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Biomécanique orthodontique

8 décembre 2016

Par Anne Claire Nonnotte

Orthodontie Linguale

Découvrez un extrait de l'ouvrage

Le déplacement dentaire lors d’un traitement orthodontique quel qu’il soit nécessite l’application de forces au sein d’un système biologique. La biomécanique étudie les effets de ces forces dans les trois dimensions de l’espace et quelle que soit la technique utilisée, elle s’applique à tout dispositif, de la même manière et avec les mêmes règles. Il est donc important d’en connaître les principes car ils s’accompagnent d’effets parasites qu’il vaut mieux prévoir que subir.

L. Delsol: spécialiste qualifié en orthopédie dentofaciale, maître de conférences des universités, faculté d’odontologie–université de Montpellier, praticien hospitalier au CHU de Montpellier, exercice libéral à Montpellier.

Définitions

Les différentes techniques d’orthodontie linguale offrent des particularités biomécaniques issues de paramètres spécifiques directement liés au positionnement des attaches et, en premier lieu, une modification de l’équilibre du couloir dentaire à résultante centripète par diminution des appuis linguaux suite à un réflexe d’évitement.

La variabilité de surface des faces palatines et linguales des dents, la réduction de la distance entre les attaches, mais aussi une distance réduite entre le point d’application de la force et le centre de résistance de la dent, font partie des caractéristiques de l’orthodontie linguale.

Quelle que soit la technique utilisée, les déplacements orthodontiques répondent à des notions biomécaniques. Afin d’appréhender les déplacements dentaires susceptibles de se produire sous l’action d’un système mécanique, il convient de matérialiser l’équivalence du système de forces au centre de résistance (Cr) de la dent.

Centre de résistance

Le centre de résistance est le point d’un solide par lequel il suffit de faire passer la ligne d’action d’une force, de point d’application, de sens et d’intensité quelconque, pour obtenir un mouvement de translation pure (ou gression). Le centre de résistance d’une dent dans son alvéole, considéré comme un corps dans un milieu hétérogène (ou anisotrope), dépend de la dent et de son parodonte mais est indépendant du système de forces appliquées.

Sa position varie en fonction de la longueur, du nombre et de la forme des racines ainsi que de la hauteur et de la densité de l’os alvéolaire. Approximativement, il se situe entre le milieu et le tiers radiculaire à partir de la crête alvéolaire pour une monoradiculée, et dans la zone de furcation pour une pluriradiculée dans un contexte parodontal sain. Pour les secteurs postérieurs, dans le plan horizontal le centre de résistance est centré à l’arcade mandibulaire et plus proche des racines vestibulaires au maxillaire.

Une atteinte parodontale par diminution de la hauteur de l’os alvéolaire ou de sa densité provoque un déplacement apical du centre de résistance de la dent et donc diminue sa valeur d’ancrage. Cette apicalisation du centre de résistance de la dent a pour conséquence une augmentation du moment résultant de la force appliquée par accroissement de la distance avec le point d’application de la force.

Centre de rotation

Le centre de rotation est le point autour duquel se déplace une dent lorsqu’elle est soumise à une force ne passant pas par le centre de résistance. Il est uniquement dépendant du système de forces appliquées et affranchi de la dent et de son tissu de soutien. Sa localisation par rapport au centre de résistance détermine le type de mouvement obtenu depuis le mouvement de translation jusqu’à la rotation pure lorsqu’ils sont confondus.

L’application d’une force dont la ligne d’action ne passe pas par le centre de résistance de la dent engendre la création d’un moment (M) à l’origine d’un mouvement de version, combinaison d’une translation et d’une rotation. Ce moment (M) est égal au produit de l’intensité de la force (F) par la distance orthogonale (d) de sa ligne d’action au centre de résistance.

M = F × d

Plus le point d’application de la force s’éloigne du centre de résistance de la dent, plus le moment résultant de la force appliquée augmente, en conséquence le mouvement de rotation est accentué au détriment du mouvement de translation. En revanche à l’équilibre, la somme des moments en présence est nulle.

Effets biomécaniques d’une force orthodontique

La position du centre de résistance d’une dent est indépendante de la technique utilisée, en revanche les effets biomécaniques d’une force orthodontique seront en relation avec la position de l’attache, linguale ou vestibulaire. La relation entre la localisation du centre de résistance de la dent et le point d’application de la force influence directement l’intensité et la direction des moments créés et va dépendre de l’inclinaison de la dent (figure 3.1).

Figure 3.1

Les effets induits sur une dent par la résultante des forces générées dans le sens sagittal et vertical en technique linguale ou vestibulaire vont être différents par le fait que la ligne d’action de la force résultante est généralement située en avant du centre de résistance en orthodontie vestibulaire et en arrière lorsque l’attache est positionnée sur la face palatine ou linguale des dents, faisant que l’intensité du moment induit pour une force identique sera plus importante en technique linguale que vestibulaire (figure 3.2).

Figure 3.2

La biomécanique d’une force ingressive tient compte bien évidemment du point d’application de la force, vestibulaire ou linguale, mais également de l’inclinaison vestibulo-palatine de la dent. L’application d’une force ingressive de même intensité sur la face palatine ou vestibulaire d’une incisive maxillaire en normo-position produit un moment antihoraire qui déplace la couronne en direction vestibulaire et la racine en direction palatine. Le mouvement de rotation de l’incisive est nettement supérieur en technique vestibulaire car plus le point d’application de la force s’éloigne du centre de résistance de la dent, plus l’intensité du moment résultant de la force appliquée augmente (figure 3.3).

Figure 3.3

Une mécanique identique appliquée à une incisive vestibulo- versée a pour effet la création d’un moment antihoraire d’intensité plus importante que pour une incisive en normo-position du fait de l’augmentation de la distance du point d’application de la force au centre de résistance de la dent. La vestibulo-version sera également plus importante en technique vestibulaire (figure 3.4).

Figure 3.4

L’application d’une force ingressive sur la face palatine d’une incisive maxillaire en palato-position produit un moment horaire qui déplace la couronne en direction palatine et la racine en direction vestibulaire alors que la même force appliquée sur la face vestibulaire de la dent a pour effet la création d’un moment anti-horaire s’accompagnant d’une vestibulo-version car la ligne d’action de la force passe en avant du centre de résistance de la dent (figure 3.5).

Figure 3.5

Lors d’une phase de rétraction incisive maxillaire, l’intensité du moment créé par une force horizontale est supérieure en technique linguale, et moindre en technique vestibulaire, du fait de la plus grande distance qu’il existe entre le centre de résistance de la dent et le point d’application de la force (figure 3.1). Par conséquent, les mouvements de palatoversion sont plus importants en technique linguale sur les incisives maxillaires entraînant un effet de rabbiting (centre de rotation proche du centre de résistance de la dent).

Le contrôle du torque, lors de la phase de rétraction, est plus délicat en technique linguale, où il sera nécessaire d’incorporer du torque résistant afin de se rapprocher le plus possible d’un mouvement de translation (le centre de rotation s’éloigne du centre de résistance de la dent). À l’arcade mandibulaire, les effets de la biomécanique linguale ou vestibulaire seront également dépendants de la position initiale de l’incisive.

La ligne d’action d’une force orthodontique ingressive agissant sur la face linguale d’une incisive mandibulaire en normo-position passe par le centre de résistance de l’incisive et induit un mouvement d’ingression pure. En revanche, une force orthodontique dont le point d’application est situé sur la face vestibulaire a sa ligne d’action qui passe en avant du centre de résistance de la dent entraînant un mouvement d’ingression associé à une vestibulo-version (figure 3.6). Ainsi, la phase de nivellement sera plus aisée et moins soumise aux effets parasites de vestibulo-version en technique linguale qu’en technique vestibulaire.

Figure 3.6

Dans le cas d’une incisive vestibulo-versée, l’application d’une force ingressive sur la face linguale ou vestibulaire produit un moment horaire, à l’origine d’une version vestibulaire associée à une ingression, dont l’intensité est très nettement inférieure du côté lingual du fait de la faible distance qui sépare la ligne d’application de la force au centre de résistance de la dent (figure 3.7).

Figure 3.7

L’application d’une force orthodontique ingressive sur la face linguale d’une incisive mandibulaire en linguo-position produit un moment anti-horaire à l’origine d’une version linguale. En revanche une force orthodontique dont le point d’application est situé sur la face vestibulaire a sa ligne d’action qui passe par le centre de résistance de l’incisive qui induit un mouvement d’ingression pure (figure 3.8). Au niveau des secteurs postérieurs, en technique linguale, la ligne d’action de la force passe à l’intérieur du centre de résistance de la dent provoquant une linguoversion dans le cas de forces ingressives et une vestibulo-version pour les forces égressives et inversement en technique vestibulaire.

Figure 3.8

Le centre de résistance des molaires mandibulaires est situé verticalement au niveau de la furcation et est centré dans le plan horizontal, sa distance au point d’application de la force varie en fonction de l’inclinaison de la dent. En revanche, au maxillaire le centre de résistance dans le plan horizontal étant plus proche des racines vestibulaires, l’intensité du moment créé sera plus importante pour une force donnée en technique linguale par augmentation de la distance du point d’application de la force au centre de résistance. Cette distance sera variable en fonction de l’inclinaison vestibulo-palatine de la dent (figure 3.9).

L’application d’une force ingressive sur la face palatine d’une molaire maxillaire produit un moment horaire dont l’intensité est proportionnelle à la position initiale de la dent (figure 3.10).

La position plus vestibulaire des centres de résistance dans le plan horizontal a pour conséquence une augmentation de la distance entre le centre de résistance de la dent et le point d’application de la force qui entraîne un effet parasite de rotation avec vestibulo-version des dents des secteurs latéraux lors de mécanique de fermeture d’espace. Une force excessive lors du recul en masse va avoir pour conséquence une palato-version des incisives maxillaires, une désocclusion des secteurs latéraux et une perte d’ancrage par mésio-version molaires suite à un effet de cintrage de l’arcade: bowing effect vertical lors de l’utilisation d’arc positionné en edgewise. Une même force de rétraction utilisée en technique linguale ribbonwise aura pour effet une rotation distale des molaires et une expansion transversale des secteurs latéraux.

En orthodontie linguale, la correction des rotations des monoradiculées nécessite une force plus importante qu’en technique vestibulaire du fait que la distance orthogonale de la ligne d’action de la force au centre de résistance de la dent est plus courte et donc à l’origine d’un moment de plus faible intensité.

Lorsqu’un fil orthodontique carré ou rectangulaire est inséré de manière active à l’intérieur de l’attache, il va naturellement avoir tendance à reprendre sa position initiale non forcée en délivrant un couple de force à la dent par l’intermédiaire de l’attache. Ce couple est obtenu grâce à l’utilisation d’un système de deux forces de même intensité, de lignes d’action parallèles et de sens opposés.

Quel que soit le point d’application du couple, il se traduit par un moment au centre de résistance de la dent concernée. Le couple tend ainsi à provoquer la rotation du solide auquel il est appliqué. L’effet du couple dépend de l’intensité des forces et de la distance qui sépare les deux lignes d’actions au centre de résistance de la dent (figure 3.11). Néanmoins, la liberté de mouvement de la dent conditionne l’expression de ce couple et donc l’effet de torque qui en découle.

Figure 3.11

Les attaches peuvent présenter des gorges à insertion verticale ou horizontale à l’intérieur desquelles le fil va pouvoir être positionné en edgewise ou en ribbonwise avec des conséquences sur le contrôle des trois ordres.

Le contrôle du torque est plus difficile en technique linguale que vestibulaire, notamment lors de la phase de rétraction incisive, d’autant plus qu’il y a un risque que l’arc sorte des attaches à insertion horizontale ou qu’il ne soit pas totalement engagé à l’intérieur de la gorge, rendant le contrôle du torque difficile.

Les boîtiers à insertion verticale ou ribbonwise offrent une meilleure gestion du torque et des rotations des secteurs antérieurs, avec un très bon maintien de l’arc à l’intérieur de l’attache lors de la phase de rétraction, mais avec un contrôle du deuxième ordre un peu plus délicat.

Le système d’orthodontie linguale entièrement individualisé permet que la gorge de l’attache soit le plus près possible de la dent dans un but de confort pour le patient mais surtout pour diminuer les effets parasites.

Conclusion

La plupart des mouvements dentaires provoqués ne sont que la combinaison de plusieurs mouvements dentaires purs. Ainsi si on applique une force simple sur l’attache d’une dent, la ligne d’action ne passe pas par le centre de résistance et entraîne la combinaison de deux mouvements, une translation liée à l’intensité de la force et une rotation liée à l’importance du moment.

La prédominance du mouvement sera donnée par le rapport force/moment, qui se traduit par une translation si le rapport est élevé et par une rotation si au contraire ce rapport tend à diminuer. Au cours du déplacement orthodontique, le rapport F/M doit être constant.

Vous venez de lire le chapitre 3: Biomécanique orthodontique de l’ouvrage Orthodontie Linguale (S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)(Pierre Canal, L. Delsol, Dirk Wiechmann)+

Pour aller plus loin

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