Dermatoses communes
18 octobre 2022
Par Anne-Claire Nonnotte
Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Dermatologie de la diversité S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Dermatoses communes
A. Mahé
La pathologie dermatologique chez les personnes issues de la diversité doit être considérée comme étant, dans la grande majorité des cas, de nature tout à fait banale. La surévaluation régulière dans la littérature de la part attribuable aux maladies spécifiquement tropicales ou ethniques est un élément récurrent à l'origine d'un malentendu fréquent qu'il convient de rectifier d'emblée. À la limite, c'est l'ensemble de la dermatologie qui devrait être décliné dans ce chapitre ; l'intérêt de l'énumération de l'ensemble des entités semblant discutable, nous nous sommes limités aux plus courantes, en insistant lorsque cela était nécessaire sur les particularités auxquelles s'attendre mais aussi, assez souvent, sur une absence de particularité. Pour les affections plus rares, nous renvoyons le lecteur intéressé à d'autres ouvrages [1]. Certaines affections qui auraient pu être intégrées dans ce chapitre bénéficieront d'un chapitre dédié du fait de particularités pour le coup suffisamment importantes (voir Partie 4).
Eczémas et autres dermatoses spongiformes
Hormis sa teinte grisâtre ou plus franchement hyperchromique, l'eczéma de contact reste de reconnaissance facile du fait de sa topographie limitée à l'aire d'application du composé en cause, de ses contours émiettés où des vésicules restent plus ou moins facilement identifiables, et d'un prurit (fig. 9.1). Les études anciennes, qui affirmaient une résistance plus grande de la «peau noire» à certaines substances allergisantes, sont récusées [2]; des études récentes ont plutôt retrouvé une plus grande fréquence de sensibilisation à certains produits tel le colorant PPD (para-phénylène-diamine) dans la population afro-américaine (A-A), particularité attribuée à un recours à des teintures capillaires plus concentrées [3]. Il n'y a donc aucune originalité «de principe» concernant les substances susceptibles d'être à l'origine d'une sensibilisation de contact. La mention dans la littérature d'une difficulté dans l'interprétation des patch-tests épicutanés semble exagérée dans la mesure où un érythème isolé ne constitue jamais à lui seul un signe de positivité, et que c'est la présence de vésicules qui a de la valeur. Il n'y a non plus aucune particularité thérapeutique, les corticoïdes locaux n'entraînant notamment pas d'hypochromie en cas d'utilisation normale.
Globalement, la dermatite atopique (DA) est aussi fréquente chez les personnes de peau pigmentée que de peau claire. Les différences de prévalence entre populations rapportées de par le monde sont d'interprétation délicate du fait de la multitude des paramètres susceptibles de les expliquer (climatiques, pratiques d'hygiène ou cosmétiques locales, conditions socio-économiques, degré d'urbanisation…); leurs résultats sont d'ailleurs loin d'être homogènes pour ce qui serait d'une éventuelle «prédisposition ethnique» univoque [4]. La présentation et la prise en charge ne présentent guère de particularité : xérose cutanée et atteinte typique du visage, des plis des coudes, des creux poplités ou parfois des zones convexes, sont régulièrement présentes (fig. 9.2). Des subtilités de présentation ont été suggérées, sans implication pratique claire jusqu'à présent (fréquence d'une hyperpigmentation périorbitaire en cas de peau fortement pigmentée par exemple). Une interprétation littérale de scores de gravité proposés pour la DA (SCORAD) semble susceptible d'entraîner une sous-estimation de la gravité en cas de peau pigmentée du fait d'une mauvaise évaluation de l'érythème [5]; même si ce problème nous semble de peu d'impact dans la pratique courante, un équivalent SCORAD «peau noire» a été proposé.
Les eczématides («dartres») consistent en des zones de peau sèche aux contours mal limités avec parfois renforcement folliculaire, très souvent hypochromiques sur peau fortement pigmentée, siégeant sur le visage ou en tout point du tégument. Il s'agit d'une forme mineure d'atopie favorisée par des manœuvres à même de dessécher la peau (savons ou techniques de toilette agressifs) s'observant surtout chez l'enfant («dartres»). L'hypochromie peut être franche et égarer le diagnostic, mais les modifications xérotiques associées, le contexte et la grande fréquence de cette dermatose permettent de rectifier le diagnostic. Le traitement repose, outre l'arrêt d'éventuelles manœuvres inappropriées, sur une hydratation optimale de la peau. Une corticothérapie locale transitoire accélère la guérison (fig. 9.3A et B).
Les lichénifications résultent de causes diverses (eczéma, dermatite atopique, «névrodermite», aujourd'hui exceptionnelle onchocercose…), et prennent souvent un aspect mêlant achromie (parfois mouchetée) et hyperchromie (fig. 9.4). Le pityriasis rosé de Gibert – plutôt en fait «gris» – reste de reconnaissance facile du fait du «médaillon» caractéristique (voir fig. 7.7).
Psoriasis et dermatoses apparentées
Des différences de prévalence du psoriasis selon les aires géographiques et/ou les populations ont été suggérées, y compris au sein d'un même continent où elles pourraient refléter des différences populationnelles de prédisposition génétique, mais nous semblent de peu d'intérêt face à un patient donné. Il semble surtout que, au fur et à mesure que le mode de vie s'urbanise, la fréquence du psoriasis augmente. Les lésions sont en général de reconnaissance facile du fait notamment d'une hypochromie associée, permettant d'observer un érythème franc ou une teinte violacée qui en est un équivalent (figures 7.5B et 9.5).
La dermatite séborrhéique se voit à tout âge. Chez l'adulte, les lésions siègent au cuir chevelu et dans la zone médiofaciale ou médiothoracique. Chez le nourrisson, l'extrémité céphalique (cuir chevelu, visage) et le siège sont concernés. La lésion élémentaire consiste en un érythème bien limité, parfois «figuré», surmonté de squames «grasses»; surtout, sur peau fortement pigmentée une hypochromie y est souvent associée, et peut persister au-delà de la régression des autres symptômes (fig. 9.6). Le traitement repose sur l'application d'antimycosiques (kétoconazole chez l'adulte, ciclopiroxolamine chez l'enfant) et sur l'usage ponctuel de corticoïdes locaux chez l'adulte. Dans un contexte de prévalence du VIH élevée, une dermite séborrhéique avait une valeur prédictive positive élevée pour cette infection [6].
Les kératodermies sont globalement de même nature et présentation que sur peau claire (eczéma, dermatophyties, kératodermies héréditaires). Cependant, certaines entités font état d'une propension ethnique assez franche (kératose ponctuée des plis palmaires et autres kératoses acrales, voir chapitre 18). Le pityriasis lichénoïde se caractérise par la survenue par poussées de petites papules surmontées d'une squame se détachant en bloc, un asynchronisme des poussées conférant un tableau polymorphe ; sur peau fortement pigmentée, une hypochromie post-lésionnelle peut être au premier plan de la symptomatologie, au sein de laquelle il peut être difficile d'identifier la lésion élémentaire papuleuse (fig. 9.7).
Dermatologie de la diversité S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, par Antoine Mahé et Ousmane Faye. © 2022, Elsevier Masson SAS
Antoine Mahé Professeur conventionné de l'université de Strasbourg Service de dermatologie, hôpital Louis Pasteur, Colmar, France
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