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TCA : Clinique

France | 15 août 2023

Par Anne-Claire N. | 11 10 2021

TCA - Clinique

TCA - Clinique

Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Manuel de psychiatrie(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

TCA : Clinique

Christine Foulon

Les TCA sont définis comme des perturbations importantes et durables de la prise alimentaire, le plus souvent en association avec d'autres comportements pathologiques. Les limites entre comportement normal et pathologique se font, en tenant compte du relativisme culturel, sur le degré de perturbation des conduites, leurs conséquences sur le plan somatique, l'altération de l'état psychologique, l'altération des relations sociales. Il existe donc des formes mineures, majeures ou intermédiaires de ces troubles. Les causes des désordres du comportement alimentaire sont encore largement méconnues [14,15]. Différents facteurs seraient impliqués. L'anorexie est vue par les cliniciens comme «une des plus frustrantes et des plus récalcitrantes formes de psychopathologie » [2,4,11] qui, de surcroît, engage le pronostic vital.

Manuel de psychiatriea

Manuel de psychiatriea

Anorexie mentale

Historique et critères diagnostiques (DSM-5)

La véritable individualisation de l'anorexie mentale telle que nous la connaissons aujourd'hui a été faite par deux auteurs à la fin du xixe siècle : un Français, E.C. Lasègue en 1873 et un Anglais, W. Gull en 1874 qui décrivent chez des jeunes filles ou jeunes femmes un refus volontaire de s'alimenter avec amaigrissement et aménorrhée, même si des descriptions plus anciennes font penser que ces troubles existent depuis plus longtemps. Dans les dernières décennies, les descriptions cliniques se sont affinées mais les symptômes principaux sont toujours : l'amaigrissement, les restrictions alimentaires, les troubles de la perception corporelle, l'hyperactivité physique et la non-reconnaissance du trouble. À la suite des travaux de C. Huchard en 1883, le terme d'anorexie mentale s'impose en France, et celui d'anorexia nervosa dans les pays anglo-saxons. Les critères de diagnostic les plus utilisés pour l'anorexie mentale sont ceux du DSM-5 (dans le chapitre intitulé «Troubles des conduites alimentaires et de l'ingestion d'aliments », encadré 20.1) mais l'expression clinique de ces troubles dépasse ce cadre critériologique [1]. À noter que le critère d'aménorrhée a été supprimé pour l'anorexie mentale dans le DSM-5 [1].

Tableau clinique

Troubles restrictifs

L'anorexie mentale est un trouble multifactoriel caractérisé par une gravité potentielle avec risque de décès et de complications somatiques et psychiques. Son repérage mérite d'être précoce et ciblé sur des populations à risque (adolescentes, sportifs, mannequins, danseurs, etc.). Ce trouble touche essentiellement les jeunes filles, plus rarement les garçons. Il débute habituellement à la période de l'adolescence, entre 12 et 18 ans, au moment où apparaissent les transformations corporelles de la puberté. Il existe des formes prépubertaires, plus rares mais très sévères quant à leur retentissement sur la croissance. Le mode d'entrée dans la maladie peut se faire sous la forme de régime, de restriction, de perte d'appétit ou de grignotages entraînant un léger surpoids. Il y a un continuum entre les formes restrictives et boulimiques des TCA. On assiste à la survenue progressive de restrictions alimentaires quantitatives et qualitatives; il s'agit de restrictions sélectives. Les évitements portent souvent dans un premier temps sur les aliments gras [5] et sucrés, puis sur les viandes, les féculents. L'alimentation se réduit considérablement, les quantités ingérées sont de plus en plus faibles et il ne reste que les fruits, les légumes sans assaisonnement et les laitages [12,13]. D'autres anomalies du comportement peuvent être observées : tris alimentaires, réduction de la taille des bouchées, manipulation et découpage de la nourriture, lenteur excessive des repas, voire d'autres « rituels » alimentaires. Les patients peuvent se peser plusieurs fois par jour. La perte de poids confère une réassurance, la prise de poids est vue comme une défaillance qui entraîne une culpabilité et des mesures autopunitives (exposition au froid, augmentation de l'exercice physique). Plus le trouble progresse, plus les règles que les patients s'imposent deviennent inflexibles. Un végétarisme ou un véganisme peut être déclaré pour justifier une substitution progressive par des aliments moins énergétiques. La conséquence directe de ces comportements de restriction est un amaigrissement qui peut parfois être très important et entraîner un état de dénutrition très grave. Une autre caractéristique concerne la perception corporelle de ces sujets qui se voient gros alors qu'ils sont trop maigres. L'aménorrhée constituait un des critères clés du diagnostic ; elle est définie par l'absence de survenue spontanée des règles, de façon primaire ou secondaire, elle peut être masquée par la prise de traitement œstroprogestatif prescrit soit à visée contraceptive, soit pour obtenir artificiellement un cycle. Ce critère a disparu dans les nouvelles classifications mais reste un signe qui marque une dénutrition importante.

Stratégies de contrôle du poids

En dehors des restrictions alimentaires, les patients adoptent des stratégies destinées à éviter la prise de poids ou à entraîner une perte de poids. La stratégie la plus fréquente est le vomissement provoqué, par des manœuvres destinées à entraîner un réflexe nauséeux. Ces vomissements provoqués peuvent devenir au bout de quelques mois quasi spontanés, déclenchés par une simple flexion du haut du corps vers l'avant. Une consommation de laxatifs ou de diurétiques (éventuellement sous forme de tisanes) est fréquente :

  • la prise chronique de laxatifs est à l'origine de troubles fonctionnels digestifs, d'hypokaliémie et de mélanose colique ;

  • la prise de diurétiques entraîne une perte de poids liée à la perte d'eau et des troubles ioniques avec insuffisance rénale fonctionnelle.

La prise de coupe-faim est moins fréquente depuis le retrait du marché des amphétamines mais le détournement de certains produits utilisés dans le traitement de l'obésité peut se rencontrer.

D'autres troubles du comportement sont fréquemment associés :

  • l'activité physique est volontiers utilisée à visée de perte de poids dès le début des troubles. En outre, ce comportement est très amplifié par la dénutrition qui déclenche des mécanismes biologiques complexes impliquant les circuits cérébraux de la récompense mais aussi des comportements liés au besoin de se réchauffer. Il peut s'agir de pratique sportive excessive, de marche ou d'autres activités physiques qui ont comme but apparent d'augmenter le catabolisme. À cela est associé un ensemble de comportements qui deviennent une manière d'être, tels que le maintien d'une posture rigide, des contractions isotoniques et la station debout de manière excessive. Il s'agit de comportements fréquemment retrouvés chez les patients anorexiques restrictifs [10];

  • le mérycisme, considéré autrefois comme une conduite survenant exclusivement chez des enfants hospitalisés, des retardés mentaux et chez certains psychotiques, surviendrait dans 20 à 30 % des troubles alimentaires restrictifs ou boulimiques. Il est considéré soit comme un comportement hédonique mais vécu de façon honteuse, soit comme une stratégie de contrôle du poids car le bol remâché finit par être craché ;

  • la potomanie ou besoin permanent d'ingérer de grandes quantités de liquide se rencontre dans certains cas de troubles alimentaires en dehors d'un diabète insipide ou d'une hyposialorrhée. Cette prise excessive de boissons non alcoolisées (eau, soda sans sucre ou tisanes), souvent décrite comme compulsive, se rencontre dans deux cadres différents, pour, selon ces patients, «purifier l'organisme », « éliminer les calories », mais aussi pour rechercher un bien-être à faire couler de l'eau à l'intérieur du corps; ce comportement, lorsque l'ingestion est supérieure à 10 L/j, peut être à l'origine d'une hyponatrémie avec risque de convulsions et de coma. Le traitement de ces potomanies rebelles est assez décevant et ne peut être dissocié de celui du trouble alimentaire.

Distorsions cognitives

Un des plus remarquables changements perceptuels dans l'anorexie mentale est la distorsion de l'image du corps. Les sujets cachectiques peuvent être persuadés qu'ils sont actuellement trop gros. Cela peut évoquer une idée délirante bien que les autres perceptions soient intactes. La plupart des patients décrivent un envahissement et des préoccupations excessives en ce qui concerne le poids et l'alimentation. Sont également mises en évidence des croyances erronées relatives au fonctionnement digestif ou aux aliments : « si je mange une cuillerée de riz, le gras va s'accumuler sur les hanches ou les fesses ». Des anomalies neuropsychologiques ont été identifiées chez les personnes anorexiques dans le domaine de la mémoire, de l'attention, de la concentration, de la flexibilité et la cohérence centrale. Ces anomalies fonctionnelles s'associent en phase de dénutrition à des anomalies de la structure cérébrale (élargissement des ventricules et atrophie frontale). Les sujets évitent certaines catégories d'aliments qu'ils jugent trop gras ou trop sucrés (aliments gras, sucrés, féculents, charcuteries), en fait trop caloriques. Les raisons invoquées pour ces évitements sont en relation directe avec le désir de perdre du poids ou de ne pas en prendre mais on retrouve aussi des croyances et des distorsions cognitives relatives aux propriétés de ces aliments. Ils sont considérés parfois comme nocifs pour l'organisme, non digestibles. Leur consistance évoque parfois le gras et les patients ont l'impression que ce gras, réel ou supposé, va tapisser la cavité buccale et pénétrer directement dans l'organisme, puis se stocker.

Aspects somatiques et nutritionnels

Les signes cliniques de dénutrition incluent une amyotrophie, un lanugo, une bradycardie, une hypothermie, une hypotension, voire des œdèmes des membres inférieurs. La mesure du statut pondéral se fait en utilisant l'indice de Quételet ou indice de masse corporelle (IMC), ou Body Mass Index, BMI = P/T2 (poids en kg divisé par la taille en m au carré). Il se situe normalement entre 20 et 25 kg/m2 chez l'adulte. Il permet d'avoir une idée de la perte de masse corporelle et, par-là, de l'état de dénutrition. Un IMC inférieur à 14 kg/m2 est déjà en soi le signe d'un mauvais état nutritionnel. Chez l'enfant et l'adolescent doivent être prises en compte les courbes de croissance staturopondérales et la courbe d'IMC. Doivent alerter toute cassure de ces courbes et un changement du couloir de croissance. D'autres signes cliniques doivent alerter sur la gravité de la dénutrition : tout d'abord l'importance et la rapidité de la dénutrition, les œdèmes des membres inférieurs, l'amyotrophie, la réapparition du lanugo, l'acrocyanose et les troubles des phanères. À ceux-ci s'associent des signes biologiques de dénutrition, à plus long terme une ostéoporose et des troubles de la fertilité.

Examens complémentaires

Le bilan à pratiquer en cas d'anorexie mentale inclut un ionogramme sanguin [6] à la recherche d'une hypokaliémie (vomissements, laxatifs, diurétiques), un dosage de la glycémie qui peut se révéler très basse le matin à jeun et être à l'origine de malaise et chute, une calcémie, une phosphorémie, le dosage de vitamine D 25OH-D3, d'urée, de créatinine, de clairance de la créatinine, un bilan hépatique (ALAT, ASAT, phosphatases alcalines et taux de prothrombine) à la recherche d'une cytolyse qui signe la gravité de la dénutrition, une CRP, une numération formule sanguine pour rechercher une anémie, une leucopénie, un dosage des protéines de la nutrition (albumine, préalbumine), un électrocardiogramme (recherche d'un QT long [risque de torsade de pointes], d'une tachycardie supraventriculaire ou ventriculaire, de pauses sinusales, d'une bradycardie jonctionnelle, d'une onde T négative au-delà de V3 et d'une modification du segment ST) , une mesure de la composition corporelle et une ostéodensitométrie (après 6 mois d'aménorrhée, puis tous les 2 ans en cas d'anomalies ou d'aménorrhée persistante) à la recherche d'une ostéoporose, complication très fréquente des états de dénutrition et qui s'observe aussi chez des patientes boulimiques.

Complications

Elles sont liées à la dénutrition et aux comportements associés (vomissements, prise de diurétiques et laxatifs, potomanie, hyperactivité physique, etc.). Les troubles digestifs sont fréquents : brûlures œsophagiennes, retard à la vidange gastrique, ballonnements, constipation, érosions dentaires, hypertrophie des glandes salivaires, etc. L'ostéopénie et l'ostéoporose s'observent quasi systématiquement. Les fractures de fatigue sont fréquentes en cas d'activité physique importante. Les retards de croissance sont fréquents chez les enfants et adolescents. Certaines complications sont plus graves tels : la dégénérescence gélatineuse de la moelle avec pancytopénie (probablement d'origine carentielle), les problèmes de fertilité, les troubles ioniques avec risque de troubles du rythme et d'arrêt cardiaque ou de convulsions en cas d'hyponatrémie.

Anorexie mentale chez l'homme

Sa fréquence est de l'ordre de 10 % des cas d'anorexie. Le tableau clinique est comparable à celui de la femme ; les hommes anorexiques recherchant un corps très musclé alors que les femmes recherchent plutôt l'absence de graisse.

Anorexie mentale prépubère

Elle survient chez des enfants avant la puberté, se rencontre avec un ratio entre garçons et filles supérieur aux cas péripubertaires, a les mêmes caractéristiques cliniques que la forme de l'adolescente (peur de grossir, hyperactivité, etc.); elle est à l'origine d'un retard staturopondéral et d'une aménorrhée primaire chez la fille responsable d'une ostéoporose plus fréquente.

Autres TCA restrictifs

Le DSM-5 identifie un nouveau diagnostic : la restriction ou évitement de l'ingestion d'aliments. Ce diagnostic concerne les enfants et il est caractérisé par une restriction des apports alimentaires telle que les sujets ne répondent pas à leurs besoins nutritionnels. Par conséquent, ils perdent du poids et leur état nutritionnel nécessite une complémentation nutritionnelle (sonde ou apports oraux). Cette situation altère le fonctionnement psychosocial. Il définit par ailleurs, parmi les troubles de l'alimentation et de l'ingestion d'aliments spécifiés, l'anorexie mentale atypique qui est caractérisée par tous les critères de l'anorexie mentale mais malgré une perte de poids significative, le poids de l'individu est dans la normale ou au-dessus. Il existe par ailleurs des formes a minima qui ne remplissent pas tous les critères de diagnostic, par exemple IMC supérieur à 17,5 kg/m2 , mais comportent des désordres alimentaires avec évitement, sélection des aliments, restrictions permanentes quantitatives et préoccupations excessives concernant le poids et les formes corporelles. On les rencontre également dans des professions qui imposent des critères de poids ou de formes corporelles (danseurs, mannequins, jockeys, etc.).

De nouvelles expressions cliniques de l'anorexie mentale?

De nouveaux comportements alimentaires sont apparus dans les pays développés : orthorexie, bigorexie, véganisme. Ces comportements ne sont pas officiellement reconnus comme des troubles ou ne sont pas classés comme des entités indépendantes. Cependant, leurs conséquences en termes de santé amènent à s'interroger.

Orthorexie

Elle est caractérisée par une obsession pathologique pour une alimentation biologiquement «pure », ce qui conduit à d'importantes restrictions. Sont exclus tous les aliments jugés « impurs » car contaminés par des herbicides, pesticides ou adjuvants artificiels [16]. Les patterns alimentaires strictement orientés vers la santé sont de potentiels facteurs de risque de l'orthorexie mentale. Les restrictions cognitives sont prédictives de l'orthorexie mentale dans un échantillon qui suit un régime sans viande.

Bigorexie

Elle a émergé chez des hommes bodybuilders qui présentent des compulsions à augmenter les heures consacrées à l'exercice physique, gaspillent de l'argent pour des compléments alimentaires et des abus de substances [8]. Cette dystrophie musculaire peut être la nouvelle expression d'une pathologie qui présente des similitudes avec les troubles alimentaires.

Véganisme

Les personnes qui suivent un régime végan ont un niveau de connaissance sur l'alimentation plus élevé que celles qui suivent un régime végétarien ou les omnivores. Bien que les recherches sur le végétarisme soient devenues plus nombreuses, peu d'entre elles ont étudié la relation entre véganisme, végétarisme et orthorexie mentale [3].

Évolution et pronostic

Si le début des troubles se situe classiquement à l'adolescence, la tendance observée ces dernières années va dans le sens d'une apparition plus précoce, dès 11-12 ans. Il existe également des formes à début plus tardif, après 20 ans. Les symptômes alimentaires peuvent évoluer chez un même sujet avec alternance de phases restrictives et de phases boulimiques. Le début effectif des troubles est parfois difficile à préciser. Le potentiel de chronicité du trouble est observé dans plus d'un tiers des cas. La durée moyenne d'évolution du trouble varie selon les populations : de l'ordre de 18 mois en population générale, de 4 ans chez les personnes soignées et, dans une population hospitalisée en psychiatrie adulte, elle est de l'ordre de 8 à 10 ans au moment des soins. La mortalité est importante (cf. chapitre 20.2). Des recommandations officielles pour la prise en charge de l'anorexie mentale ont été publiées par l'HAS en 2010 (cf. Conduite à tenir XI) [6].

Boulimie nerveuse (ou boulimie)

Historique et critères diagnostiques (DSM-5)

Elle a été décrite par G.F.M. Russell en 1979 [9], il est probable que ces conduites d'ingestion alimentaires importantes, impulsives et non contrôlables, existaient auparavant. Les critères diagnostiques de la boulimie les plus utilisés sont ceux du DSM-5 (encadré 20.2) [1].

Clinique

Les conduites boulimiques peuvent apparaître à la suite d'un régime restrictif, mais aussi après une AM ou sans que le sujet ait des antécédents de TCA, à la suite de vomissements provoqués, même après ingestion de quantités alimentaires peu importantes. La boulimie est caractérisée par des fluctuations pondérales, effets de la privation ou semi-privation, des épisodes d'hyperphagie incontrôlable, des stratégies de compensation pour contrôler le poids, des préoccupations extrêmes concernant le poids et les formes corporelles, une instabilité émotionnelle et une peur du surpoids. S'y associent souvent : dépression, anxiété, honte du fait de la perte de contrôle, impulsivité, comportements autoagressifs, abus de substances, tentatives de suicide avec grand besoin d'approbation, difficultés d'adaptation sociale, faible estime de soi et autodépréciation.

Crises de boulimie

Le sujet décrit essentiellement une perte de contrôle au moment des accès, la prise alimentaire est importante et rapide, parfois ritualisée. Le plaisir et/ou le soulagement d'une tension, d'une anxiété ou d'un sentiment de vide est présent au début, et fait place le plus souvent à un dégoût de soi et à un sentiment de honte. La crise s'arrête par un vomissement provoqué mais aussi à cause d'une sensation douloureuse de réplétion gastrique et parfois une fatigue intense avec somnolence.

Stratégies de contrôle de poids

Les stratégies de contrôle du poids (vomissements, restrictions, prise de laxatifs, activité physique) permettent au sujet de maintenir un poids dans les limites de la normale ; il existe malgré tout des fluctuations pondérales fréquemment de l'ordre de plusieurs kilogrammes.

Comorbidités psychiatriques

L'association à d'autres troubles des conduites telles que prises d'alcool, prises de toxiques, vols pathologiques – en dehors des vols de nourriture ou achats compulsifs – peut exister. Les troubles anxieux et dépressifs sont fréquents.

Complications somatiques

Les conséquences somatiques des boulimies sont des syndromes pseudo-occlusifs, une prise de poids, une hypertrophie des glandes salivaires (parotidomégalie), un mauvais état nutritionnel malgré un poids normal, des troubles des règles. Les conséquences des vomissements sont : une hypokaliémie, une hypochlorémie, une déshydratation, des érosions dentaires, des douleurs œsophagiennes et gastriques, une ingestion de corps étrangers au cours des vomissements provoqués, une fausse route. Des recommandations officielles pour la prise en charge de la boulimie et de l'hyperphagie boulimique ont été publiées par l'HAS en 2019 (cf. Conduite à tenir XI) [7].

Autres troubles des conduites alimentaires de type compulsif

Le binge-eating disorder, ou hyperphagie boulimique selon le DSM-IV-TR et accès hyperphagiques du DSM-5 [1], s'applique aux patients qui présentent des stratégies de contrôle du poids; ce sont donc des patients en général en surpoids ou prenant beaucoup de poids. Le DSM-5 décrit aussi des formes paucisymptomatiques appelées accès hyperphagiques de faible fréquence ou de durée limitée (encadré 20.3). Le DSM-5 individualise aussi le trouble purgatif comme un comportement purgatif récurrent visant à influencer le poids ou la forme du corps (p. ex. vomissements provoqués; mésusage de laxatifs, diurétiques autres médicaments) en l'absence d'accès hyperphagiques. Par ailleurs, chez un certain nombre de personnes en situation de surpoids ou d'obésité, il existe une hyperphagie au cours des repas sans que cela ait un caractère compulsif. Cela peut correspondre à des habitudes alimentaires familiales, ou être en rapport avec une activité professionnelle. Des accès d'hyperphagie peuvent se voir chez des patients délirants, schizophrènes, déments ou oligophrènes avec absorption de substances non nutritives (pica). Les régimes successifs chez des patients en situation d'obésité sont à l'origine de reprise de poids entre les diètes; qu'ils soient hypocaloriques, hyperprotidiques ou de toute autre nature, ils génèrent des surpoids encore plus importants que si aucun régime n'avait été réalisé. Cela est décrit comme le syndrome du « yo-yo». Les traitements psychotropes, antidépresseurs et antipsychotiques sont parfois à l'origine de prises de poids selon des mécanismes mal connus : peut être une action centrale avec augmentation de l'appétit et/ou modification du comportement alimentaire avec hyperphagie. Ces effets peuvent conduire à une mauvaise observance ou à un arrêt des traitements. Le syndrome de l'alimentation nocturne (nighteating syndrome) consiste en une anorexie diurne et une hyperphagie nocturne avec insomnie. Ce syndrome semble précipité par un événement de vie et souvent prédictif d'un échec des tentatives pour perdre du poids; il peut être amélioré par les antidépresseurs de type sérotoninergique.

Conclusion

L'analyse sémiologique fine des désordres alimentaires permet d'ajuster les actions thérapeutiques, en particulier pour tout ce qui concerne la réhabilitation comportementale, le type de psychothérapie à proposer et l'éventualité d'un traitement psychotrope, mais présente également un intérêt dans la définition de phénotypes pertinents à des fins de recherche de facteurs étiopathogéniques. D'autre part, les similitudes retrouvées dans les troubles comportementaux des patients présentant des troubles des conduites alimentaires ne présagent pas d'une psychopathologie spécifique ni d'une histoire clinique particulière.

Foulon Christine, psychiatre, Paris.

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Références2

[1] American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th ed. (DSM-5). Arlington : APA; 2013. Traduction française sous la direction de Crocq MA Guelfi JD et al. Paris : Elsevier-Masson; 2015. [2] Andersen AE. Progress in eating disorders research. Am J Psychiatry 2001 ; 158 : 515-17. 3] Brytec-Matera A, Czepsor-Bernat K, Jurzk H, et al. Strict health-oriented and vegan diet. Eat Weight Disord 2019 ; 24 : 441-52. [4] Corcos M, Jeammet P. Eating disorders : Psychodynamic approach and practice. Biomed Pharmacother 2001 ; 55 : 479-88. [5] Drewnowski A, Pierce B, Halmi KA. Fat aversion in eating disorders. Appetite 1988 ; 10 : 119-131. [6] HAS. Anorexie mentale : prise en charge. Recommandations de bonne pratique, septembre 2010. [7] HAS. Boulimie et hyperphagie boulimique : prise en charge. Recommandations de bonne pratique, septembre 2019. [8] Mosley PE. Bigorexia : bodybuilding and muscle dystrophia. Eur Eat Disord Rev 2009 ; 17 : 191-198. [9] Russell GFM. Bulimia nervosa : An ominous variant of anorexia nervosa. Psychol Med 1979 ; 9 : 429-48. [10] Rizk M, Mattar L, Kern L, et al. Physical Activity in Eating Disorders : A Systematic Review. Physical Activity in Eating Disorders : A Systematic Review. Nutrients 2020 ; 12 : 183. [11] Samuel-Lajeunesse B, Foulon C. Les Conduites Alimentaires. Paris : Masson; 1994. [12] Van Binsbergen CJ, Hulshof KF, Wedel M, et al. Food preferences and aversions and dietary pattern in anorexia nervosa patients. Eur J Clin Nutr 1988 ; 42 : 671-78. [13] Vaz FJ, Alcaina T, Guisado JA. Food aversions in eating disorders. Int J Food Sci Nutr 1998 ; 49 : 181-226. [14] Vitiello B, Leserhendler I. Research on eating disorders : Current status and future prospects. Biol Psychiatry 2000 ; 47 : 777-86. [15] Walsh T, Devlin M. Eating Disorders : Progress and Problems. Science 1998 ; 280 : 1387-90. [16] Zamora C, Bote Bonaechea B, Garcia Sanchez F, et al. Orthorexia nervosa : A new eating behavior disorder? Acta Esp Psiquiatr 2005 ; 33 : 66-8.

2 Quatre articles de l'Encyclopédie médico-chirurgicale sont spécifiquement consacrés à la clinique des troubles des conduites alimentaires : – Chaulet S, Riquin É, Avarello G, et al. Troubles des conduites alimentaires chez l'adolescent. EMC Pédiatrie 2015 ;10:4-002-U-40. – Godart N, Doyen C. Trouble du comportement alimentaire de l'enfant et de l'adolescent EMC AKOS (Traité de Médecine) 2015 : 8-0882. – Léonard T, Foulon C, Guelfi JD. Troubles du comportement alimentaire chez l'adulte. 2005 : 37-105-D-10. – Voyer A, Nicolas I, Corcos M. Troubles des conduites alimentaires à l'adolescence 2017 : 10-308-D-10.