Chirurgie dermatologique
6 avril 2017
Par Anne Claire Nonnotte
Découvrez un extrait de l'ouvrage Chirurgie dermatologique S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
La main et le pied
La main et le pied sont des organes à part entière. La main est l’outil fonctionnel par excellence. Sa représentation sur le cortex cérébral moteur est considérable et la chirurgie qui y est réalisée est affaire d’experts. L’organisation nationale et internationale de la chirurgie de la main est maintenant bien codifiée et repose sur l’expertise de chirurgiens plasticiens ou orthopédistes ayant bénéficié d’un enseignement spécifique en chirurgie de la main, en microchirurgie et en chirurgie de couverture. Le pied est souvent comparé à la main et bien que de nombreux points les différencient, on retrouve certaines exigences fonctionnelles et particularités anatomiques qui sont, comme pour la main, les premiers critères à prendre en compte avant de planifier une chirurgie. Une des caractéristiques anatomiques de ces deux régions est la superficialité des éléments nobles (tendon, nerf, artère, os et articulation sur la face dorsale) qu’il faut impérativement préserver. La peau est également particulière en paume de main ou en plante de pied, adaptée aux fonctions de préhension ou de zones d’appui pour la marche. Une mauvaise gestion de ces zones pourra entraîner une perte de fonction et avoir une incidence considérable sur la reprise d’une activité manuelle spécifique. Au-delà de certaines techniques chirurgicales bien spécifiques, l’anesthésie ainsi que les soins postopératoires répondent à certains critères simples mais stricts qui doivent être respectés.
Anesthésie
Anesthésie Locale
L’exérèse de lésions cutanées au niveau de la main et du pied peut bien sûr se faire, comme pour n’importe quelle autre région anatomique, sous anesthésie locale. Néanmoins, certaines règles d’or doivent être respectées quand cette anesthésie est réalisée au cabinet. L’emploi d’anesthésiques locaux adrénalinés, bien que séduisante sur ces zones très vascularisées et donc hémorragiques, est proscrit. En effet, l’utilisation d’adrénaline au contact d’un vaisseau artériel pouvant être en situation de réseau terminal n’est pas recommandée en raison d’un risque de spasme artériel pouvant créer des lésions d’ischémie distale dont la résolution peut être aléatoire. En outre, il faut garder à l’esprit que la paume et la plante du pied en plus d’être bien vascularisées sont des zones particulièrement innervées. Il convient donc de prendre toutes les précautions nécessaires pour diminuer la douleur ressentie. On préférera réaliser une injection sur la face dorsale et non plantaire pour anesthésier un segment de membre. L’utilisation d’aiguilles de faible calibre ainsi que de seringues de faible volume peut rendre un grand service. L’emploi d’un patch anesthésique est également une bonne solution.
Anesthésie Locorégionale
Dans tous les autres cas, une anesthésie locorégionale est la solution. En effet, les progrès de l’anesthésie ont été tels que la pratique de l’anesthésie locorégionale a révolutionné la prise en charge des patients opérés des membres et plus particulièrement de la main. Cette procédure écho-guidée permet de distiller un anesthésique local directement au contact des nerfs périphériques en contrôlant l’absence d’injection intranerveuse et intravasculaire (Figure 25.1). L’anesthésie peut au besoin être sélective en fonction de la localisation de la lésion à traiter ou globale en cas de reconstruction nécessaire. Ses avantages sont nombreux, au premier rang desquels le confort du patient. Cette anesthésie rend l’intervention plus confortable en permettant une tolérance accrue des garrots nécessaires à la chirurgie des extrémités. Elle permet également une meilleure analgésie postopératoire par le prolongement de son effet sur plusieurs heures. Enfin, en dehors des exigences d’une reconstruction complexe microchirurgicale, elle permet d’éviter les risques inhérents à la pratique d’une anesthésie générale qui ne compte que quelques rares indications en chirurgie de la main et du pied.
Pathologies Rencontrées
La pathologie dermatologique rencontrée au niveau de la main est très variée. On oppose généralement la face dorsale de la main à la paume de la main, car elles ne sont pas le siège de la même pathologie tumorale. Les tumeurs rencontrées au niveau de la face dorsale sont comparables à celles que l’on rencontre en dermatologie du visage. La face dorsale de la main ou face sociale est une partie du corps très exposée à l’environnement tant aux rayonnements ultraviolets qu’aux produits toxiques professionnels. On y rencontre donc toute la pathologie carcinologique habituellement rencontrée en dermatologie : les carcinomes baso- et spinocellulaires occupent le premier rang, les lésions pigmentées plus rares sont préférentiellement situées au niveau unguéal ou périunguéal (cf. Chapitre 26) et toutes les lésions précancéreuses sont extrêmement fréquentes. Le kératoacanthome est également très représenté. Il faut bien reconnaître les lésions bénignes fréquentes telles que le pseudo-kyste mucoïde ou encore les kystes synoviaux (Figure 25.2).
Au niveau de la paume de main, les choses sont différentes. On y retrouve plus facilement des lésions en rapport avec les Papillomavirus, au stade bénin de verrue vulgaire ou au stade de carcinomes verruqueux. Une pathologie également rencontrée est celle des carcinomes épidermoïdes ; les carcinomes basocellulaires sont rares voire exceptionnels. Les autres lésions peuvent se rencontrer mais ces trois dernières entités nosologiques dominent le tableau d’étiologies.
Là encore, il faut savoir reconnaître les pathologies bénignes type maladie de Dupuytren (Figure 25.3), véritable fibromatose ou encore pathologie sous-cutanée kystique fistulisée ou non. Il est également fréquent de rencontrer des pathologies vasculaires, le plus souvent de la localisation pulpaire. En cas de doute diagnostique devant une tumeur sous-cutanée, l’échographie est facilement demandée. Il est en revanche indispensable d’adresser une ordonnance détaillée de la pathologie recherchée et d’adresser le patient vers un centre de radiologie correctement équipé avec des radiologues rompus à la pratique de l’échographie au niveau de la main et du pied.
Main [ 1–4 ]
Particularités Anatomiques
Dos de la mainLa laxité cutanée au niveau de la face dorsale est bonne, mais il ne faut pas se tromper et confondre cette laxité cutanée comme un excès cutané. Il s’agit en fait d’une réserve cutanée qui permet l’enroulement des doigts et la fermeture de la main. Une astuce pour apprécier justement cette réserve cutanée avant de réaliser une greffe ou une suture directe est l’évaluation de la dimension de cette dernière en position de poing fermé et non de main ouverte. Les zones fonctionnelles de la face dorsale de la main doivent impérativement être connues de tous les chirurgiens pratiquant un geste chirurgical sur cette dernière. Il est aisé de distinguer les aires soumises à des mouvements de flexion ou de contrainte.
Une mauvaise gestion de l’une de ces zones peut entraîner une limitation fonctionnelle importante avec une mobilité restreinte du doigt concerné. Pour éviter cela, le traitement d’une zone se fait le plus souvent dans son ensemble et en cas de nécessité, une zone à risques pourra être contournée afin de la laisser intacte. Une des particularités anatomiques de la face dorsale de la main réside dans le fait que les structures nobles sont directement sous la peau (Figure 25.4).
Contrairement à la paume de main qui peut compter sur l’aponévrose superficielle, en face dorsale, aucun tissu ne s’interpose pour isoler tendons, os, articulations et nerfs sensitifs. Toutes ces structures se retrouvent donc directement exposées après une chirurgie aussi bénigne soit-elle.Paume de la mainLa laxité cutanée de la face palmaire de la main est mauvaise. La peau y est adhérente et épaisse. La paume de la main est l’organe fonctionnel par excellence, la préhension et la sensibilité en sont les deux principales caractéristiques. En effet, c’est avec la paume de la main et la pulpe des doigts que l’on prend et que la main échange avec son environnement.
Il est habituel de dire qu’une cicatrice située au niveau pulpaire ou au niveau de la paume de la main entraînera le plus souvent une gêne durable, au minimum un inconfort pouvant aller jusqu’à une intolérance significative au froid par exemple. La peau est intimement liée à l’aponévrose palmaire superficielle constituant un tissu épais sous-cutané qui, par un maillage de fibres de collagène, permet à la peau de ne pas savonner pour permettre cette fonction à la fois d’organe sensible mais aussi d’outil de préhension stable (Figure 25.5).
Il est habituel de dire qu’une cicatrice située au niveau pulpaire ou au niveau de la paume de la main entraînera le plus souvent une gêne durable, au minimum un inconfort pouvant aller jusqu’à une intolérance significative au froid par exemple. La peau est intimement liée à l’aponévrose palmaire superficielle constituant un tissu épais sous-cutané qui, par un maillage de fibres de collagène, permet à la peau de ne pas savonner pour permettre cette fonction à la fois d’organe sensible mais aussi d’outil de préhension stable (Figure 25.5).
Particularités Fonctionnelles
L’enjeu fonctionnel de la chirurgie de la main est une évidence. La fonction de la main est définie comme nous l’avons dit plus haut par sa sensibilité, sa capacité de préhension, son ouverture complète et son enroulement au niveau des chaînes digitales. En outre, la force, l’absence de douleurs et son rôle esthétique sont également des objectifs prépondérants. Ces fonctions indispensables peuvent rapidement être mises à mal par une intervention inappropriée ou des suites opératoires difficiles. Sur la face dorsale de la main, les zones de réserve cutanée sont épargnées ou traitées dans leur globalité, et une réflexion sur l’aspect esthétique final est toujours anticipée afin d’éviter une disgrâce cicatricielle sur cette face sociale de la main. Il est également judicieux d’éviter tout décollement et toute atteinte au système tendineux extenseur ou son ambiance vasculaire périphérique lorsque cela est possible, afin d’éviter toute adhérence tendineuse ultérieure dans les suites. Au niveau de la face palmaire, les structures nobles à respecter sont plus profondes, les incisions évitent les trajets nerveux afin de prévenir le risque d’hyperesthésie cicatricielle. Enfin, dans tous les cas la règle des incisions en ligne brisée est valable ainsi qu’un contournement des plis de flexion pour éviter une bride cicatricielle limitant cette fois-ci l’ouverture des doigts.Vous venez de lire les premières pages du chapitre 23 sur la main et le pied de l’ouvrage Chirurgie Dermatologique S’ouvre dans une nouvelle fenêtre (2e édition) de J.-P. Amici© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Références
[1] e Mrle M ,Dautel G .e 2 éd . La main traumatique : l’urgence . Tome 1 . Paris : Masson ; 1992 . p. 366 . [2] Pelissier P. Enseignement en chirurgie de la main. En ligne : https://www.e-plastic.fr . [3] Revol M , Binder J P , Danino A . Manuel de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique . 2 e éd . Montpellier : Sauramps médical ; 2012 . p. 882 . [4] Wolf S W , Pederson W C . Green’s operative hand surgery . 6th ed . Churchill livingstone ; 2010 . p. 2392
Auteurs
B. SOMMIER, praticien attaché, CHU de Bordeaux, centre François-Xavier-Michelet ; Institut aquitain de la main, Pessac. E. SAWAYA, praticien attaché, CHU de Bordeaux, centre François-Xavier-Michelet ; Institut aquitain de la main, Pessac. P. PELISSIER, professeur des universités–praticien hospitalier, chef de service, CHU de Bordeaux, Centre François-Xavier-Michelet.