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Cervelet – Ataxies cérébelleuses dans l'Abrégé de neurologie

18 avril 2024

Cambier

14e édition

L’ouvrage a été(...) restructuré, avec la mise à jour de tous les chapitres et la création de nouveaux chapitres, notamment : « Mouvements anormaux » ; « Ataxies cérébelleuses » ; « Émotions, motivation, comportement et cognition ». (...) Une navigation à l’écoute des vents portants, tout en maintenant le cap, est probablement une explication de la longévité de l’Abrégé de neurologie. La passion des neurologues pour leur spécialité, qui fait que leur appétence pour la formation continue a largement anticipé les textes réglementaires, a consolidé sa réputation. L’accueil qu’il a reçu auprès des étudiants a fait le reste. Conçu à leur intention, l’Abrégé a démystifié une sémiologie et une pathologie réputées difficiles. La satisfaction des auteurs est de constater que bon nombre de praticiens l’ont gardé comme référence.

extrait de l'avant-propos des auteurs Jean Cambier, Maurice Masson et Catherine Masson

Table des matières

1. Somesthésie et nociception - 2. Motricité : de l'unité motrice au mouvement propositionnel - 3. Cervelet. Ataxies cérébelleuses - 4. Mouvements anormaux - 5. Nerfs crâniens - olfactions (I) ; vision : nerf optique (II) et nerfs oculomoteurs (III, IV, VI) ; audition et équilibre (VIII) - 6. Nerfs crâniens - Face (V et VII) ; bouche, pharynx, larynx (IX, X et XII) ; cou (IX) - 7. Fonctions végétatives. Dysautonomies - 8. Coma et confusion mentale aiguë - 9. Troubles du cycle veille-sommeil - 10. Emotion, motivation, comportement et cognition - 11. Epilepsie - 12. Céphalées - 13. Neuropathies périphériques I : neuropathies focales et multifocales - 14. Neuropathies périphériques II : polyneuropathies - 15. Le canal rachidien et son contenu - 16. Maladies inflammatoires primitives du système nerveux central - 17. Maladies dégénératives du motoneurone central et/ou périphérique - 18. Syndromes parkinsoniens - 19. Pathologie vasculaire cérébrale - Ischémie d'origine artérielle - 20. Pathologie vasculaire cérébrale- Accidents hémorragiques - Thromboses veineuses cérébrales - 21. La boîte crânienne et son contenu - Liquide céphalorachidien - Hydrocéphalie - Hyper- et hypotension intracrâniennes - Engagements cérébraux - 22. Tumeurs intracrâniennes - 23. Infections du système nerveux - 24. Démences neurodégénératives - 25. Traumatismes craniocérébraux - 26. Maladies neurologiques dues à une erreur innée du métabolisme - 27. Maladies du muscle - 28. Maladie de la jonction neuromusculaire - 29. Troubles neurodéveloppementaux - Index.

Découvrez le chapitre 3 de l'ouvrage Neurologie.(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Cervelet — Ataxies cérébelleuses

Placé en dérivation sur le tronc cérébral auquel il est connecté par les pédoncules cérébelleux supérieurs, moyens et inférieurs, le cervelet (« petit cerveau ») exerce une fonction de coordination essentiellement dans le domaine de la motricité, mais on lui reconnaît aussi un rôle cognitif.

Systématisation

Cortex cérébelleux

Il est remarquablement uniforme, ayant partout la même épaisseur (figure 3.1). Il comprend :

  • la couche moléculaire, la plus externe qui contient les dendrites des cellules de purkinje, les fibres grimpantes, les fibres parallèles et des interneurones ;

  • la couche des cellules de Purkinje (≈ 15 millions). Elles sont remarquables par leur arbre dendritique particulièrement fourni permettant de nombreux contacts avec les fibres parallèles. Les axones des cellules de Purkinje projettent sur les noyaux cérébelleux (noyaux fastigiaux, noyaux interposés, noyaux emboliformes) situés dans la substance blanche du cervelet sur lesquels ils ont une action inhibitrice ;

  • la couche des cellules granulaires (grains), ≈ 50 millions dont sont issues les fibres parallèles qui relaient l’information vers les cellules de Purkinje ;

  • des interneurones : cellules en corbeille, cellules étoilées.

Figure 3.1. Le cortex cérébelleux. Source : Textbook of Medical Physiology, 9788131265994, Pal GK, Elsevier Masson SAS, 2022.

Connexions cérébelleuses

Les efférences sont les axones des cellules de Purkinje. Ils projettent sur les noyaux du cervelet d’où partent les efférences cérébelleuses. Les afférences comprennent les fibres moussues et les fibres grimpantes qui parviennent au cervelet par les pédoncules cérébelleux (figure 3.2) :

  • les fibres moussues. Ce sont les plus nombreuses (≈ 25 millions). Par l’intermédiaire des neurones de la couche des grains et des fibres parallèles qui en proviennent, ces fibres entrent en relation avec un très grand nombre de cellules de Purkinje. La voie cortico-ponto-cérébelleuse fait relais dans le pont d’où partent des fibres moussues qui croisent la ligne médiane et gagnent les cellules de Purkinje du néocortex par le pédoncule cérébelleux moyen. Les axones de ces cellules de Purkinje projettent sur les noyaux dentelés, puis sur le thalamus controlatéral via le pédoncule cérébelleux supérieur. Des fibres thalamocorticales complètent ce circuit qui permet au cervelet de recevoir une copie du mouvement programmé au niveau du cortex et de l’adapter à l’environnement ;

  • les fibres grimpantes. Elles proviennent toutes de l’olive bulbaire constituant la voie olivo-cérébelleuse. Chaque fibre grimpante entre en contact avec plusieurs cellules de Purkinje, mais chaque cellule de Purkinje a des contacts synaptiques avec une seule fibre grimpante. Les projections des fibres grimpantes se font sur les cellules de Purkinje et les noyaux dentelés qui en retour modulent l’activité de la voie cortico-ponto-cérébelleuse. Les fibres grimpantes pourraient ainsi corriger des erreurs survenant lors de l’exécution du mouvement préprogrammé dont le cervelet a reçu une copie par la voie cortico-ponto-cérébelleuse, pouvant ainsi contribuer à un apprentissage moteur.

Les pédoncules cérébelleux

Figure 3.2. Les pédoncules cérébelleux Source : Neurologie, 9782294714511, Cambier J, Masson M, Masson C, et al., Elsevier Masson SAS, 2012.

Divisions fonctionnelles du cervelet

En fonction de l’origine de leurs afférences, on distingue trois divisions anatomo-fonctionnelles (figure 3.3) :

  • le lobe flocculo-nodulaire (archéocervelet), avec le nodulus médian et les flocculus latéraux, est situé à la partie antéro-inférieure du cervelet. Ses afférences proviennent des canaux semi-circulaires et des otolithes par les pédoncules cérébelleux inférieurs, soit directement, soit après un relais dans les noyaux vestibulaires (vestibulo-cerebellum). Il existe aussi des afférences visuelles provenant du colliculus supérieur. Les efférences, par l’intermédiaire du noyau vestibulaire latéral, exercent un contrôle sur les muscles axiaux intervenant dans l’équilibre et ajustent par l’intermédiaire du noyau vestibulaire médial les mouvements oculaires réflexes aux déplacements de la tête ;

  • le vermis et la partie adjacente des lobes latéraux (paléocervelet) reçoivent un contingent important d’informations somesthésiques d’origine spinale (spino-cerebellum), provenant des fuseaux neuromusculaires, de récepteurs articulaires et cutanés. Ces informations parviennent au cervelet par le pédoncule cérébelleux inférieur et accessoirement le pédoncule cérébelleux supérieur. Elles permettent d’adapter les positions du corps en fonction notamment des nécessités de la station et de la marche. La colonne de Clarke, localisée dans la partie dorsolatérale de la moelle de T1 à L2, appartient au réseau engendrant l’activité rythmique de la locomotion ;

  • la partie latérale des hémisphères cérébelleux (néocervelet, cerebro-cerebellum), particulièrement développée chez l’homme, intervient dans l’apprentissage et la réalisation des mouvements volontaires précis.

Figure 3.3. Division fonctionnelle du cervelet. Source : Sobotta Atlas of Anatomy, 9780702067679, Paulsen F, Waschke J, Elsevier Masson SAS, 2023.

Sémiologie cérébelleuse

Ataxie cérébelleuse

Les troubles moteurs sont au premier plan du syndrome cérébelleux, réalisant une ataxie qui peut perturber la marche qui est ébrieuse, titubante, la parole qui est dysarthrique et l’exécution des mouvements volontaires en particulier pour les activités ayant nécessité un apprentissage tel que l’écriture. L’analyse de la sémiologie cérébelleuse permet de reconnaître diverses perturbations élémentaires qui sont ipsilatérales quand la lésion est unilatérale. La mise en évidence de cette sémiologie cérébelleuse peut être obscurcie par l’association fréquente à des signes moteurs extracérébelleux, pyramidaux ou extrapyramidaux.

  • Hypotonie. Conséquence d’une diminution du niveau de l’activité des fuseaux neuromusculaires, l’hypotonie se traduit par l’exagération du ballant des membres supérieurs lorsque l’on imprime des mouvements de rotation passive au tronc, par l’abolition des réflexes de posture, par la survenue d’oscillations pendulaires lors de la recherche du réflexe rotulien. On en trouve une autre manifestation dans la manœuvre de Stewart-Holmes, qui consiste à solliciter une contraction volontaire contre résistance puis à faire cesser brusquement la résistance : chez le cérébelleux, il se produit un déplacement excessif, d’autant plus ample que la résistance initiale était plus forte. De même, des impulsions imprimées aux membres supérieurs étendus entraînent du côté du syndrome cérébelleux un déplacement anormalement ample suivi d’une correction excessive.

  • Dysmétrie. Elle traduit l’incapacité de régler correctement l’intensité et la durée de l’activation musculaire en fonction du but à atteindre. Elle apparaît lors de l’exécution rapide de mouvements volontaires : dans l’épreuve du doigt sur le nez ou du talon sur le genou, le mouvement est hypo- ou hypermétrique, nécessitant des corrections successives. Les mêmes irrégularités apparaissent dans l’écriture ou lorsque l’on demande au malade de tracer les barreaux d’une échelle. La dysmétrie apparaît aussi dans les mouvements oculaires.

  • Dyschronométrie. La dyschronométrie désigne un retard de la mise en route d’une activité. Lorsque le syndrome cérébelleux est latéralisé, on la met en évidence en faisant serrer simultanément les deux mains ou en faisant porter simultanément les index sur le nez.

  • Adiadococinésie. Elle se marque par l’amplitude irrégulière des mouvements alternatifs rapides : faire les marionnettes, frapper la cuisse alternativement de la paume et du dos de la main.

  • Asynergie. Traduite par une décomposition du mouvement, l’asynergie résulte d’une anomalie dans la coordination spatiale et temporelle des diverses étapes devant s’enchaîner lors des adaptations posturales et du déroulement du mouvement. Lors de l’accroupissement, le décollement du talon ne se produit pas. Une élévation excessive du membre inférieur au-dessus du plan du lit survient quand le patient tente de passer de la position couchée à la position assise.

  • Tremblement cérébelleux. Il s’agit d’un tremblement cinétique, à prédominance proximale, perturbant le déroulement du mouvement volontaire dont la trajectoire devient discontinue en raison d’oscillations successives dont l’amplitude va en croissant à l’approche du but (tremblement intentionnel). Il peut être associé à un tremblement postural responsable d’oscillations de la tête et du tronc.

  • Dysarthrie cérébelleuse. Elle traduit aussi la difficulté qu’il y a à doser correctement l’intensité et la durée des séquences motrices. Elle peut rendre le discours difficilement intelligible du fait d’irrégularités dans la force et la durée d’émission des syllabes successives, donnant à la parole un caractère scandé.

  • L’ataxie cérébelleuse est la résultante de ces diverses perturbations élémentaires. Elle apparaît plus particulièrement dans l’exécution de mouvements usuels préprogrammés ayant nécessité un apprentissage (écriture, tâches manuelles diverses).

Syndromes cérébelleux

Il est possible de distinguer schématiquement :

  • un syndrome flocculo-nodulaire, dominé par une sémiologie de type vestibulaire ;

  • un syndrome vermien, dominé par des troubles de la statique et de la marche. La station debout est instable, nécessite un élargissement du polygone de sustentation. Dans l’épreuve de Romberg (pieds joints), l’instabilité s’accroît, mais elle n’est pas aggravée par l’occlusion des yeux. L’équilibre antéro-postérieur est imparfaitement maintenu, ce qui se traduit au niveau des jambiers antérieurs par une danse des tendons. Si on exerce une poussée antéro-postérieure ou latérale, les réponses toniques ne se produisent pas à temps, si bien que, même pour une poussée faible, la réaction est un pas en arrière ou de côté. La démarche cérébelleuse est ébrieuse, festonnante, chaque pas entraînant une déviation latéralisée excessive. Les pas sont inégaux et irréguliers dans leur succession et leur amplitude. Chez l’enfant, un mutisme peut être observé après exérèse d’une tumeur vermienne ;

  • un syndrome hémisphérique, dominé par l’ataxie des membres. Le tremblement cérébelleux est observé dans les lésions intéressant le noyau dentelé du cervelet et ses efférences passant par le pédoncule cérébelleux supérieur vers le noyau rouge. Les connexions de cette partie du cervelet (néocérébellum) avec le lobe préfrontal rendent compte des troubles cognitifs observés dans certaines lésions du cervelet : troubles dysexécutifs et troubles du contrôle émotionnel.

Causes des ataxies cérébelleuses

Les causes des ataxies cérébelleuses sont très diverses. On distingue les causes acquises et les ataxies dégénératives. Ces dernières ont en commun leur évolution très lentement progressive, sur des années ; parfois sporadiques, elles sont le plus souvent héréditaires, leur transmission pouvant être autosomique récessive, autosomique dominante, liée au sexe ou mitochondriale.

Ataxies cérébelleuses acquises

Les ataxies cérébelleuses acquises ont des causes multiples : vasculaires, infectieuses, inflammatoires (sclérose en plaques, encéphalomyélite aiguë disséminée), tumorales (tumeurs de la fosse postérieure), carentielles (encéphalopathie de Gayet-Wernicke), toxiques, médicamenteuses Ces causes seront traitées dans des chapitres ultérieurs. Seuls seront envisagés ici certains aspects particuliers.

L’alcool

Le cervelet est une cible privilégiée pour l’alcool. L’ataxie cérébelleuse est l’une des manifestations de l’intoxication alcoolique aiguë. Un syndrome cérébelleux statique en relation avec une atrophie vermienne peut être la conséquence d’un alcoolisme chronique, survenant progressivement ou au décours d’un épisode d’encéphalopathie de Wernicke.

Ataxies cérébelleuses acquises auto-immunes

  • Dégénération cérébelleuse paranéoplasique. D’évolution subaiguë, elle résulte de la destruction des cellules de Purkinje. L’ataxie peut être isolée ou associée à des signes de rhombencéphalite, notamment à un syndrome opsoclonies-myoclonies. De nombreux anticorps peuvent être en cause, les plus fréquents étant les anticorps anti-Yo et anti-Ri (cancer du sein et cancers gynécologiques) et l’anticorps anti-Hu (cancer bronchique à petites cellules). Un anticorps anti-mGluR1 est trouvé dans les rares cas d’ataxie cérébelleuse observés dans la maladie de Hodgkin.

  • Ataxie liée au gluten. Elle fait partie des nombreuses manifestations extra- intestinales à médiation immunologique attribuées à la sensibilité au gluten. Ce diagnostic est évoqué sur l’existence d’une maladie cœliaque et, en son absence, sur la présence d’anticorps antigliadine et antitransglutaminase tissulaire et sur l’association à une neuropathie périphérique. La fréquence de cette cause d’ataxie est discutée.

  • Ataxie liée à des anticorps anti-GAD65. Plus fréquente chez les femmes, elle peut être associée à un diabète de type 1, à un syndrome de la personne raide ou à de l’épilepsie. Son évolution est parfois lentement progressive, ressemblant à celle d’une ataxie dégénérative.

Hémosidérose superficielle du système nerveux central

Un syndrome cérébelleux très progressif est une présentation fréquente de cette affection qui résulte de l’accumulation de sang à bas bruit dans la fosse postérieure entre les lamelles cérébelleuses (voir chapitre 20).

Ataxies cérébelleuses dégénératives sporadiques

  • Atrophie corticale tardive de Pierre Marie, Foix, Alajouanine. Cette affection, redécouverte dans la littérature anglo-saxonne sous l’acronyme SAOA (Sporadic Adult-Onset Ataxia of Unknown Etiology), survient habituellement après 40 ans. L’atrophie touche surtout le cortex cérébelleux du vermis antérosupérieur et de la partie adjacente des lobes latéraux. La seule lésion habituellement associée porte sur la partie postéro-interne de l’olive bulbaire qui projette sur la partie antéro-supérieure du cervelet. Le syndrome cérébelleux prédomine aux membres inférieurs, perturbant la statique et la marche. Les troubles de la coordination des membres supérieurs et la dysarthrie apparaissent plus tardivement et peuvent rester discrets.

  • Atrophie multisystématisée. C’est une α-synucléopathie dont le marqueur histologique est la présence d’inclusions d’α-synucléine dans le cytoplasme des oligodendrocytes (voir chapitre 7). Dans la forme C (cervelet) qui représente environ 20 % des cas de dégénérescence multisystématisée (80 % pour la forme P [Parkinson]), la dysautonomie est associée à une ataxie cérébelleuse dont le support lésionnel est l’atrophie olivo-ponto-cérébelleuse caractérisée par une atrophie très intense du pied de la protubérance avec disparition des neurones des noyaux du pont et dégénérescence des fibres transverses qui en partent et qui vont former les pédoncules cérébelleux moyens. L’atrophie des olives bulbaires est également très marquée avec dégénérescence des fibres olivo-cérébelleuses. L’atteinte du cortex cérébelleux, le plus souvent modérée, apparaît comme étant la conséquence de la dégénérescence des fibres afférentes. L’IRM (imagerie par résonance magnétique) montre une atrophie sévère du pont avec à ce niveau un hypersignal cruciforme en T2 lié à l’atrophie des fibres ponto-cérébelleuses transverses contrastant avec la conservation des fibres corticospinales. Le syndrome cérébelleux, même s’il est au premier plan, coexiste souvent avec des signes pyramidaux et un syndrome parkinsonien qui tend à effacer les signes cérébelleux. Le syndrome dysautonomique peut précéder l’apparition des signes neurologiques.

Ataxies cérébelleuses dégénératives héréditaires

Leur transmission peut être autosomique dominante, autosomique récessive, liée à l’X ou mitochondriale.

Ataxies autosomiques récessives

Maladie de Friedreich

Son incidence est de 2 à 4 pour 100 000. Les lésions portent sur les afférences radiculocordonales postérieures se prolongeant dans les cordons postérieurs, le faisceau spinocérébelleux dorsal, la voie pyramidale et, dans le cervelet, le noyau dentelé. La littérature mentionne des formes associées à une amyotrophie de type Charcot-Marie, à une atrophie optique et à une dégénérescence rétinienne. La maladie débute en règle avant 25 ans. L’ataxie est à la fois cérébelleuse et proprioceptive, perturbant la marche, la station, la coordination des mouvements des membres, la parole ; elle est associée à une aréflexie tendineuse, un déficit pyramidal, un signe de Babinski bilatéral, un déficit sensitif proprioceptif. Des troubles oculomoteurs sont fréquents : poursuite saccadée, dysmétrie des saccades, nystagmus du regard (n’apparaissant que dans le regard latéral). L’IRM objective une atrophie de la moelle, l’atrophie du cervelet reste discrète, intéressant notamment le noyau dentelé. L’association à une cardiopathie est fréquente, aggravant considérablement le pronostic vital. On peut aussi observer l’association à un diabète. Le gène en cause code une protéine mitochondriale, la frataxine. L’anomalie est une expansion d’un trinucléotide GAA (normalement jusqu’à 40 répétitions) avec pour conséquence une diminution de la transcription du gène et une production faible de frataxine. Les patients sont en règle générale homozygotes pour l’expansion, le nombre de répétitions pouvant être différent sur les deux allèles, avec une corrélation inverse entre la dimension de l’expansion la plus courte et l’âge de début et la progression de la maladie. Dans quelques cas, l’expansion du trinucléotide ne porte que sur un allèle, l’autre étant le siège d’une mutation ponctuelle ou rarement d’une délétion. Il est à noter que le diagnostic génétique conduit à remettre en cause certains des critères diagnostiques qui avaient été établis tels que l’âge du début avant 25 ans et l’aréflexie. Le diagnostic différentiel doit envisager une affection pouvant réaliser un phénotype proche de celui de la maladie de Friedreich : l’AVED (Ataxia with Isolated Vitamin E Deficiency) qui est due à des mutations dans le gène a-TTP codant la protéine de transfert de l’α-tocophérol. Le diagnostic repose sur le taux sérique très faible de la vitamine E en l’absence de malabsorption. Une amélioration peut être obtenue par la supplémentation en vitamine E.

Ataxie spastique de Charlevoix-Saguenay

Cette maladie décrite initialement au Québec diffère de la maladie de Friedreich par l’association à l’ataxie d’une spasticité. Elle débute chez le jeune enfant, mais l’évolution est lente, longtemps compatible avec la conservation de l’autonomie. Elle est due à des mutations dans le gène SACS codant pour la sacsine.

Ataxie-télangiectasie

C’est la plus fréquente des ataxies cérébelleuses autosomiques récessives après l’ataxie de Friedreich avec une prévalence de 1 à 2 pour 100 000. Elle débute chez le jeune enfant, caractérisée par l’association d’une ataxie cérébelleuse progressive, de télangiectasies cutanéo-muqueuses et d’un déficit immunitaire. Le gène en cause, situé sur le chromosome 11, est impliqué dans la réparation de l’ADN. Les signes cérébelleux sont les plus précoces. D’autres manifestations neurologiques sont souvent présentes : mouvements athétosiques parfois au premier plan, troubles de la motilité oculaire (« apraxie oculomotrice ») avec lenteur des mouvements de latéralité et de verticalité, phénomène de contraversion oculaire, les yeux se déplaçant en sens inverse des rotations de la tête (absence d’inhibition du réflexe oculo-céphalique). Les télangiectasies apparaissent secondairement, parfois seulement après plusieurs années. Elles siègent avant tout au niveau des conjonctives, mais peuvent aussi intéresser les téguments des oreilles, du thorax, des membres, la muqueuse du palais. Les lésions du système nerveux sont dominées par une atrophie du cortex cérébelleux, avec une raréfaction importante des cellules de Purkinje. Par ailleurs, il existe souvent une aplasie du thymus et une réduction du nombre des follicules lymphoïdes des ganglions lymphatiques. Chez un grand nombre de ces malades, des manifestations systémiques sont observées, notamment des infections respiratoires récidivantes, sous la dépendance de perturbations immunologiques : déficit de l’immunité cellulaire et de l’immunité humorale, habituellement sous la forme d’une diminution isolée des IgA. Une élévation importante du taux d’alpha-foetoprotéine est notée dans 80 % des cas. Le pronostic de l’ataxie-télangiectasie est grave. Outre l’impotence fonctionnelle résultant de la progression du syndrome neurologique, la vie de ces malades est menacée par les complications infectieuses. Un autre élément de gravité est représenté par la fréquence des complications malignes, notamment lymphomes et leucémies.

Ataxies avec apraxie oculomotrice

L’apraxie oculomotrice, décrite initialement par Cogan, est une anomalie congénitale caractérisée par une difficulté à produire volontairement des saccades horizontales dont les latences sont très allongées. Pour déplacer latéralement le regard, le sujet doit tourner rapidement la tête et inhiber le réflexe oculo-céphalique en fermant les yeux. Les ataxies avec apraxie oculomotrice sont des affections autosomales récessives dont il existe deux types :

  • l’ataxie avec apraxie oculomotrice type 1 comporte une hypoalbuminémie et une hypercholestérolémie. Elle est due à des mutations dans le gène ATPX codant pour l’aprataxine impliquée dans la réparation de l’ADN ;

  • l’ataxie avec apraxie oculomotrice type 2 est due à des mutations dans le gène SETX codant la sénataxine. Le phénotype est proche de celui de la maladie de Friedreich. Il existe une élévation du taux de l’alpha-foetoprotéine. Des mutations dominantes dans le même gène ont été trouvées dans des cas de sclérose latérale amyotrophique juvénile.

Ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes

  • Ces ataxies désignées sous le nom de SCA (Spinocerebellar Ataxia) débutent habituellement chez l’adulte, l’âge moyen se situant entre 30 et 40 ans. Leur phénotype est variable dans la mesure où l’ataxie peut être pure ou associée à des manifestations extracérébelleuses. La classification clinique de Harding distingue :

    • le type 1 : l’ataxie est associée à des signes neurologiques extracérébelleux, notamment pyramidaux et extrapyramidaux, tremblement, myoclonies, anomalies oculomotrices (lenteur des saccades : viscosité du regard), signes de neuropathie périphérique ;

    • le type 2 : l’ataxie est associée à une dégénérescence pigmentaire de la rétine ;

    • le type 3 : l’ataxie cérébelleuse est pure.

  • Plus de 40 types génétiques sont actuellement décrits, correspondant à des gènes identifiés ou à des loci de gènes non identifiés. Dans cette classification génétique, SCA est suivi d’un numéro. Plusieurs catégories peuvent être distinguées :

    • la catégorie numériquement la plus importante correspond aux cas dans lesquels l’expansion de la répétition d’une séquence de nucléotides, le plus souvent un triplet CAG, dans la région codante du gène, provoque la production d’une protéine contenant des chaînes étendues de polyglutamime (CAG/polyQ ataxias) avec pour conséquence un mauvais repliement de la protéine codée et un effet toxique sur les neurones. Les SCA dues à l’expansion d’une chaîne de trinucléotides présentent souvent le phénomène de l’anticipation marqué par un début plus précoce dans les générations successives en relation avec l’augmentation du nombre des répétitions ;

    • les mutations peuvent aussi porter sur des gènes codant pour des protéines diverses telles que βIII spectrine (SCA5), tau-tubuline kinase 2 (SCA11), protéine kinase Cγ (SCA14), ITPR1 (inositol 1,4,5-triphosphate récepteur type 1, SCA15) ou pour des sous-unités de canaux ioniques : des mutations dans le gène KCNC3 codant pour le canal potassium voltage-dépendant Kv3.3 exprimé principalement dans les neurones de Purkinje sont en cause dans SCA13 ;

    • quelques éléments permettent parfois d’orienter vers la mutation en cause : ataxie cérébelleuse pure pour SCA5, 6, 11, 23, 26, 30, 37, 41, 45 ; dégénérescence rétinienne pour SCA7 ; dystonie et ophtalmoplégie pour SCA3 ou maladie de Machado-Joseph décrite initialement dans des familles originaires des Açores, mais qui est en fait l’une des plus fréquentes des dégénérescences spinocérébelleuses. L’expansion d’un triplet CAG est aussi en cause dans l’atrophie dentato-rubro-pallido-luysienne, observée notamment chez les Japonais, qui associe de façon variable myoclonies, épilepsie, ataxie cérébelleuse, choréo-athétose et détérioration intellectuelle.

Ataxies cérébelleuses épisodiques

Les ataxies cérébelleuses épisodiques sont des affections héréditaires autosomiques dominantes pouvant évoluer ou non vers une atrophie cérébelleuse. Sept types ont été décrits, les plus fréquents étant EA-1 et EA-2 qui débutent habituellement dans l’enfance ou l’adolescence.

  • EA-1 résulte de mutations dans le gène KCNA1 codant pour la sous-unité α du canal potassium Kv1.1. L’affection se caractérise par des épisodes brefs (1 à 2 min) d’incoordination et de dysarthrie. Entre les accès persiste habituellement de la neuromyotonie. L’association à des crises d’épilepsie est possible. En raison de la brièveté des symptômes, un traitement est rarement nécessaire, d’autant plus que les patients identifient souvent des facteurs déclenchants et apprennent à les éviter. L’acétazolamide peut diminuer la fréquence des accès.

  • EA-2 résulte de mutations dans le gène CACNA1A codant la sous-unité α 1 du canal calcium voltage-dépendant Cav2. Le même allèle est en cause dans SCA6 et dans la migraine hémiplégique familiale. Elle est caractérisée par des épisodes comportant une ataxie, une dysarthrie, des vertiges, un nystagmus. Les épisodes déclenchés par le stress, la fatigue, le café ou l’alcool durent de quelques heures à quelques jours. Entre les accès, il peut exister un nystagmus, notamment battant vers le bas, et l’IRM montre parfois une atrophie vermienne. Des migraines sont associées dans 50 % des cas. L’affection est habituellement sensible à l’acétazolamide.

Ataxie cérébelleuse liée à l’X : FXTAS (Fragile X-Associated Tremor/Ataxia Syndrome)

L’expansion de la répétition d’un triplet CGG sur le gène FMR1 (Fragile X Mental Retardation 1) a une expression phénotypique variable :

  • dans la mutation dite complète (plus de 200 répétitions CGG), le gène muté n’est pas transcrit, avec pour conséquence un trouble neurodéveloppemental (voir chapitre 26) ;

  • dans la mutation dite incomplète (prémutation : entre 50 à 200 répétitions CGG), le gène muté est transcrit, mais l’efficience translationnelle du mRNA est faible. Il y a une surproduction du mRNA qui séquestre des protéines qui normalement jouent un rôle dans la régulation, notamment l’épissage, d’autres RNA. Ce mRNA est trouvé sous la forme d’inclusions éosinophiles dans le noyau des neurones et des astrocytes. Cette prémutation est responsable chez l’homme de plus de 50 ans d’un syndrome neurodégénératif, le FXTAS (Fragile X-Associated Tremor/Ataxia Syndrome), qui se traduit par un tremblement d’action auquel s’ajoutent ensuite une ataxie, des troubles cognitifs et parfois une neuropathie périphérique. L’imagerie montre une atrophie cérébrale et cérébelleuse et des hypersignaux de la substance blanche intéressant notamment les pédoncules cérébelleux moyens. Des hyperintensités peuvent aussi être observées dans la substance blanche du splénium du corps calleux, de l’insula et du pont. Chez la femme, les manifestations neurologiques sont plus discrètes. La prémutation peut se traduire par une insuffisance ovarienne primitive et un syndrome dysexécutif.

Neurologie © 2024 Elsevier Masson SAS. Tous les droits sont réservés, y compris ceux relatifs à l’exploration de textes et de données, à la formation en intelligence artificielle et aux technologies similaires.

Neurologie Jean Cambier, Maurice Masson, Catherine Masson, Henri Dehen ISBN 9782294783180 14e édition, 2024