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Les enfants davantage affectés par le confinement que par le coronavirus

France | 2 février 2021

Les enfants davantage affectés par le confinement que par le coronavirus

Nous vous proposons de découvrir un article de La revue de santé scolaire et universitaire(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Les enfants davantage affectés par le confinement que par le coronavirus

Children more affected by confinement than by coronavirus

Fabienne Kochert  : Pédiatre libérale, présidente, Catherine Salinier : Pédiatre, ex-présidente Association française de pédiatrie ambulatoire, 30 rue Émile-Zola, 45000 Orléans, France

*Auteur correspondant.

La revue de santé scolaire et universitaire

La revue de santé scolaire et universitaire

Résumé

Peu d’enfants ont nécessité des soins directement en lien avec la Covid-19. Les répercussions proviennent plus certainement du confinement, avec l’éloignement des cabinets médicaux. Si le lien a pu être maintenu grâce à la téléconsultation, quelques retards diagnostiques ont pu être déplorés. Les données sont encore insuffisantes sur les troubles somatiques : certains enfants vulnérables ont pu être rassurés par le maintien dans la cellule familiale, quand d’autres ont été plus exposés à des tensions, voire à de la maltraitance ou à des difficultés scolaires.

Children more affected by being locked down than by coronavirus

Few children required care directly related to Covid-19. The repercussions most certainly come from the lockdown, with the distance from the doctor’s office. While the link was maintained through teleconsultation, there were some delays in diagnosis. The data are still insufficient with regard to somatic disorders: some vulnerable children were reassured by remaining within the family unit, while others were more exposed to tension, even abuse, or difficulties at school.

Mots clés : consultation, Covid-19, enfant, répercussion, retard diagnostique Keywords : child, consultation, Covid-19, diagnostic delay, impact

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les nombreuses publications sur le severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (Sars-CoV-2) ont permis de mieux comprendre sa propagation, sa contagiosité, ses manifestations cliniques [1]. Les enfants, en grande partie épargnés par l’épidémie, ont surtout subi les conséquences du confinement1 et de l’anxiété généralisée.

Le contexte pédiatrique

Les enfants ne sont pas la cible du nouveau coronavirus : la majorité d’entre eux ont présenté des formes asymptomatiques ou très peu symptomatiques de la maladie (découvertes lors de prélèvements analysés par polymerase chain reaction réalisés au contact d’un adulte infecté), une infime minorité a été hospitalisée (cent fois moins que dans la population adulte), encore moins en réanimation, et le nombre de décès est 5 000 à 10 000 fois plus faible que chez l’adulte [2, 3]. Les formes graves sont liées soit à une atteinte pulmonaire avec détresse respiratoire, soit à une défaillance circulatoire en lien avec une réponse immunitaire post infectieuse excessive et inadaptée (appelée tantôt syndrome de Kawasaki-like, tantôt Pims pour paediatric inflammatory multisystem syndrome) [4].

Les données françaises confirment la bénignité de l’infection chez les enfants. De février à avril 2020, 27 enfants de plus d’un mois ont été hospitalisés en réanimation à l’hôpital Necker-Enfants malades (centre de référence en Île-de-France pour les formes sévères de Covid-19 chez l’enfant), 5 sont décédés, parmi lesquels deux souffraient d’une pathologie grave sous-jacente [5]. Le nombre de cas de Pims comptabilisés par Santé publique France s’élève à 240 au 1er novembre 2020, dont la moitié en région parisienne, 46 % des enfants ont nécessité un séjour en réanimation, 1 seul est décédé [6]. Rappelons que la grippe tue chaque année en France dix enfants. En revanche, les enfants ont été, au début de l’épidémie, accusés à tort d’être vecteurs du coronavirus et mis à l’écart de leur vie habituelle (arrêt de l’école et de toutes les activités périscolaires) et éloignés de leurs aïeux. Au vu des données actuelles (dont la Société française de pédiatrie a fait une synthèse en septembre 2020 [7]), les enfants n’apparaissent pas comme des supertransmetteurs. Ces circonstances inédites ont été d’autant plus troublantes pour les enfants. En effet, sans possibilité de comprendre la totalité des événements, ils ont pu se construire des images fausses, anxiogènes, en miroir de l’anxiété parentale, et développer des symptômes qui ont pu être négligés ou mal interprétés : symptômes physiques interprétés comme psychosomatiques et inversement.

Le contexte du confinement a assurément éloigné les enfants de leur médecin. Ainsi, si tout a été fait pour que les pathologies aiguës puissent être prises en charge, quelques retards diagnostiques et des complications ont cependant été observés, mais, surtout, le suivi des enfants a été négligé, ce qui a impacté les actes de prévention, le suivi des maladies chroniques et l’accompagnement des enfants à besoins spécifiques et/ou en situation de handicap.

Le rapport au pédiatre modifié

La situation de confinement a sensiblement transformé la pratique médicale ambulatoire habituellement facile d’accès, conviviale, chaleureuse et humaine. Le rendez-vous avec un médecin de ville ou aux urgences s’est trouvé limité et devait être justifié par une attestation de déplacement.

La consultation a été bouleversée : locaux froids sans jouets ni revues, nombre d’accompagnants limité, tenue vestimentaire du médecin inhabituelle et sacralisée (blouses, masques, lunettes de protection), rituel de désinfection, suppression de tout geste social (poignée de main, caresse à l’enfant), jusqu’au sourire qui était masqué.

La consultation dédiée à l’enfant s’est retrouvée largement embolisée par le contexte sanitaire avec des informations souvent mouvantes mais toujours inquiétantes, d’où la difficulté pour le pédiatre de se recentrer sur l’enfant et sur son symptôme.

Heureusement, une nouvelle forme de pratique médicale s’est généralisée pendant le confinement : la téléconsultation. Celle-ci a été d’une grande aide à la prise en charge ambulatoire des enfants. Le contact en visioconférence avec le médecin, sans masque mais avec des mimiques sociales, a contribué à rassurer l’enfant et sa famille.

Les conséquences médicales

La baisse des consultations a été nette, en ville et à l’hôpital ; elle a concerné les enfants comme les adultes. En pédiatrie, le non-urgent a été reporté, et l’incidence des pathologies infectieuses pédiatriques courantes a rapidement chuté dès lors que les enfants n’étaient plus en collectivité.

L’ensemble des sociétés de pédiatrie a recommandé de maintenir les soins indispensables aux enfants (suivi des nouveau-nés après sortie de maternité, vaccinations des nourrissons) [8] et de ne pas différer les consultations urgentes [9]. Cependant, certains parents ont reporté des consultations par peur de se rendre dans les cabinets médicaux et, malheureusement, certains centres de protection maternelle et infantile étaient fermés.

Troubles somatiques

Rares sont les données publiées sur les troubles somatiques présentés par les enfants pendant cette période. Les plaintes sont apparues lors de la reprise des consultations de suivi – troubles du sommeil, boulimie, énurésie – et aussi certaines craintes – peur de quitter le cocon familial, de retourner à l’école, etc. Symptômes de stress post-traumatique (SPT), confusion, colère, dépression, baisse d’humeur, irritabilité et insomnies ont été constatés lors d’autres d’épidémies accompagnées de mesures de mise en quarantaine (Ebola, syndrome de détresse respiratoire aiguë en 2003). Une étude montre un score de SPT quatre fois plus élevé chez les enfants mis en quarantaine par rapport à ceux qui n’ont pas été isolés [10]. D’autres facteurs ont été mis en avant : diminution d’activité physique, gain de poids ou augmentation du temps passé sur les écrans [11]. Une enquête Mpedia2 - Association française de pédiatrie ambulatoire - Fondation pour l’enfance faite après le confinement révèle que 54 % des enfants ont fait plus d’accès de colère, 63 % ont été plus agités et 45 % ont eu des troubles du sommeil [12].

Chute des vaccinations

Malgré les recommandations de ne pas différer les vaccinations, il y a eu une baisse des ventes de vaccins en France. Ainsi, 44 000 nourrissons âgés de 3 à 18 mois n’auraient pas reçu ceux qui sont recommandés dans le calendrier vaccinal obligatoire [13]. La diminution de la couverture vaccinale des nourrissons expose à un risque non négligeable de résurgence de nouvelles épidémies, notamment de coqueluche et de rougeole. Le centre hospitalier universitaire de Tours (37) a signalé, courant avril 2020, quatre cas de coqueluche, dont un chez un nourrisson de moins de 6 mois hospitalisé en réanimation.

Acidocétose diabétique

En Europe, des pédiatres ont signalé la recrudescence de cas d’acidocétose diabétique chez les enfants [14, 15]. Quelques cas ont été rapportés en France. Une campagne d’information lancée par la Société française d’endocrinologie et diabétologie pédiatrique et l’Association des jeunes diabétiques a rappelé aux parents de consulter rapidement devant des signes évocateurs, notamment une énurésie récente (à ne pas attribuer à un stress lié au confinement) [20].

Retard de prise en charge pour certaines pathologies

Des cas de pyélonéphrites de diagnostic retardé ont été signalés par certains services d’urgences pédiatriques. Non pas qu’il y ait eu une augmentation du nombre de cas, mais certains parents avaient tardé à consulter.

Un nourrisson de 18 mois a subi une néphrectomie pour fonte purulente du rein à la suite d’un obstacle par un calcul volumineux. Il présentait depuis deux semaines des troubles du sommeil, qui, contrairement à ce que pensaient les parents, n’étaient pas liés au confinement.

Prise de poids

Les pédiatres notent une fréquente prise de poids chez les enfants déjà en surpoids avant le confinement, favorisée par le manque d’activité (dans l’enquête Mpedia, moins de 50 % des parents sont sortis chaque jour avec leur enfant [12]), par une augmentation du temps passé devant les écrans et par le relâchement des habitudes alimentaires.

Maltraitance

La situation de confinement a généré des conflits dans les couples (38 %) pour des situations tendues avec les enfants (30 %).

Une hausse des signalements de violences sur les enfants a été constatée, notamment une nette augmentation du nombre d’appels au 119 (accueil téléphonique Enfance en danger) [16].

Retentissement sur les apprentissages

L’école à la maison a probablement creusé les inégalités sociales, malgré les efforts des enseignants. Le travail scolaire mais aussi la difficulté à concilier enseignement à domicile et télétravail des parents ont été source de tensions familiales. Les directives données par les enseignants n’étaient pas toujours comprises et la charge de travail était parfois importante.

Certains enfants présentant des troubles spécifiques des apprentissages ont préféré l’école à la maison où leurs difficultés étaient moins exposées, mais, pour d’autres, le travail était peu adapté à leurs troubles, ils n’avaient plus d’aménagements pédagogiques et beaucoup de parents ont eu du mal à remplacer les accompagnants des élèves en situation de handicap.

Enfants en situation de handicap

Cette période a entraîné pour les plus fragiles une interruption des soins de rééducation et un retour permanent à la maison pour ceux placés en institution spécialisée.

Des enfants aux possibilités cognitives amoindries ont très mal vécu la rupture de rythme de leur vie et la perte de leurs repères. Ils ont exprimé leur désarroi par davantage d’agitation, voire d’agressivité, que les parents ne savaient pas ou ne pouvaient pas canaliser.

L’hôpital Robert-Debré (Paris) a mis en ligne un très grand nombre de fiches pratiques destinées aux parents d’enfants présentant un trouble du neurodéveloppement [17] pour accompagner le confinement, puis le déconfinement.

Conclusion

Les enfants sont bien moins touchés par le nouveau coronavirus que les adultes et sont aussi moins contagieux. Même si quelques rares enfants ont nécessité des soins de réanimation, la mortalité est très faible, nettement inférieure à celle liée à la grippe.

La communauté pédiatrique dans son ensemble a fait le maximum pour continuer à soigner les enfants le mieux possible pendant la première phase de la pandémie.

Les réseaux sociaux et les médias ont permis aux médecins de s’unir dans l’information, l’harmonisation des pratiques et le réconfort, ce qui a aidé et renforcé chacun dans son quotidien de consultation et a apporté un soutien plus sécure aux parents et aux enfants.

Grâce notamment à la généralisation de la téléconsultation, le lien avec les familles a pu être maintenu et, dans l’ensemble, les pathologies aiguës ont été prises en charge, même si quelques retards diagnostiques ont été rapportés. En revanche, les enfants, et surtout les plus fragiles, ont beaucoup souffert du confinement qui a, par ailleurs, creusé les inégalités sociales. Cette crise sanitaire s’inscrit dans la durée, la fameuse “deuxième vague” remet les hôpitaux sous tension depuis la fin du mois d’octobre 2020. Avec la décision d’un nouveau confinement, la question de la fermeture des écoles s’est posée à nouveau. La forte circulation virale sur le territoire a entraîné un renforcement du protocole sanitaire dans les écoles avec notamment le port du masque dès la classe de CP [18]. Cette mesure semble acceptable tant que la circulation virale reste élevée, le plus important étant que les écoles restent ouvertes et que tous les enfants puissent continuer à bénéficier des soins dont ils ont besoin. Le Haut Conseil de la santé publique a formulé, en juin 2020, un ensemble de recommandations visant à protéger les enfants des conséquences de la pandémie [19].

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

© 2020  Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Cet article a été rédigé avant l’annonce du deuxième confinement et traite des conséquences du premier confinement, instauré du 17 mars au 11 mai 2020. 2 Mpedia est le site Web de l’Association française de pédiatrie ambulatoire pour le grand public. www.mpedia.fr.(S’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

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