificités de certaines pathologies, de la communication, des ponts entre éducation thérapeutique et éducation à la santé, des unités d’accompagnement (UTEP et centres de ressources), des adaptations nécessaires lors de la pandémie à la Covid-19, etc. Nous avons également souhaité proposer ici un regard sur l’éducation du patient telle qu’elle se pratique en Belgique et en Suisse. Enfin, force est de constater que l’ETP profite aujourd’hui de la vague porteuse des interventions non médicamenteuses basées sur des études scientifiques, leur offrant réciproquement une plus grande visibilité, et répondant ainsi aux attentes des patients

CHAPITRE 14

Le patient partenaire, acteur de l’équipe

P. Lartiguet, O. Gross, X. de la Tribonnière

Considérer le patient comme membre à part entière de l’équipe en ETP, renvoie à un questionnement global quant à la définition du patient comme acteur de santé. Cette formulation désormais répandue est trop souvent incantatoire alors qu’elle renvoie à un changement profond, d’ordre paradigmatique de la relation de soin qui nécessite de reconnaître les savoirs du malade et d’instaurer une relation partenariale entre le professionnel de santé et les patients.

Reconnaître les savoirs du malade

Selon Canguilhem, «  la maladie n’est pas une variation sur la dimension de la santé ; elle est une nouvelle dimension de la vie » (p. 122 in [1]) : « être malade, c’est vraiment pour l’homme vivre d’une autre vie  ». Reprenant la pensée du médecin et philosophe, C. Delory-Momberger et C. Tourette-Turgis réhabilitent le malade comme «  sujet et producteur de soins » : « le malade n’est pas un être passif, il n’est patient que sous le regard médical qui fait de lui un objet de soin assigné le plus souvent à la pathologie dont il est affecté » (p. 35 in [2]).

Ainsi, un patient passe en moyenne entre 5 et 10 heures par an avec les professionnels de santé concernant sa santé, quand il passe, lui et son entourage, jusqu’à 8 755 heures par an à prendre soin de sa vie avec la maladie [3]. Or, cette « activité [est] incessante et encore largement invisibilisée » (p. 35 in [2]).

Le sujet en soin, expérimentant la vulnérabilité avec la maladie, acquiert des savoirs spécifiques. La reconnaissance de l’expérience du vécu avec la maladie, la considération des savoirs dits expérientiels de la personne en soin ou du proche aidant « constituent un enjeu majeur de la transformation et l’amélioration des pratiques de soin ainsi que dans l’évolution des pratiques de gouvernance sanitaire » (p. 7 in [4]).

En raison de ses savoirs expérientiels, dont les contours ne sont pas véritablement définis [5], il est légitime d’interroger le patient sur sa vision du fonctionnement du système de santé. Pourtant, la capacité du patient à se positionner comme producteur de savoir est souvent remise en question par les professionnels, ce qui engendre une injustice épistémique (qui correspond à la remise en question de la capacité d’une personne à se positionner comme productrice de savoir) [6]. C’est pourquoi ces savoirs expérientiels ont besoin d’être reconnus, donc mieux caractérisés.

Ils sont le plus souvent assimilés et limités à l’expérience vécue de la maladie plutôt qu’acquis par l’observation ou la réflexion. Or, il existe une véritable élaboration « à travers un partage collectif et soutenu entre pairs, résultant d’un cheminement et d’un travail réflexif personnel (…). Cet entre-soi et cette mise en commun sont essentiels, car ils contribuent au long « travail » de prise de conscience, de questionnements, d’élaboration, de prise de distance, de réévaluation et de transmission que fait le patient » (p. 59 in [5]). Ainsi, la personne en soin, tout en ayant un vécu de la maladie, élabore une analyse de son vécu.

Héjoaka et al. ajoutent que ces savoirs ne sont pas «  en opposition à d’autres formes de savoir (par exemple, le savoir professionnel biomédical ou scientifique), mais bien en tant que : 1) continuum dynamique de connaissances composites issues d’une multitude de situations et d’expériences vécues  ; 2) processus de transformation du rapport au monde en savoir selon une double dynamique allant du vécu aux savoirs et des savoirs au vécu » (p. 68 in [5]). Cette perspective s’inscrit directement dans la pensée de J. Dewey (2005) selon lequel l’expérience est à envisager comme « une mise à l’épreuve du monde » et de sa connaissance.

À partir de l’étude et de la caractérisation de ces savoirs, O. Gross et R. Gagnayre caractérisent les différentes formes d’engagement des patients au sein du système de santé [7]. Considérant l’existence d’un lien entre les savoirs et le pouvoir d’action, ces deux auteurs identifient cinq savoirs :

  • les «  savoirs expérientiels implicites des patients : pour un pouvoir d’agir sur soi fondé sur les savoirs de l’épreuve ». Ces savoirs sont issus de l’expérience intime et sociale de la vulnérabilité, de la vie quotidienne avec la maladie (travail de la personne en soin, du parcours et de la relation de soins). Ces savoirs étant personnels, ils n’ont pas été soumis à l’épreuve de leur généralisation et visent l’autoadaptation de la personne dans une perspective auto-normative de santé [8], c’est-à-dire, adoptant ses propres normes de santé ;

  • les «  savoirs expérientiels explicites des patients : pour un pouvoir d’agir sur autrui fondé sur le kairos », c’est-à-dire le bon savoir mobilisé au bon moment. Ces savoirs visent l’influence sur autrui ce qui nécessite du discernement et des aptitudes de communication. C’est ce type de savoir qui est mobilisé dans le cadre de « la pair-émulation » ou de la pair-éducation ;

  • «  les savoirs situés des patients  : pour un pouvoir d’agir sur le monde fondé sur l’esprit critique  ». À partir de cette conscientisation, émerge une nouvelle conception du monde issue de la vision des patients partagée entre eux. Ces savoirs situés fondent l’engagement des patients à un niveau plus collectif ;

  • « les savoirs théoriques des patients », définis comme des connaissances générales et abstraites : pour un pouvoir d’agir sur les connaissances ;

  • les savoirs techniques. Certains patients ont des compétences techniques ou manuelles et s’engagent pour développer des solutions techniques qui répondent aux besoins qu’ils ont pu constater.

O. Gross et R. Gagnayre concluent que «  les patients produisent une connaissance, des savoirs singuliers caractérisés par leur expérience, qui pour nombre d’entre eux est mise en lien avec celles de leurs pairs, et pour certains avec des savoirs collectivement construits confrontés aux savoirs savants ou professionnels » [7].

Si le recours aux savoirs des patients en complément des savoirs des professionnels de santé est de plus en plus admis pour améliorer le système de santé [9], ces définitions, proposées par O. Gross et R.  Gagnayre, permettent d’être sensible à la diversité de leurs caractéristiques et de circonscrire la diversité des engagements des patients au sein du système de santé, pour faire en sorte que « soit sollicité le bon patient, à la bonne place et au bon moment ».

Du patient expert au patient partenaire

Avec l’institutionnalisation des représentants des usagers au sein du système de santé issue notamment de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, ont émergé des personnes engagées auprès des professionnels et au service de leurs pairs pour améliorer la qualité des soins. Puis, l’intérêt du recours aux savoirs issus de l’expérience avec la maladie ou avec le système de soins, a été perçu peu à peu par les équipes de soins, dans la formation des professionnels de santé, dans les éducations en santé (l’ETP notamment), et dans les recherches en santé.

Les dénominations de ces patients engagés au sein du système de santé sont particulièrement polysémiques et non stabilisées comme l’indique la multitude d’appellations utilisées [10]  : patients ressources dans des lieux institutionnels et association de patients, peers educator, pairs aidants, médiateurs de santé, médiateurs pairs, patients formateurs des professionnels de santé, patients experts, partenaires, sentinelles, auto-normatifs, intervenants, témoins, éducateurs, co-chercheurs, etc.

Parmi ces termes, force est de constater que celui de « patient expert » fait débat et est source de crispations notamment chez les professionnels de santé [11, 12]. Sans doute parce que l’expertise de la personne en soin est perçue comme une remise en cause de celle du professionnel de santé. Pour autant, l’engagement de personnes en soin dans le service du système de santé, et dans les formations et cursus universitaires en santé, établit la reconnaissance de leurs savoirs comme un fait social [13, 14].

L’engagement de la personne en soin, comme acteur de santé, représente une nouvelle configuration de la relation de soin. Ce «  virage patient  » [15] s’illustre notamment au Québec, par l’approche dite du «  partenariat patient  ». Certains patients partenaires s’enrichissent ainsi au fil des années de collaborations, au point de se former à haut niveau et d’être reconnus pour leur contribution (encadré 14.1)

ENCADRÉ 14.1

Parcours d’un patient partenaire – Monsieur Raymond Merle

Raymond Merle est atteint d’insuffisance rénale chronique depuis 35 ans. Il fait partie des patients que l’on qualifie aujourd’hui d’«  experts  ». Son cheminement l’a progressivement conduit à se professionnaliser pour devenir formateur, puis à débuter un travail de recherche dans le cadre universitaire.

C’est à l’âge de 34  ans qu’il apprend sa maladie. Marié et père de deux enfants, il est responsable d’entreprise. Il doit rapidement arrêter son activité pour être soigné. Après une phase de révolte face à cette injustice ressentie, et grâce à une amie, Raymond Merle devient membre adhérent bénévole d’une association, puis accède à sa coordination. Pendant plusieurs années, par un travail intense sur lui-même et entouré des soignants, il se reconstruit petit à petit pour parvenir finalement à « vivre avec » la maladie. Cela passe par l’établissement d’une relation de confiance avec les soignants, une prise de distance vis-à-vis de la maladie, une acceptation des traitements et la possibilité d’évoquer sa situation avec objectivité. Avec d’autres patients, il s’investit au côté de professionnels de santé dans un projet collaboratif, le Centre de santé rénale Mounier (AGDUC) à Grenoble. Après plus de 25  années d’investissement dans le domaine de la santé, Raymond ressent l’envie de suivre un cursus universitaire. À 55 ans, n’étant pas titulaire du bac, il passe une validation des acquis de l’expérience (VAE) pour obtenir une licence professionnelle « Promotion de la santé et éducation à la santé » à l’université de Savoie Chambéry en 2010, puis un master 1, « Éducation thérapeutique du patient  » à l’université Paris-6 Pierre et Marie Curie en 2011 et enfin, un master 2 « Modélisation au service de l’apprentissage en santé » à l’université Joseph-Fourier de Grenoble en 2013. Il devient un doctorant en 2015 à l’école doctorale ingénierie de la santé, de la cognition et environnement (EDISCE) de Grenoble et intègre un laboratoire de recherche, l’objectif étant de « poursuivre sa carrière de “patient usager” dans l’enseignement et la recherche ». En décembre 2020, il fonde et devient directeur du département Universitaire des Patients Grenoble Alpes.

Source : Chauvin F. Entretien avec Raymond Merle, patient expert, devenu formateur puis chercheur Propos recueillis. Santé Éducation 2014 ; 3 : 25-9 [16]. © Edimark SAS, et actualisation 2023.

Le partenariat en santé, un « paradigme relationnel »

La vision séquentielle de l’expérience du malade par le professionnel, laquelle favorise le modèle biomédical, s’oppose à celle de l’expérience par le malade, longitudinale et intégrée. Cette opposition définit un rapport au temps et à l’espace différent pour chacun d’entre eux [17].

Le Montreal Model, conceptualisé et mis en œuvre au sein de la faculté de médecine de l’Université de Montréal, positionne l’approche du partenariat « en considérant le patient comme un acteur de soins à part entière dont le statut de soignant repose sur une compétence de soins » (p. 42 in [9]). Il caractérise la qualité de la décision médicale et des actes de soins comme la conjugaison de l’expertise du clinicien (connaissances scientifiques et cliniques des professionnels de santé) et de l’expertise de la personne en soin (savoirs issus de la vie avec la maladie). Par la reconnaissance des savoirs expérientiels et de ces compétences mobilisées, les personnes en soin sont considérées «  comme des personnes légitimes pour prendre les décisions les plus adaptées à leur projet de vie, en collaboration avec les professionnels de la santé » (p. 13 in [18]).

Le partenariat est un engagement réciproque entre personne en soin et professionnels, par la complémentarité des savoirs dont ils disposent : il se caractérise «  par le co-leadership d’actions communes, la co-construction (de la compréhension du problème et des pistes de solutions), et la co-responsabilité (par rapport aux résultats des actions réalisées conjointement)  » (p.  15 in [18]). Ainsi ce partenariat se distingue de modèles d’engagement où le leadership est assumé exclusivement par le professionnel de santé (modèle paternaliste notamment) ou par la personne en soin dans une logique de confrontation [13].

Par ailleurs, le Montreal Model s’inscrit dans une approche systémique  : au niveau micro de la relation individuelle de soin, au niveau méso des organisations de santé, d’enseignement et de recherche, et au niveau macro des organismes gouvernementaux responsables de l’élaboration des politiques publiques (p. 15 in [18]). Ce modèle ayant pour enjeu d’améliorer le partenariat au niveau du colloque singulier, il s’opérationnalise essentiellement au niveau méso et macro. Il prévoit ainsi l’engagement du patient dit « partenaire » auprès des équipes de soins (cliniques et éducatifs), dans la formation initiale et continue des professionnels de santé, dans les recherches en santé, au sein des établissements et institutions de santé.

En France, le changement paradigmatique qu’incarne le partenariat en santé est soutenu par les institutions en santé (Stratégie nationale de santé, Haute Autorité de santé…) depuis quelques années. En 2023, la HAS travaille sur un guide visant à renforcer la reconnaissance sociale de l’engagement des usagers en santé, dont l’ETP est un des premiers exemples. Ce guide met en exergue les raisons qui justifient cette reconnaissance sociale, la grande variété des missions déjà existantes et utiles dans le système de santé, et des principes susceptibles d’alimenter une doctrine de la reconnaissance sociale de l’engagement des usagers en santé. De même, l’Académie nationale de médecine travaille depuis septembre 2022 à un rapport sur le patient partenaire, qui pourrait être diffusé en 2023.

Patient partenaire en ETP

Dans le cadre de l’ETP, le partenariat entre professionnels de santé et patient ou proche aidant partenaire favorise la pertinence des programmes. Il est envisageable lors de quatre étapes de la vie d’un programme (par défaut dans les désignations ci-dessous, nous incluons dans le terme patient partenaire, celui de proche aidant partenaire) :

  • en amont du projet et lors de la construction du programme ; le patient partenaire interroge avec les autres membres de l’équipe la pertinence du format, des séances et des outils éducatifs en rapport avec les besoins des populations ciblées et au plus près des situations de vie avec la maladie. L’équipe a intérêt à repérer le plus tôt possible des patients partenaires pour s’engager avec elle dans le projet. Cette collaboration est d’autant plus efficace qu’elle démarre tôt ;

  • lors de la mise en œuvre des pratiques éducatives de groupe  ; le patient partenaire peut être un facilitateur de l’expression des patients ; il renforce les messages des professionnels  ; il légitimise par sa position de pairs les bénéfices de l’ETP ; il permet une meilleure contextualisation des apprentissages ;

  • l’évaluation du programme : outre une vision sur l’organisation générale, le patient partenaire contribue à interpréter les retours des bénéficiaires des programmes propices à un réajustement ;

  • lors de la promotion du programme : le patient partenaire valorise les bénéfices pour le patient de la participation à un programme ETP.

Les équipes ayant expérimenté le partenariat identifient le patient partenaire comme ayant une réelle valeur ajoutée pour le programme. Pour autant il est nécessaire de :

  • clarifier en amont le rôle, la place et les limites d’intervention des patients partenaires ;

  • cibler les profils pertinents, les compétences attendues et le niveau de formation (en tant que membre à part entière de l’équipe, le patient partenaire doit être formé à l’ETP comme les professionnels de santé). Outre les formations de 40 heures, une dizaine de diplômes universitaires existent en France en 2023, ciblés sur le patient partenaire ou sur l’apprentissage du partenariat entre patient et professionnels de santé (encadré 14.2) ;

  • assurer une transparence quant au statut (niveau de rétribution, défraiement des frais…) ;

  • mettre en œuvre des modalités de recrutement et de partage du secret médical (repérage, charte d’engagement, charte de confidentialité…) ;

  • accompagner les équipes dans l’évolution de leurs représentations du patient afin d’instaurer une forme d’horizontalité propice au partenariat ;

  • accompagner les équipes à l’intégration du patient partenaire (maturité des professionnels de santé).

ENCADRÉ 14.2

Expérience d’un diplôme universitaire sur le partenariat patient-soignant à Montpellier

À partir d’une recherche sur un modèle spécifique de formation de patients à l’éducation thérapeutique [19], un diplôme universitaire (DU) centré sur le partenariat patient-soignant a été créé en 2017 à la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes. Le contenu porte sur l’exploration du partenariat dans le contexte du soin, l’éducation thérapeutique avec une formation intégrée de 48  heures, et le co-enseignement en formation initiale pour des étudiants en santé ou en formation continue pour des professionnels de santé. Sur les 5 premières promotions, 111 personnes ont validé le DU (91  patients, 20  professionnels de santé) avec un taux de satisfaction de 85 %. Une étude d’impact à 18 mois après la validation du DU sur les deux premières promotions, a montré une pérennisation des actions des patients en ETP de 66  %, et en enseignement de 71  % [20]. L’obtention d’un DU renforce la reconnaissance et la légitimation du patient partenaire. Cependant, malgré leur enthousiasme, beaucoup de patients ressentent des difficultés à trouver des collaborations après le DU avec des professionnels de santé, en ETP ou en enseignement, soulignant la nécessité de sensibiliser les professionnels au partenariat et de renforcer le statut du patient partenaire.

Dans le cadre du Projet régional de santé 2018-2022 de l’ARS Occitanie, inscrivant la mise en œuvre du partenariat en santé comme priorité régionale, une recherche-intervention pour accompagner le changement a permis de coconstruire des outils à destination des patients partenaires comme des professionnels de santé, membres d’une équipe ETP [21]. Parmi les travaux réalisés, un référentiel de compétences du partenariat dans les soins éducatifs a été élaboré (tableau 14.1).

Compétences communes aux patients/usagers de santé et professionnels de santé partenaires

– S’inscrire dans une démarche d’amélioration de la prise en soin de la personne au bénéfice du collectif – Exercer un leadership collaboratif (donner du sens, porter le partenariat en santé) – Promouvoir la décision partagée – S’inscrire dans une démarche collaborative : développer l’ouverture d’esprit, la capacité à se remettre en cause et à s’auto-évaluer, acquérir des capacités de négociation, d’adaptation, d’inclusion au sein d’une équipe, de mobilisation des savoirs respectifs, développer une pratique réflexive – Communiquer avec bienveillance, dans le respect, l’ouverture, l’écoute, l’équité et de façon compréhensible – Travailler en équipe : reconnaître les compétences mutuelles de chacun, intégrer les principes de l’éthique, être garant du secret professionnel et de la confidentialité – S’organiser : organiser son temps de travail en fonction des contraintes et des délais impartis

Compétences spécifiques

– Professionnels du système de santé partenaire : accueillir et intégrer voire coopter le patient/ usager partenaire dans une équipe – Patient/usager partenaire : s’intégrer dans une équipe, se situer, prendre du recul sur son vécu et le mettre en perspective, redonner du sens à sa vie au travers de ses expériences, développer sa résilience

Source : Plateforme numérique du partenariat en santé en Occitanie. Les fiches et guides du Partenariat en Santé 2022. [Internet]. Disponible en ligne (https://partenariat-en-sante.org/outils/(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)) [22]

Pour le patient en soin, les bénéfices liés à l’intervention d’un patient partenaire en ETP sont nets et reconnus  : on observe notamment une meilleure expression des patients en présence d’un patient partenaire, une plus grande compréhension des enjeux grâce au langage utilisé, une relation de soin améliorée, un partage de l’expérience vécue et la transmission des savoirs de la vie quotidienne facilités, une meilleure acquisition des compétences psychosociales, une confiance dans les discours médicaux en raison de la proximité des positions… [23].

Plusieurs guides pour faciliter l’engagement de patients partenaires dans une équipe d’ETP existent, comme le guide de la HAS paru en 2016 [24] et récemment, un guide réalisé après une enquête nationale menée par l’UTEP de Nancy en 2021.

Patients acteurs de la recherche

Par similarité avec la pratique de l’ETP, la présence de patients partenaires est également souhaitable dans la recherche en ETP (voir chapitre 31).

Dans les principes de rédaction scientifique de structure IMRAD pour introduction, methods, results, and discussion (introduction, matériel et méthodes, discussion), les patients sont passés de la rubrique « matériel » à la place de sujets, puis à celle d’acteurs [26]. Ils sont maintenant davantage associés à la construction de la recherche, au choix des questions posées, à celui des hypothèses ou objectifs ainsi qu’à celui des méthodes. Cette collaboration est souhaitée par les professionnels de santé pour ajuster les recherches aux besoins et attentes des populations cibles de l’étude. Parfois, le patient devient un véritable chercheur. Dans certains cas, il peut initier des recherches [27].

Les patients participent à l’interdisciplinarité de l’équipe, que leur présence permet d’ailleurs de stimuler. Ils apportent un regard nouveau à condition de ne pas se fondre excessivement dans la position dominante biomédicale et se tromper sur leur apport véritable et original [26].

D’après O.  Gross et R.  Gagnayre, trois types de recherche convoquent des patients comme acteurs de la recherche [27] :

  • des recherches participatives. Ce type de recherche ne se dote pas d’exigence méthodologique particulière, l’expertise des patients pouvant être sollicitée lors de n’importe quelle phase de la recherche [28] ;

  • des recherches communautaires. Dans ce cadre, la recherche vise à répondre à une question que se posent les groupes concernés. Les réponses apportées tendent à améliorer une situation de santé ou leurs conditions de vie ou encore, à fonder un plaidoyer sociopolitique. Il s’agit la plupart du temps de recherches qui n’auraient pu être pensées par d’autres acteurs ;

  • des recherches « user-leads » [27]. Il s’agit de recherches portées par des patients, en tant que chercheurs, bien souvent dans le domaine des sciences humaines et sociales, ou en tant que pilotes du projet.

La participation des patients à la recherche en ETP est d’autant plus nécessaire qu’il existe des injonctions politiques, un engagement académique et un rôle des financeurs et des revues qui plébiscitent ce nouveau paradigme [27].

Références(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Pratiquer l’éducation thérapeutique © 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Auteur coordinateur de l'ouvrage

Xavier De La Tribonnière, praticien hospitalier, coordinateur de l’UTEP, Hôpital La Colombière, CHU de Montpellier  ; chargé de cours à l’UFR médecine de Montpellier – Nîmes  ; chercheur associé au Laboratoire Éducations et Promotion de la Santé (LEPS) UR 3412, Université Sorbonne Paris Nord, Bobigny

ont co-écrit ce chapitre avec Xavier de la Tribonnière

Patrick Lartiguet, docteur en sciences de l’éducation et de la formation, chercheur partenaire Unité Mixte de Recherche Éducation, Formation,Travail, Savoirs (UMR EFTS), Université Toulouse Jean Jaurès, consultant formateur en marketing social.

Olivia Gross, maîtresse de conférences des universités, habilitée à la recherche (HDR) des sciences de l’éducation et de la formation, Laboratoire Educations et Promotion de la Santé (LEPS) UR 3412, Université Sorbonne Paris Nord, Bobigny.

Pratiquer l'éducation thérapeutique L'équipe et les patients Xavier De La Tribonnière ISBN 9782294778858 2e édition, 2023