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Impact de la presbyacousie sur la qualité de vie

27 septembre 2021

Par Anne Claire Nonnotte

Impact de la presbyacousie sur la qualité de vie

Impact de la presbyacousie sur la qualité de vie

Denis Ayache, Christophe Vincent

Introduction

La presbyacousie, également appelée surdité liée à l'âge ou sénescence auditive, est une baisse d'audition quasi physiologique d'installation progressive. Il est maintenant bien connu que cette baisse d'audition va générer un retentissement sur la qualité de vie (QdV) des patients et de leur entourage [1, 2]. Parmi les principales manifestations impactant la QdV des malentendants, on peut citer les troubles de la communication, l'isolement social, la dépression et les troubles de l'humeur, la perte d'autonomie, les troubles de l'équilibre et les chutes, ainsi que les troubles de la mémoire et de la cognition [3]. L'objectif de ce chapitre est de proposer au lecteur une mise au point sur les principales manifestations retentissant sur la QdV des malentendants et d'analyser les effets de la réhabilitation auditive. Bien que les différents facteurs responsables de la dégradation de la QdV soient plus ou moins intimement reliés, nous n'aborderons volontairement pas les troubles de la mémoire et de la cognition en lien avec la presbyacousie, puisqu'un chapitre leur est spécifiquement consacré (voir chapitre 11).

Conséquences de la presbyacousie sur la qualité de vie

Les études de QdV chez le presbyacousique utilisent le plus souvent des questionnaires spécifiques ou génériques dont les principaux sont résumés dans le tableau 8.1 [4]. Les questionnaires HHIE et SF-36 peuvent être utilisés dans des études françaises car validés dans notre langue. Une QdV excellente n'est rapportée que dans 39 % des sujets avec surdité versus 68 % des sujets sans surdité [4]. Cette perte de chance de bonne santé émotionnelle est retrouvée aussi dans d'autres études avec de larges cohortes prospectives (Health ABC study : 1903 adultes âgés entre 76 et 85 ans) [5]. Les auteurs de cette étude recommandent d'évaluer aussi les conséquences mentales de la presbyacousie en parallèle à la diminution de QdV. La diminution de QdV du presbyacousique est rapportée dans de nombreuses dimensions [4, 6] avec des conséquences diverses :

  • émotionnelles : sentiments de solitude, d'isolement, de dépendance, de frustration, de culpabilité, de colère ; anxiété, dépression ;

  • comportementales : retrait, déni, prétendre entendre, reproche ;

  • cognitives, perte de l'estime de soi, troubles de communication, difficulté de concentration.

La diminution de QdV touche aussi l'entourage [7]. Elle touche principalement la restriction de vie sociale, la difficulté de communication et la qualité relationnelle dans le couple. Cela peut expliquer en partie pourquoi ce sont souvent les proches qui incitent le sujet presbyacousique à se faire prendre en charge. L'entourage peut aussi permettre d'évaluer le gain de QdV du sujet appareillé [7]. Le questionnaire HHIE a même été adapté pour interroger le partenaire du sujet presbyacousique (HHIE-SP ou Hearing Handicap Inventory for Elderly-Spouse).

Effets de la réhabilitation auditive sur la qualité de vie des sujets presbyacousiques

Comme abordé plus haut, les facteurs concourant à la détérioration de la QdV des sujets âgés malentendants sont multiples et certains sont étroitement liés. On pourrait ainsi imaginer un chaînage dont le point de départ serait la perte d'audition, directement responsable de troubles de la communication, engendrant un isolement social lui-même responsable d'un état dépressif avec perte d'autonomie. Les troubles cognitifs impactent également la QdV en intervenant sur la surdité et les autres compétences sociales de l'individu. Dans une récente revue de littérature, Brodie et al. [3] ont étudié les effets de la réhabilitation auditive par appareillage conventionnel, aides auditives à conduction osseuse ou implant cochléaire sur la QdV des malentendants. Après exclusion des publications ne correspondant pas aux critères, les auteurs ont retenu 29 articles pertinents. Ils concluaient que, quelles que soient les modalités d'amplification, la réhabilitation prothétique améliorait la QdV dans toutes ses composantes en lien avec la surdité. Le malentendant cherche volontiers à compenser les difficultés de compréhension de la parole, en particulier en milieu bruyant, par des efforts d'écoute et d'attention supplémentaires, tous les efforts de suppléance mentale y compris visuels (lecture labiale) générant fatigue et stress. Dans une revue de littérature publiée en 2017, Ohlenforst et al. [8] ont étudié les effets de la surdité et des aides auditives sur les efforts d'écoute. Après la procédure de sélection, ils en ont retenu 41, dont 21 apportaient des éléments sur les liens entre baisse d'audition et efforts d'écoute, et 27 sur les liens entre baisse d'audition et appareillage auditif. Cette revue de littérature mettait en évidence des liens entre surdité et augmentation des efforts d'écoute, mais ne permettait pas de relier clairement l'intérêt des aides auditives sur la diminution des efforts d'écoute. Néanmoins, les auteurs signalaient le faible niveau de preuve de la plupart des articles, ainsi que l'inhomogénéité des cohortes et des méthodes d'évaluation. Dans une revue systématique de la littérature publiée en 2015, retenant 24 articles selon les critères de qualité et malgré l'hétérogénéité des méthodologies, Kamil et Lin ont bien montré que les troubles de l'audition retentissaient sur la qualité des échanges avec l'entourage, en particulier les proches, et généraient une détérioration de la QdV du malentendant et de ses principaux interlocuteurs [7]. Les auteurs signalaient également que la prise en charge de la surdité, par des méthodes d'entraînement auditif, d'appareillage conventionnel ou d'implantation cochléaire, concourait à en limiter les conséquences et à améliorer la QdV, tant du malentendant que de son entourage [7]. Il paraît évident que ces troubles de communication en lien avec la surdité participent au sentiment de solitude du malentendant et à son isolement social. Alors que les relations entre surdité et isolement social sont maintenant bien documentées [9], les effets de la réhabilitation auditive sur les sentiments de solitude et d'isolement ont fait l'objet de peu de travaux. Grâce à un questionnaire spécifique (De Jong Gierveld Loneliness Scale), Weinstein et al. ont étudié le sentiment de solitude et d'isolement chez 40 sujet âgés avant et après adaptation audioprothétique [10]. Après 4 à 6 semaines de port des aides auditives, le sentiment de solitude et d'isolement était significativement moins important, en particulier chez les patients présentant une surdité moyenne à sévère. Contrera et al. [11] rapportaient des résultats identiques après réhabilitation auditive par implants cochléaires (n = 50), mais ne mettaient pas en évidence de différences significatives pour les aides auditives conventionnelles (n = 63). Les syndromes dépressifs sont clairement plus fréquents chez les malentendants, en particulier chez les sujets âgés [12, 13]. Nkyekyer et al. [14] ont mis en évidence une baisse significative des symptômes dépressifs chez 40 malentendants âgés de 50 à 90 ans après une prise en charge comprenant 6 mois de rééducation auditive et 3 mois de port d'aides auditives. Acar et al. [15] rapportaient des résultats identiques après 3 mois d'utilisation d'aides auditives lors d'une étude prospective chez 34 patients de plus de 65 ans, ainsi que Choi et al. [16] après 6 mois de réhabilitation auditive par implants cochléaires chez 50 patients ou aides auditives conventionnelles chez 63 patients. Bien que le risque de chutes chez les sujets âgés soit multifactoriel, plusieurs travaux ont montré un risque accru en cas de surdité [17]. Même si Weaver et al. [18] ne trouvaient pas de différence sur le contrôle postural de patients implantés cochléaires ou porteurs d'aides auditives conventionnelles, que les systèmes soient activés ou non, une étude épidémiologique menée sur plus de 110 000 sujets malentendants de plus de 65 ans montrait que le risque de chute était moins important (ou plus exactement retardé) chez les patients appareillés [19].

Conclusion

L'impact extra-auditif le plus reconnu de la presbyacousie est sur la cognition. Cependant, de nombreuses études incitent à considérer à sa juste valeur la diminution globale de qualité de vie du presbyacousique et de son entourage et à l'évaluer. Deux questionnaires validés en français peuvent être utilisés pour effectuer cette mesure : HHIE (questionnaire spécifique) et SF-36 (questionnaire générique). La réhabilitation des troubles de l'audition liés à l'âge doit être encouragée car elle améliore significativement la qualité de vie du malentendant et de son entourage.

Le vieillissement cochléo-vestibulaire(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre) © 2021, SFORL. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Denis Ayache, ORL, professeur associé au Collège de médecine des Hôpitaux de Paris, chef de service d'ORL et de chirurgie cervico-faciale, Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, Paris

Christophe Vincent, ORL, professeur des universités-praticien hospitalier, service d'otologie et d'otoneurologie, CHU de Lille

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Références

1. Li-Korotky HS. Age-related hearing loss : quality of care for quality of life. Gerontologist 2012 ;52:265–71. 2. Campos JL, Launer S. From healthy hearing to healthy living : a holistic approach. Ear Hear 2020 ;41:99S–106S. 3. Brodie A, Smith B, Ray J. The impact of rehabilitation of quality of life after hearing loss : a systematic review. Eur Arch Otorhinolaryngol 2018 ;275:2435–40. 4. Ciorba A, Bianchini C, Pelucchi S, Pastore A. The impact of hearing loss on the quality of life of elderly adults. Clin Interv Aging 2012 ;7:159–63. 5. Contrera K, Betz J, Deal J, et al. Association of hearing impairment and emotional vitality in older adultds. J Gerontol B Psychol Sci Soc Sci 2016 ;71:400–4. 6. Kim TS, Chung JW. Evaluation of age-related hearing loss. Korean J Audiol 2013 ;17:50–3. 7. Kamil RJ, Lin FR. The effects of hearing impairment in older adults on communication partners : a systematic review. J Am Acad Audiol 2015 ;26:155–82. 8. Ohlenforst B, Zekveld AA, Jansma EP, et al. Effects of hearing impairment and hearing aid amplification on listening efforts : a systematic review. Ear Hear 2017 ;38:267–81. 9. Shukla A, Harper M, Pedersen E, et al. Hearing loss, loneliness and social isolation : a systematic review. Otolaryngol Head Neck Surg 2020 ;162:622–33. 10. Weinstein BE, Sirow LW, Moser S. Relating hearing aid use to social and emotional loneliness in older adults. Ame J Audiol 2016 ;25:54–61. 11. Contrera KJ, Sung YK, Betz J, et al. Change in lonelines safter intervention with cochlear implants or hearing aids. Laryngoscope 2017 ;127:1885–9. 12. Lisan Q, van Slotten TT, Lemogne C, et al. Association of hearing impairment with incident depressive symptoms : a communitybased prospective study. Am J Med 2019 ;132:1441–9. 13. Lozupone M, Sardone R, Donghia R, et al. Late-onset depression is associated to age-related central auditory processing disorder in an older population in Southern Italy. In: GeroScience ; 2020. Oct 31. doi : 10.1007/s11357-020-00290-1. Online ahead of print. 14. Nkyekyer J, Meyer D, Pipingas A, Reed NS. The cognitive and psychosocial effects of auditory training and hearing aids in adults with hearing loss. Clin Interv Aging 2019 ;14:123–35. 15. Acar B, Yurekli MF, Babademez MA, et al. Effects of hearing aids on cognitive functions and depressive signs in elderly people. Arch Gerontol Geriatr 2011 ;52:250–2. 16. Choi JS, Betz J, Li L, et al. Association of using hearing aids or cochlear implants with changes in depressive symptoms in older adults. JAMA Otolaryngol Head Neck Surg 2016 ;142:652–7. 17. Agmon M, Lavie L, Doumas M. The association between hearing loss, postural control, and mobility in older adults : a systematic review. J Am Acad Audiol 2017 ;28:575–88. 18. Weaver TS, Shayman CS, Hullar TE. The effect of hearing aids and cochlear implants on balance during gait. Otol Neurotol 2017 ;38:1327–32. 19. Mahmoudi E, Basu T, Langa K, et al. Can hearing aids delay time to diagnosis of dementia, depression, or falls in older adults ? J Am Geriatr Soc 2019 ;67:2362–9.