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Misogynie à l’hôpital : toujours là !!

France | 5 décembre 2022

Par Monique Remillieux

Soins Cadres

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Découvrez cet article paru dans la revue Soins Cadres(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre) dans le dossier Discrimination.

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Les femmes médecins en milieu hospitalier

Anna Boctor : Pneumo-pédiatre libérale, ancien chef de clinique, première vice-présidente du syndicat Jeunes médecins, chargée de l’égalité femmes-hommes.  Assistance publique- Hôpitaux de Paris 62 avenue de Grasse, 06800 Cagnes-sur-Mer, France

■ La misogynie est systémique à l’hôpital

■ Les femmes constituent aujourd’hui plus de la moitié des effectifs de praticiens hospitaliers à temps plein, mais ne représentent qu’environ 20 % des professeurs d’université

■ La discrimination, notamment liée à leur grossesse, mais aussi les situations de harcèlement sexuel sont légion dans le milieu médical

■ Les femmes médecins fuient le milieu hospitalier qui, pourtant, se meurt et la féminisation de la profession est plus que jamais en marche

■ Devant cet enjeu non seulement sanitaire et social, mais aussi économique, une rupture doit s’opérer.

©2021  Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : carrière médicale, discrimination, féminisation, hôpital, misogynie

Women doctors in hospitals

Misogyny is systemic in the hospital. Women now make up more than half of full-time hospital practitioners, but only about 20% of university professors. Discrimination, particularly related to pregnancy, but also sexual harassment is widespread in the medical field. Women doctors are fleeing the hospital environment, which is nevertheless dying, and the feminisation of the profession is more than ever on the march. Faced with this challenge, which is not only related to health and social issues, but also to the economy, a breakthrough must be made.

©2021  Elsevier Masson SAS.  All rights reserved.

Keywords : discrimination, feminisation, hospital, medical career, misogyny

Plan

  • La misogynie à l’hôpital

  • Une discrimination systémique

  • Des situations impunies

  • Un enjeu multiple

  • Des mesures et des perspectives

  • Déclaration de liens d’intérêts

La médecine a longtemps, été représentée par des hommes. Même si ce modèle n’a pas totalement disparu, on constate la féminisation de la profession et la transformation du rapport à l’emploi des épouses des hommes médecins, moins disponibles [1]. En effet, le taux d’activité global des femmes est aujourd’hui de 67,6 %, et elles représentent 48,3 % de la population active [2]. Ces changements sociétaux impliquent un changement de paradigme au sein de la communauté médicale avec une véritable fracture entre les anciennes et les jeunes générations. La question de l’articulation entre la vie personnelle et familiale et l’exercice médical se pose désormais chez les femmes médecins, mais également chez leurs confrères masculins.

La misogynie à l’hôpital

En 2021, le monde médical n’est toujours pas “à jour” en ce qui concerne la parité et les droits des femmes. Pourtant, les femmes médecins sont majoritaires chez les moins de 35 ans (parmi les 8 733 nouveaux inscrits au Conseil national de l’ordre des médecins en 2018, 59 % étaient des femmes [3]) et en 2020, 53 % des postes de praticiens hospitaliers à temps plein étaient occupés par des femmes [4]. Mais elles ne représentent que 22,2 % des effectifs des professeurs d’université-praticiens hospitaliers en 2020 [5]. Pourquoi une telle discordance ? La misogynie est très présente dans cet univers dominé par les hommes : une enquête nationale de 2018, pilotée par deux syndicats (Jeunes médecins et Action praticiens hôpital), montre que sur 3 135 médecins hospitaliers interrogés, 43 % des femmes ont déjà subi une discrimination liée à leur sexe sur leur lieu de travail [6]. Entre autres témoignages, ont été rapportées des phrases comme : « La chirurgie, ce n’est pas pour les femmes  »  ;«  Il n’y a que les stériles ou les moches qui travaillent  »  ; «  Vous ne connaissez pas la pilule  ? »  ; «  Tu peux encore avorter  »  ; «  Tu as choisi d’avoir des enfants, alors fais une croix sur ta carrière  » . Les femmes ne sont pas forcément les meilleures alliées des autres femmes. Cette constatation fait malheureusement écho à un principe très ancré dans la communauté médicale : les bourreaux engendrent des victimes, elles-mêmes devenant de nouveaux bourreaux. À titre d’exemple, la chef d’un service de pédiatrie d’un grand CHU parisien appelait ses internes féminines sur leur portable avant leur prise de fonction pour savoir si elles avaient un projet de maternité. Certains coordonnateurs de diplôme d’études spécialisées (internat) demandent aux internes de signer un document attestant qu’elles ne “tomberont” pas enceintes durant leur internat, auquel cas elles ne valideraient pas leur spécialisation (et seront donc obligées de changer de spécialité). Soixante-neuf pour cent des femmes exerçant à l’hôpital déclarent qu’elles auraient effectué une carrière différente si elles étaient nées hommes [6].

Une discrimination systémique

L’évolution négative de la gestion hospitalière, en particulier depuis l’introduction de la tarification à l’activité en 2004, a pour conséquence directe une tension très forte sur les effectifs médicaux et paramédicaux alors que l’affluence de patients ne cesse d’augmenter. Les femmes médecins en congé de maternité ne sont toujours pas remplacées. Une femme sur trois serait victime de discrimination liée à sa grossesse [6]. J’ai vu certaines de mes collègues pleurer après avoir été qualifiées de traîtresses lors d’un violent entretien avec leur chef de service à l’annonce de leur grossesse. D’autres ont subi des réflexions culpabilisantes quant à la charge de travail laissée aux collègues et ont même eu une surcharge de travail avant ou au retour de leur congé de maternité afin de leur faire payer. Encore 6 % des femmes enceintes ne prennent pas leur congé maternité, majoritairement à cause de la pression ressentie dans leur service ou pour ne pas perdre une perspective de carrière [6]. Lorsque certaines demandent un assouplissement de leur emploi du temps, on le leur refuse en arguant qu’une grossesse est un choix et qu’il faut en assumer les conséquences. Combien de femmes ont vu leur carrière s’arrêter ou leur contrat prendre fin en toute illégalité à cause d’une grossesse ? Ces situations discriminatoires sont fréquentes dans le milieu hospitalier, et malheureusement beaucoup trop acceptées. Même si les responsables doivent faire fonctionner leur service avec souvent des moyens insuffisants, combien élèveront la voix pour ne plus faire subir ces injustices aux femmes ? Est-il normal, en 2021, d’entendre dire que les femmes doivent choisir entre avoir des enfants ou faire carrière ? Est-il acceptable de forcer une femme à reprendre plus tôt que prévu car l’équipe est en sous-effectif ? Est-il normal de risquer la prématurité pour faire tourner un service ? N’est-ce pas un comble pour les médecins ? La misogynie est systémique à l’hôpital. Les femmes médecins sont moins bien protégées que les femmes en général, ne bénéficiant pas de la protection du Code du travail ou celui de la fonction publique, les statuts hospitaliers ayant été conçus des dizaines d’années auparavant.

Des situations impunies

S’ajoute à cela un mépris de certains patients pour les femmes ou simplement des clichés bien ancrés dans l’esprit populaire et qui sont le lot quotidien des femmes médecins : la femme n’est pas crédible en tant que médecin ou chirurgien, elle est toujours prise pour une infirmière ou une secrétaire. Quinze pour cent des femmes médecins ont été victimes de harcèlement ou d’humiliation sexuels en milieu hospitalier sans que les responsables soient inquiétés (dans 46 % des cas, rien n’a été porté à la connaissance de la communauté hospitalière et une sanction a été prononcée à l’égard de la personne responsable dans seulement 7 % des cas) [6].

Un enjeu multiple

La féminisation de la profession médicale est un fait incontournable. Le monde hospitalier n’y est ni adapté ni préparé. Les dernières réformes hospitalières austères n’aidant pas, l’hôpital se trouve déserté par les jeunes médecins (femmes ou hommes) du fait d’un défaut de management criant, mais aussi de ces situations discriminatoires pour les femmes, en particulier celles désireuses de fonder une famille. Dans le milieu libéral, la féminisation médicale est aussi en marche, s’ajoutant à la raréfaction des médecins sur tout le territoire et créant ainsi des difficultés dans l’offre de soins.

Des mesures et des perspectives

Les femmes en congé de maternité doivent être remplacées, le congé de paternité doit être prolongé. Le plafond de verre doit être brisé [7] : les critères de sélection universitaires (compétition, prise de risque) désavantagent les femmes, qui ont un engagement familial plus important, alors qu’elles ont une production scientifique, un statut marital et parental équivalent à leurs confrères masculins. Ces critères doivent être transparents, évalués et surveillés avec sanctions à la clé. Il est clair qu’un médecin épanoui dans son travail sera plus à même de prodiguer des soins de qualité1. Un combat engagé. Avec ma consœur Lamia Kerdjana, anesthésiste-réanimatrice hospitalière et présidente du syndicat Jeunes médecins Île-de-France, nous avons rédigé une tribune parue dans le journal Le Monde du 26 septembre 2020, dénonçant les discriminations sexistes en milieu hospitalier [8]. Cette tribune a été signée par plus de 300 médecins afin d’interpeller les ministères de la Santé, de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri), mais aussi le ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons été reçues par le Mesri le 15 décembre 2020 afin de discuter de mesures pour enfin marquer une rupture avec cette situation préoccupante pour les femmes médecins. D’autres réunions sont à venir. Nous attendons toujours à ce jour une réponse des ministères en charge de la santé et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

[1] Lapeyre N., Le Feuvre N. Féminisation du corps médical et dynamiques professionnelles dans le champ de la santé Rev Fr Aff Soc 2005 ; 59-81

[2] Tableaux de l’économie française (TEF). Collection Insee Références. 2018.  www.insee.fr/fr/statistiques/3353488.

[3] Conseil national de l’ordre des médecins. Atlas de la démographie médicale en France. Situation au 1er janvier 2018. www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/ext ernal-package/analyse_etude/hb1htw/cnom_atlas_2018_0.pd f.

[4] Base de données au 1er janvier 2020 du Centre national de gestion. (CNG).

[5] Base de données au 1er janvier 2020 du CNG et SIGHU.

[6] Action praticiens hôpital, Jeunes médecins. Équilibres vie privée /vie professionnelle pour les praticiens à l’hôpital public. https://aph-france.fr/IMG/pdf/re_sume_enque_te_aph-jm_vie_prive_e_vie_professionnelle.pdf.

[7] Cohen Aubart F., Roeser A., Costedoat-Chalumeau N., et al. Women in internal medicine academic positions in France Eur J Intern Med 2019 ;  64 : e18-e20

[8] Boctor A, Kerdjana L. Sexisme dans le milieu médical : “Les discriminations et vexations doivent cesser, aussi bien pour les femmes médecins que pour l’avenir de l’hôpital”. Le Monde. 26 septembre 2020. www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/26/sexisme-dans-le -milieu-medical-les-discriminations-et-vexations-doiven t-cesser-aussi-bien-pour-les-femmes-medecins-que-pour-l -avenir-de-l-hopital_6053685_3232.html.